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Nr.0101

An Frau Perroud, geb. Mayet

Lyon, 28 janvier 1848

Madame,

Pardonnez-moi mon retard à répondre à votre lettre que j'ai reçue avec tant de joie. C'est pour avoir attendu un moment bien libre, afin de vous écrire à tête reposée que me voilà au 28. Si c'est trop tard pour vous faire des voeux de bonne année, au moins je vous souhaiterai votre fête de S.François de Sales, ce bon Saint! dont vous portez le nom et dont vous voulez partager l'esprit; cet esprit si suave, si égal, si tendre en amour. Oh! je le prie bien ce bon Saint! de vous rendre toujours bonne, bonne comme lui, comme la bonne et tendre Marie, comme Jésus. Je vois que N.S. vous aime bien, qu'il fait ses délices dans votre maison de Nazareth. Regardez-vous comme à son service et cette pensée vous donnera confiance et courage. Laissez-moi vous dire toute ma naïve pensée, mais en retour vous m'en direz naïvement votre sentiment: c'est sur le T.O..

Réfléchissant un jour sur la fin du T.O., savoir sur la sanctification isolée des membres et unis seulement entre eux par des liens spirituels, précieux, il est vrai, mais incomplets, je vis que ce bien était trop borné et surtout trop dépendant du centre du T.O., c'est-à-dire des réunions et des conférences; qu'il fallait quelque chose de plus absolu et de plus journalier, que d'ailleurs le T.O. rendant un membre effectivement religieux, il fallait donc un moyen plus efficace...et voici quelle fut ma réponse.

Le T.O. doit suivre la marche de l'Eglise. Dans l'Eglise, il y a des catholiques communs, d'autres plus pieux, enfin des parfaits: ce sont les religieux soumis à une règle parfaite.

Donc, dans le T.O. nous pouvons avoir: les T. ordinaires et les T. réguliers, ceux-ci vivront sous une règle particulière à leur vocation et en rapport autant que possible, avec la perfection religieuse. Longtemps je ruminai cette pensée, et devant Dieu; enfin je me suis mis à l'oeuvre. J'ai fait une petite règle pour une maison tierçaire. Chaque membre a ses emplois etc...sous l'obéissance de la Règle. Je dis l'obéissance à la Règle, et non aux personnes, pour éviter l'inconvénient de l'arbitraire. L'essai en a été fait dans une maison particulière, c'est vraiment une maison de Nazareth. Si le bon Maître vous donnait cet attrait.

Il vous l'offre, mais avant il faut concilier les devoirs du mari et de l'épouse, du père et de la mère entre eux.

Mettre le Père chef, Supérieur de la maison tierçaire, ce serait convenable, mais cependant il peut arriver de là une grande servitude pour la mère; mettre Supérieure la mère, j'y vois des inconvénients: qu'en pensez-vous ?

Je respecterai toujours les droits de chacun et je voudrais trouver le principe vital de l'obéissance plutôt dans les devoirs réglés que dans les personnes; ainsi il faut en chef de la famille, ce serait le Père, mais j'établirais la mère chef de l'intérieur de la maison pour l'exécution de la Règle interne: ici encore votre sentiment et vos prières.

Maintenant j'en viens à votre lettre.

1 Sur la mortification.

Il en faut une intérieure et l'autre extérieure, car c'est le sel de préservation. La mortification intérieure consiste dans le renoncement à sa volonté égoïste; la mortification extérieure dans la vigilance sur le caractère et sur les sens et cela comme aliment du recueillement intérieur, mais il faut une vigilance aisée, facile, douce, comme la charité, et non aigre et colère, comme l'amour propre humilié. La résolution de la mortification doit se borner aux actions actuelles et non aux jours et aux mois, parce que les sens n'en comprennent pas la raison. Ils sont comme un enfant d'un jour. Pour les jours de jeûne, un chemin de croix ferait du bien.

2 Ayez, ma chère Soeur, une âme toute imbibée de la charité de Jésus. Quand on doit beaucoup, on aime beaucoup et Jésus remet tout et cet amour c'est la miséricorde envers le prochain: miséricorde d'indulgence pour les étrangers, miséricorde de médecin pour les siens.

3 Vous faites bien, quand vous allez à la Sainte Messe de réserver vos prières pour l'église et en y allant vous gagnez un moment de plus auprès de notre trop aimant Jésus-Eucharistique!

4 Si vous aviez l'Esprit de St.François de Sales, vous le reliriez avec fruit. Rodriguez sur l'estime de la perfection, 1er volume, puis son traité des actions ordinaires serait mieux, mais variez.

5 Ah! je vous gronderais presque d'avoir laissé votre petite retraite du mois. Allons, vous allez la faire le 1er jour libre.

J'ai reçu cette semaine des nouvelles de Me G. Elle va bien, mais son mari est fatigué, il paraît qu'elle est absorbée autour de son cher malade qui n'a pas perdu l'appétit. Elle ignore, cette bonne Dame, que sa mère est bien malade. Mardi et mercredi j'ai fait commencer à toutes les Soeurs une neuvaine pour sa mère. Ah! si la foi et le retour à Dieu en étaient le fruit, que je serais content! moi-même je la fais aussi. Votre coeur dit d'avance oui.

Me Aline va mieux, me dit-on, depuis deux jours. Je l'ai vue dimanche. Pauvre mère! ses enfants en ont trop besoin....c'est le cas d'un miracle.

Je suis étonné, ma chère Soeur, d'avoir été si long, (contre mon ordinaire), mais il me semble que je suis à Bramefaim et là on oublie l'heure et le temps.

Mes affectueux respects au bon Monsieur Perroud. S'il vient nous le recevrons le 1er samedi de février.

Tout à vous en J. et M.

Eymard.

P.S. le b. Abbé va .b.

Madame Perroud

à Bramefaim à Pommiers par Villefranche

Rhône.


Nr.0102

Mlle Stéphanie Gourd.

Lyon, 29 Janvier 1848.

Mademoiselle,

Je viens vous remercier de vos deux lettres. La première m'a consolé, la deuxième m'a bien attristé. Ecrivez-moi. Donnez-moi de bonnes nouvelles de votre chère mère que j'estime comme la mienne.

J'espère que le Bon Jésus exaucera les prières que nous faisons pour sa santé.

Je la mets dans la neuvaine que nous faisons pour votre bonne maman et votre père.

Je reviens à votre première. Je remercie bien Notre-Seigneur de ce qu'il daigne vous traiter en enfant de sa tendresse, non en vous donnant des tendresses, des consolations, mais des exercices de générosité, par conséquent de combat contre la pauvre nature. Aussi, ma fille, soyez fidèle et toujours fidèle dans vos pratiques. Quand le corps a un régime bien réglé et bien suivi, il se porte bien. Il en est de même de l'âme; la fidélité est la preuve de l'amour de Dieu. Comme aussi je vous engage à apprendre à bien faire chaque action selon sa perfection propre et, pour cela, à étudier les moyens particuliers de chaque chose; ainsi à faire de temps en temps votre méditation, l'examen, la messe, la communion, la pureté d'intention, etc... par la raison bien simple qu'il faut commencer par tirer tout le profit possible des choses présentes et qui sont l'aliment quotidien de la vie spirituelle.

Puis, allez, ma fille, au Bon Dieu toujours bien simplement avec beaucoup d'abandon comme une toute petite enfant.

Dans vos méditations, apprenez à converser avec Jésus et Marie comme vous conversez intimement avec votre bonne mère. Apprenez à rendre un compte détaillé à Notre-Seigneur de votre âme, de votre vie.

Sachez raconter au Bon Dieu ce que vous pensez, ce que vous désirez, ce qui vous peine. Oh! quand on a trouvé cette conversation intérieure avec Notre-Seigneur, qu'on est donc heureux! on porte son trésor partout. Il est le centre de notre coeur et de notre vie. Mais, il n'y a pas de bonheur sur la terre sans Jésus; donc, pas d'autre moyen que vivre avec Jésus, l'Epoux, le Père, la vie de notre âme!

Je vous remercie bien, ma pauvre fille, de ce que vous priez pour moi; c'est une vraie charité, je suis bien pauvre.

Si, à Nice, on vous effraie des républicains de France, des projets des radicaux, n'en croyez rien, car la France est bien tranquille. Puis Marie veille sur la France et saint Michel en est l'Ange tutélaire.

On rit ici des fantômes de peur qui veulent effrayer.

Je suis, en N.-S.,

Ma fille,

Votre tout dévoué.

EYMARD.


Nr.0103

An Fräul. Stéphanie Gourd

3 Février [1848.]

J'ai reçu ce matin, ma pauvre fille, votre triste lettre. Je viens vous dire la sympathie de mon coeur à votre douleur et à votre tristesse.

Ma tristesse est bien grande aussi et je ne puis m'empêcher de pleurer votre bonne mère; il me semble que c'est une mère que je perds aussi...

Mon âme n'est plus ici, elle est près de son lit, avec vous. Hélas! vraiment on est tenté de dire au Bon Dieu de nous laisser encore quelque temps votre chère mère. Et c'est pour cela que je fais prier tout ce que je puis et que je prie sans cesse.

Nos prières réunies ont sauvé votre bonne maman; la voilà guérie. Oh! est-ce que Marie, notre tendre Mère, n'exaucera pas encore nos prières! Je le sais bien, votre mère s'en irait au Ciel; et le Ciel la veut, elle est si bonne! Oh! ma pauvre fille, soyez heureuse d'avoir une telle mère! Soyez doublement sa fille. Vous avez eu le bonheur de la voir de près, d'apprécier son esprit de charité, d'abnégation, de générosité, de conformité en tout à la Volonté de Dieu. Vous avez sous les yeux une sainte. Mais pourquoi vous parler de cette pauvre mère comme si vous deviez la perdre? peut-être ne sera-ce qu'une maladie de quelques jours! Que le Bon Dieu le veuille!

C'est une charité de m'écrire de ses nouvelles, et je dis avec vous: O mon Dieu, donnez-nous la grâce de nous soumettre à votre sainte Volonté!

Faites un voeu au Bon Dieu pour la guérison de votre mère en l'honneur de saint Joseph. Par exemple, pendant six mois, de réciter ses litanies, faire chaque semaine une aumône aux pauvres, une Communion par mois pour les âmes du Purgatoire (ou autres choses).

Je viens d'apprendre à l'instant que Mme Nicod est mourante, qu'elle ne passera pas la nuit. Elle meurt en sainte, calme, sereine. Hélas! son Calvaire a été long! Sa belle âme s'envolera vers les Ciel pour lequel elle a vécu.

Ménagez-vous un peu, ma fille; et, si vous le jugez à propos, dites à Madame combien ici on prie. J'ai écrit, il y a huit jours, veuillez retirer la lettre, vous pouvez tout lire.

Je suis, en N.-S.,

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.0104

An hochwst. Bischof Luquet

A MONSEIGNEUR LUQUET, Nonce en Suisse.

Réf. A-13 6 (Copie authentique sur originaux. Langres. G. Séminaire)

St.Etienne, le 20 février 1848

Monseigneur,

Je viens d'accompagner Mgr d'Amata ici, il part pour Clermont, il va faire ses adieux, il part de Toulon le 20 mars sur l'Egérie, corvette de l'Etat, avec 13 missionnaires.

Je n'ai reçu ni lettres, ni paquets pour votre Grandeur, dès que j'aurai quelque chose, je vous l'adresserai sous la forme convenue.

J'ai eu une longue conférence samedi avec un homme, autrefois très haut placé dans la Suisse; voici la quintessence de notre conférence. En Suisse se mettre exclusivement sur le terrain catholique, sur la question de la liberté catholique, mais question générale et non particulière, ne pas faire de concessions de principes, car une concession en amènerait une autre, personne ne peut trouver à réduire une question de liberté catholique, quant à la question des Corps religieux, il en voudrait quelques-uns, mais il regarde cela comme une question de conséquence à être réglée avec prudence (pour les Jés. le terrain est trop chaud).

Cet excellent homme d'état, quoique protestant, m'a donné quelques noms à consulter. Je les insère dans ma lettre.

La voiture part. Mes respects les plus profonds.

Eymard.

P.S. Le consulté voudrait des questions positives, il peut être utile.

Le P. Colin m'a chargé en partant de vous présenter ses dévoués hommages et de vous dire qu'il se fâchera contre Votre Grandeur, si elle ne fait que passer à Lyon.

Les membres de la PP. ont reçu la note avec reconnaissance. Pardon de ma lettre, je pars pour un voyage de 15 jours.


Nr.0105

An Marianne Eymard

Saint-Etienne, 28 Février 1848.

MES CHERES SOEURS,

Je viens vous écrire deux mots pour vous rassurer contre toute alarme. Je suis pour quelques jours à Saint-Etienne en visites de nos maisons. Ma santé va bien, - la ville est tranquille, - et nous laisse tranquille. Nous recevons ce matin une lettre de Lyon de notre Supérieur Général qui nous apprend que Lyon est calme, que le bon ordre y règne, et cela nous a été confirmé par plusieurs personnes. On vient de recevoir des nouvelles de Paris, tout est rentré dans le calme après tant de malheurs.

Mettons bien notre confiance en Dieu seul, il ne nous arrivera que ce que la divine miséricorde voudra. On nous assure qu'on n'en veut pas à la religion ni aux prêtres.

Je vous embrasse en Notre-Seigneur, bien chères soeurs.

Votre frère.

EYMARD.

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0106

An Marg. Guillot

Mars 1848.

Vous grondez et je suis encore malade. Je l'ai été assez depuis vendredi. Que Dieu en soit béni! Je serai un peu plus indulgent pour les malades.

Il paraît donc que votre raison est aussi un peu malade. Moi, qui me consolais dans la pensée que vous étiez calme, charitable, humble, résignée à toutes les petites épreuves de Dieu! Est-ce donc que vous allez devenir le jouet de toutes ces petites passions d'enfant? Allons! pas tant de délicatesse d'amour-propre. Vous savez bien que, si vous êtes la première pour le désir que j'ai que vous aimiez Dieu, il faut que vous soyez la dernière à vos yeux et aux yeux des autres. Que doivent vous faire les sentiments des autres, pourvu que vous ayez le mien ou plutôt celui de l'obéissance? Oh! mourez donc un peu, car il y a encore trop de vie de volonté propre en vous.

Je vais demander à Notre-Seigneur que vous deveniez sa toute petite fille, et surtout qu'il vous ôte ces petites malices qui m'affligent beaucoup, parce qu'elles ne sont pas bien pures.

Je ne pourrai vous voir que jeudi, car je ne reçois pas encore...

J'avais perdu la voix, mais comme vous le voyez, ma plume est ma lancette, ajoutons de Père.

Continuez vos communions.


Nr.0107

An Marianne Eymard

Lyon, 7 Mars 1848.

MES BONNES SOEURS,

J'ai reçu votre bonne lettre et vous en témoigne bien ma reconnaissance, et au besoin je sais que vous avez toujours eu pour moi toutes deux un coeur de mère.

Rien ne nous est arrivé à Lyon, et l'on a respecté partout la religion et les prêtres. Le dimanche suivant tous les offices se sont faits à Lyon comme à l'ordinaire et on a remarqué même plus de monde.

Il est vrai, des bandes d'ouvriers ont brûlé tous les métiers qu'ils ont trouvés dans les communautés religieuses, mais ils n'ont rien fait aux religieuses. C'était une vieille rancune, parce qu'ils croyaient qu'on y travaillait à meilleur marché.

C'est un crime de leur part, car ils violaient tous les droits, aussi l'autorité prend-elle ses mesures.

Tout le monde espère que notre nouvelle république ne sera pas comme la première; elle a bien commencé, car la divine Providence s'en est bien mêlée, aussi tout le monde le reconnaît.

Maintenant, il faut bien prier afin que le Bon Dieu conduise le tout à bien. Je viens de recevoir aujourd'hui des nouvelles de Paris: tout y est tranquille, et on nous écrit qu'on a jamais vu une révolution si courtoise et si aimable, on dirait une famille de frères; il n'y a pas à Paris de drapeau rouge, on n'entend pas ces termes de citoyens, citoyennes, qu'affectent nos pauvres gens de province, tout est rentré dans l'ordre et les termes ordinaires.

Voici le Carême; ayez soin de vous, tout en aimant et servant bien le Bon Dieu. Laisser dire et bien faire, que ce soit là votre devise.

Je vous embrasse en Jésus et Marie.

Votre frère.

EYMARD.

P.S. Ayez la complaisance de faire demander à Mr l'abbé Girolet s'il a acquitté les 6 messes dont je lui avais parlé, et présentez-lui mes amitiés, ainsi qu'au brave Mr Pillon à qui j'écrirai bientôt.

Mademoiselle Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0108

An Fräul. Julie-Antoinette Bost

Lyon, 7 Mars 1848.

MADEMOISELLE,

Je viens répondre à votre bonne lettre; elle m'a réjoui en Notre-Seigneur, parce que j'aime à croire que vous êtes ou du moins serez un jour une fille selon son Coeur et celui de sa sainte Mère. J'ai remercié Jésus et Marie de vous avoir choisies toutes deux soeurs Tierçaires et d'une manière si providentielle. Ce que c'est que l'amour de Dieu glanant çà et là quelques exilés sur la terre puis leur dire: Vous serez ma famille, mon Cénacle, mon Nazareth au milieu du monde!

Je regrette, ma soeur, que vous soyez si loin du centre; mais la volonté du divin Maître adorable et aimable par-dessus tout vous veut là où vous êtes; mais un même esprit doit nous réunir de toutes parts dans le Coeur de Jésus par Marie.

Cet esprit est simple comme Marie, comme l'esprit de l'Enfant évangélique. Cet esprit est modeste comme la modestie de Marie, modestie qui la confond dans le commun, qui la couvre comme d'un manteau, afin que le monde, en la voyant prier, travailler, passer dans le monde, dise: C'est une simple femme de Nazareth.

Cet esprit est complaisant envers le prochain, rendant la piété extérieure subordonnée aux devoirs d'état, les vertus plus aimables que sévères.

Laissant sa volonté pour celle de la charité du sacrifice, qu'elle était bonne Marie envers le prochain, patiente dans les épreuves, gracieuse et prévenante dans sa maison de Nazareth!

L'esprit du Tiers-Ordre est plus intérieur qu'extérieur; voilà pourquoi il porte à l'oraison, au recueillement, parce que l'activité, la lumière et le calorique sont un effet naturel du feu, et quand une âme est unie à Notre-Seigneur elle sait bien connaître et accomplir sa sainte Volonté.

Devenez, ma fille, une bonne fille de Marie et la digne émule de vos soeurs, car vous en avez qui sont bien agréables à Notre-Seigneur.

Mais vous me demandez comment vous pourrez vous corriger de votre amour-propre, de votre inégalité de caractère, de vos dispositions froissées envers votre M... Hélas! faut-il vous dire que c'est en vous supportant telle, en allant à Notre-Seigneur, pauvre, en haillons et lui disant: Voyez comme je suis pauvre! Et vous êtes riche, et vous êtes mon Père..... Oh! comme Jésus aime les pauvres: il s'appelle leur Roi!

Puis, si vous aimez bien ce Roi divin, vous aimerez, non vos imperfections et vos péchés, mais l'humiliation qui en résulte, puis le traitement des pauvres.

Continuez vos correspondances. Que Jésus en soit toujours l'âme! Allez toujours à la sainte Communion comme une enfant; mais que la confiance vous encourage; que la simplicité de l'amour soit votre parole, et un désir immense d'amour votre préparation.

Je vous laisse et vous bénis. Et vous, priez pour moi, afin que Jésus vive en moi.

C'est en sa charité toute divine que je suis

Votre tout dévoué.

EYMARD.

Mademoiselle Antonia Bost,

à Tarare (Rhône).


Nr.0109

An Frau Tholin-Bost

Lyon, 7 Mars 1848.

MADAME,

J'arrive d'un assez long voyage, et mon premier soin est de répondre à votre trop confiante lettre. J'en veux à Mr Cariet de m'avoir gagné votre confiance à ce point: hélas! Madame, le Bon Dieu m'humilie bien en se servant de moi pour une oeuvre qui lui appartient tout entière, et en me mettant en face de ses enfants privilégiés; et j'aime à dire à ce bon Père qu'en sauvant les enfants il aura un jour pitié du pauvre serviteur qui les conduit.

Eh bien! vous voulez que je vous dise quelque chose. Je suis heureux d'abord, en vertu des liens spirituels qui nous unissent, d'avoir part à vos mérites et à vos souffrances. La nature plaint ceux qui souffrent et je vous désire une meilleure santé et la demande. Mais la grâce apprécie la souffrance et l'amour la fait aimer et désirer, parce que l'essence de l'amour en cette vie est dans l'immolation et la souffrance. Oh! ma soeur, je le sais, vous en jugez ainsi; au Ciel la croix de Jésus est son sceptre et le trône de sa gloire.

Mais, ordinairement, dans un état maladif l'âme semble suivre la disposition du corps. Ne vous en inquiétez pas: c'est une peine et non un abandon. Ainsi, toutes vos aridités, vos peines intérieures sont encore un effet de l'infinie bonté de Dieu; c'est qu'il veut que vous ne teniez qu'à lui, que vous l'aimiez par-dessus ses dons consolateurs.

Il me semble que ce qu'il y a de mieux à faire c'est d'établir votre centre dans la sainte Volonté de Dieu sur vous, d'en faire votre vie, votre joie et votre espérance. Oh! qu'une âme est bien, quand elle veille et dort sous la garde de cette spéciale providence!

Mais, suivant l'esprit de saint François de Sales, ne faisons rien avec contention, avec activité, et suivons l'attrait et le mouvement de la grâce en nous: voilà le grand régulateur; eh bien! vous me direz quel est cet attrait.

Je me recommande à vos prières et suis dans l'humilité de Notre-Seigneur,

Madame,

Votre très humble serviteur.

EYMARD, P. M.


Nr.0110

An Marg. Guillot

1er Avril 1848.

Je vous remercie, ma pauvre fille, de tant d'intérêt. Que voulez-vous? quand le Bon Maître veut que l'on reste à la maison et un peu sur son lit, il le faut bien; car c'est pour notre plus grand bien: qu'il en soit béni!

La maladie que j'ai depuis huit jours, ce sont des étourdissements que je prends, et je tomberais, et voilà pourquoi je n'ose pas m'aventurer.

Mon grand malheur, c'est d'avoir trop de médecins; mais le grand, c'est Notre-Seigneur et vos prières. Demandez que je fasse ce que le Bon Dieu veut.

Pour vos filles à renvoyer, afin de ne pas prendre sur vous cette responsabilité, dans le cas où il y aurait quelque chose de pénible, laissez-les libres de rester ou de s'en aller jusqu'à Pâques. Aux yeux de la prudence, il semble raisonnable de leur conseiller de s'en aller dans leur famille, mais il serait bon que cela vînt d'elles-mêmes.

Voilà mon sentiment. Je partagerais bien votre sentiment d'en garder une.

Que le Bon Dieu vous bénisse toutes et vous ait toujours en sa sainte garde. Soyez en paix, mes bonnes filles, Marie vous gardera bien et vous couvrira de son manteau de Mère, je vous en réponds.

Tout à vous.

EYMARD.

A Mademoiselle Guillot Marguerite.


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