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Nr.0041

An Marianne Eymard

III,34-35

A-2 103

B-3 59

R2-25 48

Belley, 22 Octobre 1843.

MES BIEN CHERES SOEURS,

Je vous remercie beaucoup de votre bonne lettre. Mon coeur aurait voulu vous écrire de suite, mais tous mes embarras ne m'en ont pas laissé le temps, parce que je ne le voulais pas faire en courant, mais à tête reposée.

La nouvelle maladie de Nanette m'a bien attristé; comme elle est souvent souffrante, il faut bien qu'elle se ménage. Je souhaite bien vivement que votre position s'améliore et que vous ayez moins de peine et d'embarras. Connaissant votre ardeur pour le travail, je vois que vous en ferez toujours au-dessus de vos forces; aussi, si vous trouviez un prix convenable de la maison, en plaçant bien le montant vous vivriez plus tranquillement.

Pour ce que vous me dites, cela m'aurait fait une grande peine si vous n'aviez ajouté que vous ne l'aviez pas cru, comme si je ne souffrirais de vous voir à la misère, en réclamant une partie du prix de la maison; vous savez là-dessus ce que je vous ai dit aux vacances, ma parole doit vous suffire et à Nanette. Je ne suis fâché que d'une chose, c'est que, lorsque je suis à La Mure je ne connaisse pas les personnes qui me jugent ainsi; et ma réponse serait toute faite. On attribue cela au bon coeur; mais moi, je regarde cela autrement: c'est un outrage, et l'injure la plus sanglante. Vous m'auriez fait plaisir de me taire cela et m'éviter cette peine, parce que cela m'éviterait de faire des jugements téméraires. Qu'il n'en soit plus question. Si je ne vous aimais pas, je n'irais pas vous voir avec tant de plaisir; vous pensez bien que si je vais à La Mure, ce n'est pas pour le pays ou mes connaissances, mais rien que pour vous.

Il paraît que l'achat du jardin de Mr Didier aura lieu, on m'en a écrit.

Six mille francs de la maison, ce ne serait pas assez; il faudrait un prix plus haut.

Comptons beaucoup sur la Providence, qui a soin de ceux qui ont confiance en elle.

Pour vous, mes chères soeurs, travaillez toujours pour le ciel, aimez beaucoup Notre-Seigneur au Saint Sacrement. Visitez-le souvent, dévouez-vous entièrement à l'amour et à la vie intérieure de la Très Sainte Vierge.

Il faut que chaque jour nous achète le ciel par quelque sacrifice.

Je suis, en union d'amour en N.-S. et de prières,

Votre frère.

J. EYMARD.

P.S. Auguste va bien.

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0042

An Hochw. Bramerel

V,237-238

A-9 119

B-6 221

Belley, 26 Décembre 1843.

Bien cher ami,

Il y a bien longtemps que je désirais avoir un bon petit moment pour répondre à tant de marques d'amitié de votre part; aussi, parmi les nombreuses lettres que j'ai à faire, la vôtre sera la première.

Vos deux missives m'ont fait un sensible plaisir. Je m'y attendais, car je connais votre coeur. Mais vous pourriez bien me faire un reproche, c'est de vous avoir fait si longtemps attendre; mais s'il y a un peu de paresse, il n'y a jamais eu l'oubli; tous les jours je me disais : Allons! aujourd'hui il faut payer ma dette.

Que vous dire de bien? Vous voilà maintenant dans votre Cénacle, heureux, content, fixé, tant mieux! Quand on aime sa position, c'est le Paradis sur la terre.

Je pense bien que de temps en temps quelques nuages passent sur votre tête; mais ils passent vite. Seulement, il faut avoir la patience de l'attente du Soleil de justice, car la vie de l'homme n'est qu'une vie de passage, d'épreuves et de changement. Et celui-là est le plus heureux qui met sa vertu au-dessus des orages et des tempêtes qui n'éclatent qu'à ses pieds.

Vous regrettez la Congrégation, et nous aussi nous vous regrettons! Votre départ a laissé un grand vide; mais votre souvenir y est toujours vivant. C'est beau et touchant quand, le dimanche et le jeudi, nous prions pour nos frères absents. Et chacun alors appelle les siens et les consacre à la bonne Mère. J'apprends avec le plus sensible plaisir que vous l'aimez tous bien, cette douce Vierge, et que vous en parlez souvent. Continuez, chers amis, elle vous regarde et sourit à vos désirs pour sa gloire.

Ici, nous faisons bien ce que nous pouvons, mais non tout ce que nous lui devons. La Congrégation compte une cinquantaine de membres et paraît bien aller.

Rien de nouveau ici; tous travaillent bien, et tous se portent bien.

Ne nous oubliez pas, surtout moi. Et une autre fois je ne serai pas si tardif! Je vous remercie de votre offre de 5 fr. pour la Congrégation. Mais on m'a dit que vous vous étiez fait inscrire et on n'a rien voulu me donner; il faudrait me dire si vous avez commencé les leçons.

Je vous embrasse de tout mon coeur.

Tout à vous in Maria.

J. EYMARD.

P.S. Mes amitiés, mes souvenirs à tous nos braves ermites, silencieux comme saint Jean de ...., morts au monde. Cependant Mr Delacourt, Mr Tournier, Mr Bernardy m'ont donné signe de vie; veuillez leur en témoigner ma reconnaissance.

Monsieur,

Monsieur l'abbé Bramerel en 1er Cours,

au Grand Séminaire de Brou, à Bourg (Ain).


Nr.0043

An Marianne Eymard

III,35-36

A-2 107

B-3 61

R2-25 49

J. M. J.

Belley, 13 Janvier 1844.

MES CHERES SOEURS,

Je vous remercie de votre bonne lettre, elle m'a bien consolé, car le temps commençait à me durer et j'allais vous écrire quand j'ai reçu votre lettre. Et moi aussi je vous souhaite une bonne année. Hélas! mes soeurs, si Notre-Seigneur n'avait pas mené une vie pauvre et souffrante, s'il n'avait pas laissé sa croix en héritage à ses enfants, je vous souhaiterais le bonheur en ce monde; mais je ne puis demander pour vous que la patience, que l'amour de Jésus-Christ crucifié, que la joie de l'âme qui sert son Dieu avec ferveur, que l'espérance qui regarde avec soupir le beau ciel des Elus et qui l'appelle de toute son âme. Voilà mon souhait, c'est celui que vous attendez de moi et que vous aimez.

Allons, mes bonnes soeurs, allons, nous, en Paradis, regardons la vie comme le creuset où l'or s'épure, comme le chemin pénible, mais céleste, qui conduit vers la Sainte Vierge, vers Notre-Seigneur qui nous tendent les bras et nous disent: Encore un peu et je serai votre récompense.

Vous savez peut-être que Rose, domestique de Mr le Curé de Chatte, est morte le jour de Noël; priez pour elle, je lui dois de la reconnaissance.

La mort du père Darier m'a terriblement affligé, mais sa sainte vie me fait envier son sort, car c'est un saint. Consolez cette bonne famille de ma part.

Je ne dis rien de moi, sinon que je me porte bien, et que j'ai un grand désir de devenir un saint pour pouvoir faire des saints et procurer ainsi la gloire de Dieu.

Présentez mes souhaits de bonne année à la mère Cros, à Madame Dumoulins, à l'excellente famille Fayolle.

Votre frère.

J. EYMARD.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0044

An Marianne Eymard

III,36-37

A-2 109

B-3 62

R2-25 51

Belley, 4 Juin 1844.

MES BIEN CHERES SOEURS,

Il y a longtemps que je veux vous écrire, je pensais même que vous me devanceriez, mais c'était à moi, c'est toujours avec joie que je remplis ce devoir fraternel; mais vous savez que je suis un peu paresseux à écrire.

Je me porte bien, nous travaillons tous tant que nous pouvons; la vie est courte, et le ciel si digne d'être acheté par tous les moyens possibles! Je remercie souvent Notre-Seigneur de m'avoir fait la grâce d'exercer le saint ministère sur des jeunes et des enfants; c'est le ministère le plus méritoire et le plus consolant. On prépare des prêtres à l'Eglise, on peut soigner des enfants avec toute l'assiduité d'une mère.

Il faut bien prier afin que le Bon Dieu bénisse mes efforts; vous y avez intérêt puisque nous sommes de société commune.

Auguste va bien, il se porte bien, nous en sommes toujours contents.

Je viens de visiter Monseigneur l'Evêque de Gap, Mgr Dépery, chanoine de Belley. Assurément, Gap sera content de ce choix. Il aime bien la Sainte Vierge.

Ecrivez-moi, et donnez-moi d'amples nouvelles. Le temps me dure de recevoir de vos nouvelles; n'ayant que vous sur la terre, il est juste que je pense à une soeur qui m'aime plus que je ne le mérite, ainsi qu'à Nanette que j'appelle ma bonne, et comme ma nourrice. Aussi, soyez sûre que si ma prière a quelque prix aux yeux de Dieu, vous y avez une large part.

Je suis, dans l'amour de Jésus et de Marie,

Votre frère.

J. EYMARD.

P.S. Mes affectueuses amitiés à Mr Rabilloux et à Mr Verdun, sans oublier la bonne famille Fayolle et la mère Cros.

A Mademoiselle Eymard,

à La Mure (par exprès).


Nr.0045

An Herrn Anton Mayet

B,52-53 (43)

Réf. A-7 21 (autogr.)

A-8-67

B-7-13

R2-24-171

Belley 5 juin 1844

Cher ami,

Merci de votre bonne et amicale lettre. Je ne l'attendais que plus tard, avec tant d'embarras, mais votre amitié m'a classé au premier rang, j'en suis fier et je vous le rends, car mon attachement vous est connu. Aussi cette nouvelle m'a fait un grand plaisir et surtout un tel choix. Que Dieu vous bénisse toujours.

Toutes les fois que je pense à ce précepte:"Tes Père et Mère honoreras, afin de vivre longuement", ma pensée se porte naturellement à St-Clair n· 4 et je dis: là on vivra longuement heureux en ce monde; ils le méritent; ils l'ont gagné; jamais je n'ai vu de famille où on s'aimât tant, où il y eût tant de dévouement. C'est ce qui a commencé mon estime. Le reste, heureux en l'autre, je le tire en conséquence, parce qu'on ne loue les saints qu'après leur mort.

J'ai dit la Sainte Messe pour vous le jour fixé. Fasse le ciel qu'elle attire sur vous toutes les bénédictions. Quand vous verrez le bon frère, embrassez-le pour moi. Qu'il m'en a coûté de le voir partir. Je ne puis pas encore m'y habituer. Je suis obligé de chasser cette pensée; elle m'attriste. Demandez-lui, s'il vous plaît, s'il a reçu son paquet.

Adieu, mon cher ami, mes voeux sincères à toute la famille.

Tout à vous.

Eymard.

P.S. Thouin va bien.

Adresse

Monsieur Mayet Comre

Maison Hemmerling et Mayet

Lyon


Nr.0046

An Hochw. Bramerel

V,238-240

A-9 123

B-6 163

Belley, 7 Juillet 1844.

Bien cher ami,

Vos bonnes lettres me causent toujours un bien vif plaisir. Je retrouve toujours dans vous cette simplicité, cette franchise, ce coeur généreux que Dieu aime tant. Je le prie bien qu'il vous conserve dans ces bons sentiments.

Vous voilà donc prêt à faire le premier pas dans la carrière apostolique: faites-le, mon cher, comme un géant a summo coelo. On ne perd rien à se consacrer à Dieu, à tout laisser pour le suivre. Et puis, que laissons-nous tant pour lui? Des ennuis, des embarras; un monde égoïste, impie, incrédule; une vanité qui n'a de réel que les remords, que les tourments d'une conscience infidèle. Non, non, que ce que nous laissons pour suivre Notre-Seigneur ne nous fasse pas éprouver des regrets. Si nous devions en avoir, ce serait d'avoir si peu de chose à sacrifier à l'amour de Jésus-Christ! - On dit que le succès d'une chose dépend du commencement; faites bien ce premier pas : que ce soit un pas d'adieu, un pas qui franchisse l'esprit du siècle.

Mais que faire pour bien s'y disposer? L'Imitation dit: "Donnez tout et vous recevrez tout."

L'Evangile dit: "Si quis vult post me venire, abneget semetipsum, tollat crucem suam quotidie, et sequatur me". Voilà le total du sacrifice.

Mais il y a un trésor dans vous à exploiter, le voici; peut-être ne vous en êtes-vous jamais douté.

J'ai remarqué et je remarque encore en vous une tendre dévotion envers le Sacré-Coeur de Jésus. Mon cher, c'est là une de ces grâces de choix que Dieu fait à quelques âmes privilégiées; ainsi, cultivez bien cette grâce, quelle vous occupe tout entier; elle suffit pour vous remplir toute la vie et toute l'éternité. Tâchez de vous procurer quelques ouvrages là-dessus.

Maintenant, vous avez bien raison de me faire des reproches sur notre silence à la première lettre adressée à la Congrégation. Ce n'est pas assurément par froideur, encore moins par indifférence pour de si jolies fleurs, mais c'était pour attendre quelques grandes nouvelles à vous annoncer. Monseigneur devait dans quelques jours faire sa consécration, et nous voulions vous en faire la description; mais l'attente nous a rendus paresseux, Monseigneur n'ayant fait sa consécration qu'à la fête de saint Louis de Gonzague. Puis, pour tout réparer, on a fait réponse générale pour tous, à toute la famille. Et je pense bien que Mr Gallet l'a reçue et communiquée à tous.

Je ne vous dirai rien en détail de notre fête pour la réception de Monseigneur; elle était bien touchante, et plus d'un ont pleuré en entendant cette consécration si affectueuse et si tendre de ce saint Evêque; Nous voilà bien glorieux et bien fiers d'avoir ainsi à notre tête trois Evêques, un Supérieur général d'Ordre, un martyr, de saints missionnaires. Voilà qui doit nous encourager!

Tâchez de réveiller le zèle des congréganistes, rappelez-leur l'Association que nous avons établie et qui va toujours en croissant. Je vous envoie 50 Diplômes pour cet effet à distribuer à ceux qui espèrent trouver des associés pendant leurs vacances; à la rentrée ou plus tôt, on enverrait ici les noms, pour les inscrire sur notre joli catalogue. Vous savez peut-être que j'ai écrit à Rome, afin que les associés puissent jouir de toutes les indulgences de la Congrégation. Je me propose, pendant les vacances, de faire un petit manuel pour les Congréganistes et les Associés.

Afin de venir un peu en aide à la Congrégation, exigez des Abbés à qui vous remettez des diplômes, la petite somme de 5 sous. Elle est destinée à couvrir nos frais et à faire imprimer notre petit manuel. Si cependant vous ne trouviez pas à les placer, veuillez me les envoyer par un abbé de Belley.

Il faut aussi donner à ceux que l'on recevra une médaille miraculeuse ou de l'Archiconfrérie. Je vous en envoie quelques-unes.

Adieu, cher ami, cette fois-ci vous serez content de moi. Embrassez pour moi M. Tournier, M. Buridon, M. Delacourt, toute la famille, tous les frères, car cor nostrum patet ad vos.

Tout à vous in Corde J.C. et Mariae.

J. EYMARD.

Monsieur l'abbé Bramerel,

au Grand Séminaire,

à Bourg (Ain).


Nr.0047

An Marianne Eymard

III,37-38

A-2 113

B-3 64

R2-25 52

Belley, 9 Juillet 1844.

MES CHERES SOEURS,

Je vous écris ces deux mots pour répondre à votre bonne lettre, en attendant que je puisse le faire de vive voix. Oui, mes bonnes soeurs, si je suis toujours l'objet de votre affection fraternelle, je ne vous oublie pas, et tous les jours, au saint Autel et dans le jour, votre souvenir m'est présent.

C'est toujours avec plaisir que je vais vous voir. J'aurais bien désiré vous donner les prémices des vacances, mais je ne pourrai que vous en donner la fin. J'irai peut-être faire un voyage du côté d'Avignon, visiter les Trappistes pour m'édifier un peu; on dit que ce sont des Anges sur la terre.

Je verrai aussi Avignon, cette ancienne ville des Papes, et où l'on voit encore de si beaux restes. Peut-être irai-je jusqu'à la mer, car en vacances il faut courir pour secouer un peu tous les soucis de l'année, et l'on en a besoin.

Dites, s'il vous plaît, au père Artaud de passer à Grenoble chez Mlle Marsallat et d'y prendre un reliquaire que je lui ai commandé, et de le payer; il doit coûter 20 francs; c'est pour un curé d'ici.

Renouvelez mes affectueux hommages à Mr le Curé et aux deux braves vicaires mes amis.

Tout et toujours à vous en N.S.

Votre frère.

J. EYMARD.

Mademoiselle M. Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0048

An Herrn Perroud

B,75-76 (60)

A Monsieur Perroud

Réf. A-7 103 (autogr.)

A-8 267

B-7 55

R2-24 77

Belley, 15 octobre 1844

Mon cher Ami,

N'ayant pas eu le plaisir de vous rencontrer chez vous, je m'en console par une lettre. J'ai vu votre Dame, elle est charmante de modestie, elle a l'esprit Mayet. Le ciel vous l'a faite exprès Qu'il en soit béni!

Vous avez eu une visite à souhait, cette fois. On me dit que Mgneur d'Amiens et vous devenez inséparables. C'est le Père et le Fils. Certes, mon cher, vous faites des jaloux et je ne suis pas étonné si toutes ses bénédictions ont porté de si heureux fruits.

Me Aline est arrivée avec son fils et elle est repartie le même jour. Je pense que cette année, il profitera mieux et qu'il surmontera un peu sa mollesse, et que ses maux de tête ne le tourmenteront pas tant.

Et notre cher frère, vous le voyez souvent, mille choses amicales, fraternelles, de reproche de ma part. Pauvre abbé! quel crève-coeur et là un bon miracle irait bien.

Adieu, cher ami, soyez toujours bon, gai, content et n'oubliez pas vos amis.

Tout et toujours le vôtre

Eymard Directeur

P.S. A propos, on m'a chargé de chercher une place pour un jeune homme intéressant et qui tiendrait bien les livres de comptes. En auriez-vous une ? C'est qu'il

faudrait qu'on le payât la 1ère année même, parce qu'il ne pourrait pas se nourrir à ses frais.


Nr.0049

An Marianne Eymard

III,38-39

A-2 117

B-3 65

R2-25 53

J. M. J.

Lyon, 11 Novembre 1844.

MES BIEN CHERES SOEURS,

Il est temps que je vous écrive, maintenant que nous sommes sortis un peu des embarras de la rentrée. Nous avons beaucoup d'élèves cette année: plus de 200. Vous savez, je pense, que l'abbé Baret m'a bien recommandé son neveu Auguste Laval. Je lui ai fait obtenir toutes les faveurs qui étaient en mon pouvoir. Je ne désire qu'une chose, c'est qu'il se conduise bien. Je l'ai recommandé à son professeur, parce qu'il est un peu faible dans sa classe; j'ai prié qu'on le gardât en troisième et on l'a gardé. Maintenant il faut qu'il travaille bien, et j'espère qu'il réussira bien; mais il avait besoin de sortir de La Mure et de chez Mr Mondon, parce qu'il aurait perdu son temps.

Pour Auguste Artaud, il va toujours bien, ses maîtres en sont bien contents, et il est presque aussi instruit que Mr Laval. Il fera un bon sujet, il ne s'ennuie pas; dites au père Artaud que j'ai fait les représentations pour son lit.

Pour moi, jusqu'à présent, j'avais été enrhumé; ce temps pluvieux est si malsain que de nos côtés beaucoup de personnes se plaignent de maux de gorge etc.; et moi j'en ai eu ma part, maintenant il commence à passer. Je vous recommande bien de vous tenir les pieds chauds et secs, c'est très important dans cette saison. Je pense que vous portez toujours de la flanelle, car vous en avez besoin, et surtout en hiver; c'est une dépense qu'il faut faire, et vous vous en trouverez toutes les deux bien.

Maintenant il me reste une nouvelle à vous annoncer. Je ne sais pas si elle est bonne ou mauvaise, car un religieux ne doit pas avoir de volonté, et il est bien partout. Cette nouvelle c'est que je viens de quitter Belley, et que je vais maintenant rester à Lyon, auprès du Supérieur Général, pour lui aider. Ce sera un bonheur pour moi d'être en la compagnie de si saints personnages et je ne puis qu'y gagner; aussi, mettant de côté tout sentiment humain, je remercie le Bon Dieu de m'avoir mis dans la position où j'aurai encore plus de moyens de perfection. Vous m'écrirez donc dorénavant: A Mr Eymard, Prêtre Mariste, Montée Saint-Barthélemy, n· 4, à Lyon.

Il n'est pas nécessaire de l'annoncer vous-même aux parents de nos élèves, ils l'apprendront assez tôt par leurs enfants; d'ailleurs, je n'abandonne pas pour cela le Petit Séminaire de Belley. J'y irai souvent faire des visites, j'en suis chargé; puis je les ai bien recommandées à mon successeur qui est un de mes amis, et qui en aura bien soin. Ainsi, qu'ils soient tranquilles.

J'ai appris avec douleur que la soeur de l'abbé Bard était bien malade! hélas! tant il est vrai que quand on se croit heureux, Dieu nous afflige, afin de nous rappeler que le bonheur fixe et parfait n'est qu'au ciel. Je me suis uni aux prières que l'abbé Bard m'a marquées. Je voulais lui écrire, mais je n'ai pas eu le temps.

Quand vous m'écrirez, donnez-moi l'adresse de Madame Reymond Lucille, à Vienne, et en la demandant présentez mes respects et mes amitiés à toute la famille Reymond que j'aime.

Rappelez-moi au souvenir de Mr Dumoulins et de Mr Fayolle, sans oublier la bonne mère Cros.

Pourriez-vous savoir si Mr Lesbros a reçu un petit livre de ma part?

Prions toujours les uns pour les autres, c'est là le centre de l'amitié fraternelle.

Tout à vous en J. et M.

Votre frère.

EYMARD, p. m.

Mademoiselle Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0050

An P. Morcel, Superior des Kleinen

Seminars in Belley

V,253-255

A-13 3

A-9 5

B-7 147

Lyon, 13 Janvier 1845.

Mon bien cher Père,

Enfin me voici tout à vous, et je laisse tout, car j'ai mille choses autour de moi: aussi je mérite bien un peu indulgence! Joignez à tout cela un misérable Carême qu'il faut préparer en un mois et demi à trois instructions par semaine, et encore à la Charité qui, dit-on, n'est peut-être pas trop charitable, puisqu'il s'agit de prêcher à Bellecour. Enfin, à la grâce de Dieu! pourvu que ma santé y tienne.

Cependant, je vais assez bien. Mais je ne crois pas perdre mon temps depuis 4 heures du matin à 9 h. ¼ du soir... Malgré soi, mon cher Père, on regrette ce clos de Belley, les promenades solitaires, cette belle campagne, cet air pur, cette tranquillité, cette solitude au milieu de votre petit monde, et vous connaissez ma paresse pour me promener. Si la nécessité ne me forçait pas de sortir en ville, je crois que je n'y aurais pas encore mis les pieds.

Vous m'avez envoyé des voeux d'ami et de père, et moi je vous les ai rendus et vous les rends tous les jours, car j'en ai besoin; et si vous n'étiez pas si loin, je serais souvent chez vous. Je sens bien qu'une visite ne vous ferait pas de mal; mais il y a encore trop peu de temps d'écoulé pour moi peut-être, il me semble qu'il vaut mieux laisser bien enraciner Mr Morcel; c'est aussi le sentiment du Père Supérieur. Vous en parlerez avec lui, car il doit aller bientôt à Belley. Et laissez-moi vous dire en passant: le Père désire que vous lui écriviez tous les mois quand il est ici, sur votre maison et ses détails et le personnel.

Il est vrai que je lui ai fait part des nouvelles; mais, comme c'est la Règle, il y tient. Et pour moi je voudrais que cela fût tous les jours, tant vos lettres me font du bien.

Je souffre peut-être plus que vous de sentir votre position. Je sens les sacrifices, la prudence, la patience et les peines que vous devez avoir; aussi je vous assure que tout mon désir est d'en voir ou la fin ou l'amélioration. Et je pense que Mr Poncet tiendra sa parole, c'est-à-dire qu'il placera au Petit Séminaire tous les abbés qui demandent à entrer chez nous. Mais ici il faut que ce ne soit pas au nom du diocèse, mais de la Société, et qu'ils entrent absolument comme novices et non, comme on l'a malheureusement fait, pour y examiner leur vocation. L'épreuve est trop grande et on finit, par ce mélange, par y perdre sa vocation. Il faut y entrer décidé avec ce secours et celui de la Société, alors le Séminaire fera corps parce qu'il y aura unité; mais je crois que là-dessus il faut tenir bon, et vous en voyez l'expérience comme moi. Et si je voyais Mr Poncet, je le lui dirais franchement; mais je crois que tel est aussi son sentiment. Ainsi, cher ami, encore un peu de patience.

Je n'ai pas écrit une lettre à tous les maîtres collectivement, car je suis fort embarrassé, ne pouvant faire une lettre ni trop sérieuse ni trop légère. Dites-moi votre sentiment; c'est bien un peu tard, mais j'attendais une occasion ou une entrée; peut-être vaudrait-il mieux ne rien dire.

Pour les messes, je viens d'en faire enregistrer 500 pour le collège. Soyez tranquille, nous vous en ferons passer toute l'année, car je pense comme vous, et le Révérend Père Supérieur aussi. J'ai donc mille messes, voulez-vous que je vous fasse passer l'argent à Belley, ou si vous avez quelques dettes ici à solder?

J'ai envoyé à Antoine des cadres d'autel au prix de 15 francs, sans compter la caisse dont je lui fais cadeau. Je lui ai dit de vous les donner pour me les faire passer; alors je les prendrais sur l'argent que j'ai ici à vous. Je vous avais demandé 23 messes en aumône pour notre maison; puis-je y compter?

Je pense que nous vous verrons au Carême; tâchez de vous réserver quelques jours.

J'ai appris des enfants que Mr Morel était aimé. S'il pouvait être un peu plus rond et guerrier, mais alius sic, alius vero sic, avoir un style un peu plus viril... mais je sais qu'il faut semer avant de moissonner.

On est fort content de Mr Vachon. On le met bien plus haut que ... on l'aime et on le craint. Sa marche d'avertir en particulier et presque jamais en public a bien réussi, et lui a concilié toute la confiance.

Pour Mr Gros, curé d'Innimont, je vous avais demandé 30 messes avant de partir, et pour lui. Je crois que vous les avez inscrites. Si c'est pour moi, il y a erreur, elles étaient pour lui.

Ici, rien d'extraordinaire. Mgr Epalle est à Londres et partira vers le 25 janvier. Mr Chaurain et Mr Paget sont encore ici, attendant leur départ.

Les missions réussissent, le Bon Dieu les bénit.

Allons, cette fois vous serez content de moi, je pense. Je suis long, mais excusez la diffusion.

Et croyez-moi toujours, en Jésus et Marie,

Votre frère et ami.

J. EYMARD.


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