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Nr.0461

An Marg. Guillot

La Seyne, 2 Août 1854.

Je viens, ma chère fille, vous dire en courant que je pars d'ici le 4. J'espère être à la Mure le 6 ou le 7. De là, après quelques jours, nous irons à la Salette et au Laus.

Je serais bien tenté de vous dire: venez nous y rejoindre, au moins nous aurons le temps de nous voir.

Ma santé est un peu faible, ma migraine m'a un peu fatigué: à la garde de Dieu!

J'attends ou vous, ou de vos nouvelles, à la Mure.

Si vous arriviez à Grenoble dimanche ou samedi soir, demandez-moi au Grand Séminaire.

Le choléra fait beaucoup de victimes à Toulon, il diminue à Marseille.

Adieu, ma chère fille.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

P.S. - Mes bien affectueux souvenirs à toute la famille.


Nr.0462

A Madame Grisaud à Tarare.

(Cette lettre porte seulement : 3 août. Le P.Troussier admet comme probable: (La Seyne) 3 août 1854.)

Madame,

Je suis bien en retard pour vous répondre, votre charité voudra bien m'excuser.

Je consens de bon coeur à ce que vous entriez dans la petite famille de Marie et que vous fassiez partie du Tiers-Ordre - nous pourrons alors vous appeler notre Soeur par ce nouveau titre, et je suis assuré que la T.S.Vierge vous comblera aussi de ses grâces et de ses faveurs, cette bonne Mère commence aujourd'hui. Je viens de donner la permission à notre bon et excellent frère d'aller vous voir à Tarare, ce sera lui qui vous recevra.

Je suis heureux que cette circonstance se présente pour me recommander à vos prières et me dire en N.S., Madame, votre très humble et dévoué Sr.

Eymard.

P.S. Vous pourrez communiquer cette chose à Mme

Tholin-Bost à qui je vous prie de présenter mes respects en N.S.


Nr.0463

An Marg. Guillot

V. J. et M.

La Mure, 7 Août 1854.

Me voici, ma chère fille, à la Mure depuis quelques heures; je vous ai demandée en passant à Grenoble.

J'ai lu et relu votre lettre, j'ai prié, et ma pensée serait de vous voir ici pour traiter de grandes affaires, d'abord avec ma soeur qui vous attend, puis avec une personne qui est venue presque tout exprès de Toulon pour parler avec vous de cette grande affaire, c'est la présidente de l'adoration du T. S. Sacrement, Mme Duhaut-Cilly, elle désire bien vous voir, elle ne pourrait aller à Lyon, je lui avais fait espérer votre visite à la Mure.

...

Je comprends que votre position est difficile; aussi, vous sur les lieux, jugez; une de vos soeurs pourrait bien vous remplacer....

Que Dieu vous inspire, nous attendons votre réponse ou votre personne pour aller à la Salette.

Tout à vous.

EYD.

P.S. Ma soeur et Nanette se portent bien et vous désirent beaucoup.

Bien des choses à vos chères soeurs, au bon Mr Gaudioz.

(Pressée)

A Mademoiselle Guillot Marguerite,

chez Mr Gaudioz, Md Papetier, place Léviste, 10,

Près Bellecour, Lyon.

(Rhône).


Nr.0464

An Frau Galle, geb. Villedieu

La Mure le 25 août 1854

Madame,

Que devez-vous penser de moi ? et cependant je ne veux pas me justifier, mais vous dire qu'il m'en a bien coûté de partir de Lyon sans aller vous voir. Le jour fixé pour aller vous faire ma visite, Mr Mulsant tombe gravement malade et je suis obligé de rester près de son lit, - Melle David agonisante veut me voir et me voilà lié.

Je recevais lettres sur lettres de La Seyne, tout y est agité - on m'oblige de partir de suite - arrivé à La Seyne, mes migraines me prennent tous les jours - deux professeurs malades qu'il faut remplacer - alors je dis adieu à tout le dehors, comptant sur la charité.

Cette fois-ci j'espère être plus heureux et aller vous voir et ce cher Paul que j'aime toujours comme mon enfant.

Je regarde son départ de La Seyne comme une Providence - quel regret, s'il n'avait pas recueilli le dernier soupir de sa bonne Mère et s'il n'avait pas été près de vous en ce moment si pénible. Puis je l'aurais vite renvoyé à l'approche du choléra.

Allons, bonne Dame, ne m'en voulez pas, j'ai été souffrant, ma tête était malade, mais non mon coeur.

Je serai à Lyon vers les derniers jours d'août. - Je suis ici au milieu des malades - c'est bien désolant! - Le choléra envahit nos montagnes et y fait de grands ravages.

Tout à vous en N.S.

Eymard.

Mes amitiés à Paul.


Nr.0465

Au R.P.DE CUERS

La Mure, 25 août 1854

Cher Ami,

Me voici à La Mure, pauvre tête toujours, mais avec la bonne volonté d'être tout à Dieu et à sa gloire.

Le brave M. Thomas est à nous. Merci de me l'avoir envoyé au Laus.

Le Choléra nous désole ici et partout.

Je pars pour Lyon le 28.

Adieu en N.S.

Tout votre

Eymard.

P.S. Et cette retraite quid? dans nos montagnes je ne sais rien.

Nota: Ces lignes ont été écrites à la suite d'une lettre de M.Thomas, datée du 18 août 1854. - L'adresse au P. de Cuers, écrite au verso par le P. Eymard, porte le cachet de la Poste de La Mure, 25 août 1854.


Nr.0466

An Frau Tholin-Bost

Tout en J. E.

Samedi, 23 Septembre 1854.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

C'est un sacrifice pour moi de ne pouvoir aller jusque chez vous. Je vous avais réservé deux jours; au moment du départ je me trouvai fatigué, et depuis je le suis encore.

Puis il faut que je parte pour La Seyne demain ou lundi; je devais déjà partir aujourd'hui. Voilà la vie de ce monde. J'ai bien recommandé au bon Père Supérieur de Saint-Chamond votre cher enfant; je lui porte envie, car vous comprenez toute l'affection que je lui porte.

Veuillez faire agréer mes respects au bon Mr Tholin. Il m'aurait été bien doux de le voir, ainsi que votre excellente soeur; soldat de l'obéissance, il faut dire un adieu, en courant où Dieu vous veut.

Vous savez que je suis, en N.-S.,

Votre tout dévoué.

EYMARD.

Madame,

Madame Tholin-Bost,

Négt, à Tarare (Rhône).


Nr.0467

An den Pfarrer von Ars

Lyon, 25 septembre 1854

Bon Père et cher frère en Marie,

Je suis heureux de vous envoyer le diplôme qui vous donne tous les pouvoirs pour recevoir du Tiers-Ordre de Marie de la Vie Intérieure. Notre bon Père Supérieur Général s'est fait un vrai plaisir de le signer.

Exigez, autant que possible, des personnes à recevoir un quart d'heure au moins de méditation. Je pars aujourd'hui pour La Seyne près Toulon. Bénissez-moi et priez pour moi.

J'ai confiance que la bonne Ste Philomène me guérira ma pauvre tête toujours faible; mais cependant depuis la fin de ma neuvaine, j'ai été bien.

Adieu, bon Père et Vénéré frère, croyez-moi en Notre-Seigneur

Votre tout dévoué

Eymard

P. Mariste


Nr.0468

An Frau Jordan Camille

L. J. C.

La Seyne, 18 Octobre 1854.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Le Bon Dieu nous est resté à la suite de toutes ces recherches. Il m'aurait été bien agréable d'aller vous faire une petite visite à Lyon ou à Romans; voilà la vie: on se cherche et on se dit adieu.

Mais qu'il est doux de vivre en Dieu, d'aimer Dieu et en Dieu! de ne voir tous les événements que dans Dieu pour sa gloire et pour le Ciel!

Au milieu de mes nombreuses occupations et de mes petites souffrances Dieu me fait bien des grâces. Je ne puis presque pas me résigner à demander que ces croix s'éloignent. Il est si bon de souffrir un peu! Et vous, ma bonne fille, que faites-vous? Il me semble vous voir un peu ennuyée de tant d'embarras et de tout ce monde. Que faire? Le Bon Dieu vous y veut; tâchez de ne le perdre jamais de vue et de ne jamais laisser votre coeur s'attacher à cette pauvre et misérable terre.

Je prie beaucoup pour Mlle Mathilde et pour vous tous.

Veuillez, si vous le jugez bon, faire agréer mes hommages et mes regrets à Mr Jordan. Je n'ai fait qu'une chose à Lyon, souffrir de ma migraine; au moment où je croyais pouvoir sortir, il fallait aller me coucher.

Croyez-moi, chère soeur,

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.


Nr.0469

An Marg. Guillot

La Seyne, 22 Octobre 1854.

L.J.C.

Mes bien chères filles en N.-S.,

Merci de votre bon souvenir, je crains que ma santé ne vous préoccupe trop... elle va assez bien, en me ménageant; ma migraine est bien légère, et plus rare, je puis dire habituellement la Ste Messe. Je mange très peu le soir et je m'en trouve bien. Cette migraine est une bonne directrice de ma nourriture, et trop exigeante pour le sommeil, elle est sans pitié. Elle me recueille quand je me suis trop dissipé, et m'arrête quand il n'est pas utile de sortir, donc elle est une bonne compagne.

Et vous, mes chères filles, vous avez plus qu'un petit bandeau, mais bien des croix, bien des privations. Eh bien! bénissez-en Dieu, puisque dans sa bonté il vous donne ce qu'il a de plus précieux, de plus aimable, la preuve de son amour.

Mais quand on est sur la croix, il ne faut pas reposer ses yeux sur la terre, mais aux Cieux.

Pauvre Mlle Marguerite, la voilà donc étendue sur une dure croix! Hélas! Cette pensée est pénible à la nature, j'en avais comme un pressentiment en la quittant, mais qu'elle n'oublie pas ce que ce sont les arrhes du Ciel.

Allons! mes bonnes filles, aimons davantage encore le bon Dieu en ce temps de misère: c'est le beau moment.

Je vous laisse. Ma soeur et Nanette vont assez bien. A la première occasion, je vous ferai passer ma retraite.

Donnez-moi des nouvelles de votre chère malade.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.0470

An Fräul. Elis. Mayet

La Seyne 14 novembre 1854

Mademoiselle et chère Soeur en N.S.

J'ai appris la triste nouvelle de Mademoiselle Mélanie avec beaucoup de peine. Elle vous a laissée seule, puis elle était vertueuse et si bonne! Hélas! quelle triste vie d'adieu que cette vie!

Mais ceux que vous pleurez, ma pauvre fille, sont tous des bienheureux; leur mort a été précieuse devant Dieu et leur gloire est grande au ciel.

Vous les aimiez en Dieu et pour Dieu, vous les retrouvez heureux et glorieux en la patrie des enfants de Dieu.- Ne pleurez pas trop sur tant de vertus; puisque vous en êtes l'héritière et que la vie est bien courte. Oh! ma pauvre fille, qu'il fait bon aimer Dieu dans ces moments de déchirement et d'agonie!

Nous retrouvons en Dieu ce que nous aimions. J'ai prié et priez bien pour votre chère soeur afin que la paix du Seigneur soit son éternel repos; mais je prie encore plus pour vous, parce que je vous sens seule et souffrante. Je me trompe, vous n'êtes pas seule. Votre frère Thony est là, avec sa bonté de Père et de Mère. Votre excellente Soeur Perroud est là avec son affection si tendre et votre Frère abbé avec la prière.

Allons, ma chère fille, cheminons en la confiance et l'abandon vers cette belle Patrie où il n'y a plus ni larmes, ni souffrances, ni péché, ni mort, mais Dieu éternellement bon, mais nos Parents, nos Amis, les Saints.

Adieu, croyez-moi toujours en N.S. Votre tout dévoué.

Eymard.


Nr.0471

An Frau Franchet

L.J.C.

La Seyne 14 novembre 1854

Madame et chère Soeur en N.S.,

C'est trop tôt venir vous donner une décision: c'est que je ne voulais pas vous dire oui, et vous laisser à la grâce du moment. Ce que vous me demandez est bon à certaines époques, mais nuisible à d'autres.

Si vous l'avez fait, c'est bien, sinon, laissez-le encore un peu.

Le bon Père Général m'a appris qu'il vous avait donné le P.Marcel. Je bénis Dieu de cette grâce pour vous et suis persuadé qu'elle sera la source de la paix, de la vie intérieure et de l'amour de Dieu que vous cherchez depuis si longtemps.

Votre bon Charles est auprès de son oncle, tant mieux! Il y avait tant de motifs qu'on ne peut qu'approuver votre détermination.

Adieu, Madame et chère fille en N.S. Soyez toujours simple, calme et dévouée au service du divin Maître.

Votre tout dévoué serviteur.

Eymard SM.


Nr.0472

An Fräul. v. Revel

Pensionnat de La Seyne

L.J.C.E.

La Seyne 15 9bre 1854

Mademoiselle & chère Soeur en N.S.

J'ai pris quelques jours pour bien réfléchir & prier à l'occasion de votre lettre, mon coeur vous aurait répondu de suite mais l'affaire est trop grave.

Je ne suis pas étonné, bonne Soeur, de l'impression que vous ont faites mes dernières paroles. Je fus bien impressionné moi-même en vous les disant & je les vis comme un trait de grâce pour vous - Il fallait passer par cette exactitude de vie chrétienne, cette fidélité d'honneur, maintenant Notre Seigneur veut un coeur de fille & d'épouse.- tout est mort autour de vous, & s'il reste encore quelque chose cela passera vite.- le monde n'est qu'une figure, dit St. Paul, c'est-à-dire, une ombre, qui s'enfuit

Vous êtes donc libre! mais pour être toute à Dieu, encore quelques années peut-être & l'éternité seule dira votre nom, votre vie aussi faut-il vite bien remplir ce peu de temps mais que faire? - ici commence la difficulté c'est ce qui m'a arrêté tout court.

Voici donc ce que j'ai pensé

1· continuer votre genre de vie extérieure - avoir votre maison en ville, & vos bons serviteurs

2· Ne pas faire partie active de la maison de Nazareth c'est-à-dire, y vivre y loger entièrement, & cela afin de ne pas ébruiter ce petit mystère de Nazareth, le laisser commencer dans l'ombre & le silence - la laisser par conséquent faire sa première épreuve., & la laisser germer Voilà, ma bonne Soeur, ma pensée présente. Mais quel est mon désir pour l'avenir? Voici ce que je demande pour vous à notre bon Maître; c'est qu'avant de mourir vous soyez religieuse, que vous quittez le monde entièrement, & que vous mouriez dans les bras de la religion évangélique.

En attendant cet heureux moment, mettez ma bonne fille la maison de Nazareth à la tête de vos bonnes oeuvres Souvenez-vous que c'est pour Marie de Nazareth que vous travaillez.

Economisez pour cette oeuvre.-!

Je voudrais vous dire d'en être la fondatrice. Je sais qu'il y a des exigences de famille à respecter: aussi soit. mais plus je vois le monde, plus je comprends le malheur de familles trop riches, avec peu de religion.

Que vous dire de ma santé? elle va mieux. Je puis travailler - ma tête encore lourde va mieux, ah! ce qu'il y a de pauvre en moi, c'est que je n'ai presque rien fait pour Dieu, & quand je vois le monde si mauvais et si froid envers Dieu, hélas! je voudrais faire quelque chose de grand pour glorifier Dieu & sauver mes frères.-

Ayez soin de votre santé, ma bonne fille, - car il faut faire quelque chose de grand pour Dieu avant de mourir.

Adieu, vous savez que je suis en N.S.

Tout à vous

Eymard

p.m


Nr.0473

An Marg. Guillot

La Seyne, 16 Novembre 1854.

Je vous ai écrit la lettre ci-incluse pour le public, celle-ci est pour vous seule...

1· Je partage votre sentiment sur Mlle de R., elle vous montrera ma lettre comme vous pouvez lui montrer la vôtre.

2· Il ne faut pas commencer par acheter, mais louer pour l'essai. Si Mlle de Revel ne donnait pas au moins cinq cents francs pour la maison, cela me contrarierait pour elle, car le loyer de mille francs serait trop fort.

3· Le Bon Dieu est bien bon pour vous, ma bonne fille, il vous attend sur la croix, et il vient vous visiter pour vous consoler et vous fortifier. Aimez-le bien ce grand et divin état.

4· Ne craignez pas! Sa divine bonté ne vous laissera pas. Méprisez le démon, acceptez l'humiliation extérieure que le P. Huguet vous fait subir, dites que vous croyez qu'il dit vrai quand il vous le demande et ne faites pas de retour sur vous, ni sur ce que je vous ai dit. Seulement, je vous en prie en Notre-Seigneur, ne vous laissez pas aller à examiner cette vie passée qu'on vous dit avoir été toute criminelle, regardez ce sentiment comme une occasion d'humiliation et pas plus. Ne voyez dans votre vie passée que la bonté et la miséricorde de Dieu, son amour pour vous.

Adieu, ma pauvre fille, je vais mieux, voilà un mois que je n'ai pas manqué la Sainte Messe.

Je dirai les deux que vous me demandez, de suite.

Mes affectueux souvenirs à toutes vos soeurs, mes respectueux et bien affectueux hommages au bon et cher Monsieur Galtier. Je suis heureux de sa bonté envers vous.

Tout à vous in C·.

EYMARD.


Nr.0474

An Marg. Guillot

La Seyne, 16 Novembre 1854.

L.J.C.E.

Mademoiselle et chère Soeur en N.-S.,

J'ai reçu avec plaisir la lettre que vous m'avez écrite, il y a quelques jours, pour me consulter sur la maison de Nazareth et sur la location des Dames Carmélites.

Pour ce qui regarde la maison de Nazareth, je vois cette maison à fonder avec grande joie, comme l'asile des épouses de J.C. que l'âge, les infirmités ou l'isolement laissent tristement dans le monde, mais surtout parce que le T.O. y sera connu dans son Cénacle et son Nazareth tout à la fois, pour être comme le centre des soeurs qui aspireront à mener la vie religieuse de leur état. Cette maison manque dans le monde, les Communautés religieuses ne voulant recevoir que des personnes jeunes et bien portantes.

Mais ce qui m'a paru le plus beau, c'est la nécessité d'établir des maisons de Nazareth un peu partout, comme faisait Saint François de ses maisons tierçaires. Pour cela, il faut avoir une maison-mère. Mais comment faut-il fonder cette maison? sur Dieu et sur la confiance en notre bonne Mère, sur la maison de Nazareth, avec sa vie de recueillement, de travail, de charité, de centre en Jésus. Et pour cela, il faut choisir ce qui est pauvre, simple et souffrant; voilà les premières pierres. Si l'on veut que cette maison de Nazareth réussisse, il ne faut pas s'appuyer sur la providence des hommes, mais sur celle de Dieu, (ni) sur l'approbation de tous, il suffit d'avoir celle de son Supérieur. Avec ces conditions, vous êtes sûres de réussir parce que Dieu fera tout: il aime toujours Nazareth.

Faut-il louer la maison des Carmélites? Il me semble qu'avec les avantages qu'offre cette position, il ne faut pas la laisser passer à d'autres. Je serais d'avis qu'on la louât. Cependant, je vous conseillerais avant, de soumettre cette pensée au T. R. P. Général, non pour une approbation, mais pour un assentiment paternel. Il faut faire tout cela en dehors de moi, mais tout en Dieu.

D'après ce que m'a dit le T. R. P. Général; il paraît que je resterai ici jusqu'aux vacances. Je suis entre les mains de Dieu: qu'il me laisse ici ou m'envoie ailleurs, vous comprenez trop bien que je dois ne vouloir que la sainte obéissance.

Mais qu'on ne fasse pas bruit de cette maison de Nazareth, le monde ne connut pas la Sainte Famille réunie dans sa pauvre maison.

Voilà, ma chère soeur, mes pensées sur cette oeuvre, mais il faut prier pour que Dieu manifeste sa sainte volonté.

Croyez-moi en Notre-Seigneur.

Votre dévoué serviteur.

EYMARD.

P.M.


Nr.0475

An Abbé Bramerel

La Seyne, 17 Novembre 1854.

Bien cher ami,

C'est de la Seyne que je réponds à votre si bonne et si cordiale lettre. Sans économe, avec des hommes nouveaux, au milieu des malades... à peine si je trouvais le temps de dire mon office. Votre coeur ne m'en voudra pas.

J'ai lu votre lettre avec le même coeur qui l'a inspirée. Avec quel bonheur j'ai appris de vos nouvelles! je ne savais plus où vous aviez posé votre tente.

J'ai lu avec émotion le tableau de vos peines! Hélas! il paraît qu'elles ont touché à toutes les parties du coeur : perte de parents, d'amis, etc. - Voilà, cher ami, ce que c'est que cette vie si belle au printemps de l'âge, si riche de loin... Aussi, comme on soupire après une vie meilleure! C'est donc une grande grâce de comprendre la vanité de ce monde, et je vois avec joie que vous la comprenez. Ah! c'est bien vrai, tout n'est que vanité et déception en dehors de Dieu. Aussi, bon ami, tournez vers Dieu ce bon coeur qu'il vous a donné, et qu'il a doté de tant et de si généreuses qualités.

Aimez Jésus au Saint Sacrement, le Saint des saints du prêtre, son tabernacle, son héritage, son camp, sa gloire. Avec l'Eucharistie, on a tout: le Ciel et le coeur de ses frères.

L'Ordre du Très Saint Sacrement se forme et germe au sein de la solitude. Voilà où il faut vous faire garder une place: là il y a lumière et feu incandescent.

Mais je comprends qu'avec vos obligations de frère, vous ne le pouvez encore. Priez, cher ami, et Dieu vous viendra en aide! - Aumônier de marine! c'est bien, mais c'est bien sec. Pour y réussir, vous avez Mgr de Gap. C'est une bonne corde, mais il faudrait écrire vous-même à Mr Coqueraud, aumônier en chef à Paris. Réfléchissez là-dessus. J'aimerais bien mieux vous voir Père du Saint Sacrement. Combien faudrait-il de ressources à vos parents pour se passer de vous?

Allons, cher ami, vous savez mon adresse. Si jamais je puis vous être utile, j'en serais heureux. Trouvez-moi dans vos anciens amis quelques hommes de feu pour ce nouvel Ordre que j'aime beaucoup et que je voudrais voir prospérer.

Adieu, bon ami.

Toujours tout à vous.

EYMARD, Sup.


Nr.0476

An Marg. Guillot

La Seyne, 3 Décembre 1854.

Je viens, ma fille, répondre à votre attente. Je regrette mes retards, j'avais répondu, j'ai retenu ma lettre. Je suis si embarrassé à décider. Ma pensée n'a pas changé quant à la maison en elle-même, mais faut-il la commencer de suite? voilà ma perplexité.

Il faut soumettre l'oeuvre au T. R. P. Favre; s'il l'approuve et veut bien la diriger en grand, faites... S'il vous laisse libre et à la direction du P.H., voilà ma perplexité. Je dirais presque non.

Pour moi, il faut me regarder comme mort pour Lyon, cette année, et peut-être le commencement de l'année prochaine. Le P. Sup. Général m'a dit qu'il ne pouvait me retirer, n'ayant personne, que celui qu'on me destinait était encore novice.

Voilà, ma fille, tout ce qu'il en est; ce qu'il y a de positif, c'est que je ne puis diriger d'ici cette maison. Pour conclure: si ma présence doit entrer dans l'examen de l'oeuvre, c'est impossible maintenant.

Voilà tout ce que je puis dire, ma chère fille, et vous comprenez sans difficulté cette pensée. Pour vous, ne vous tourmentez pas des bourrasques du P. H., allez en avant, passez sur vos doutes, et ne vous mettez pas à trop raconter en détail vos tentations, vous savez à quoi vous en tenir là-dessus: le plus sage et le plus calmant est d'en laisser le secret à Dieu; dans les perplexités et les doutes, allez comme si vous n'aviez rien.

Adieu, ma fille que N.-S. vous garde et vous fasse toute à son amour.

EYD.

P.S. Nos respects à toutes.


Nr.0477

An Fräul. v. Revel

Pensionnat de La Seyne

3 Xbre 1854

Mademoiselle & chère Soeur en N. S.

Me voici enfin à vous, si j'ai tardé à vous répondre c'est que j'avais besoin de me recueillir.-

Après avoir bien prié, un sentiment de peine m'est resté su cette nouvelle maison je n'ai pas le courage de dire de la commencer & même si je dois y être pour quelque chose dans la balance, je dis non & si c'est l'oeuvre du P. Huguet, je le laisserai faire, mais je ne veux y être pour rien.

Il n'y aurait qu'une approbation du T.R.P. Favre, & une promesse de la soutenir & de l'aider qui me ferait respecter cette pensée, & la bénir.

Mais si le P. Sup. Général s'en tient à la voir avec plaisir & à la laisser voler de ses propres ailes, alors je dis c'est trop tôt - il faut là un secours spirituel sûr & bienveillant. Quant à la question personnelle, je puis bien bonne fille, vous dire toute ma pensée - Si je vous ai paru sévère, en ne vous conseillant pas une vie active & au premier feu, c'est que je prévoyais trop de difficultés & qui vous seraient tombées toutes dessus, c'est que la chose n'est pas encore mûre Dieu garde! de vous priver d'un grand bien, & de diminuer votre couronne non, au contraire je voudrait la centupler. Continuez, bonne fille, à faire le bien comme Dieu le veut dans votre position & quand je vous ai souhaité de mourir en parfaite religieuse, je l'espère encore. Mais la mort! n'y pensez pas, aimez le bon Dieu comme si vous deviez toujours vivre; & servez le de même

Pour moi, je vais assez bien, avec une vie à mille choses, mais Dieu est là.

Vous savez combien est grand le plaisir que j'ai à recevoir vos lettres, & à <ou de> me dire

Tout à vous

Eymard


Nr.0478

An Mariette Guillot

La Seyne-sur-Mer, 3 Décembre 1854.

A Mademoiselle Mariette.

Je suis très heureux, ma chère fille, de la permission que vous a donnée le bon Père Galtier. - Oui, faites toutes les communions qu'il vous a permises, vous en avez besoin. Vous me dites que vous n'en êtes pas digne: c'est vrai, les Anges n'en sont pas dignes; toute notre sainteté ne mérite pas une communion en toute la vie.

Mais vous en avez besoin, vous êtes faible, c'est la nourriture fortifiante; vous voulez aimer Dieu, c'est le Sacrement d'amour; sous ce rapport, il faudrait communier à toutes les heures du jour, si cela était possible. Vous êtes donc bien pauvre, ma bonne fille, et toujours avec les mêmes misères!

Vous ne pouvez pas méditer, dites-vous, vous n'êtes pas assez douce et patiente; vous êtes toujours la même, occupée plutôt des autres que de vous.

Voici ma réponse. Soyez la soeur Marthe de la maison, la soeur de la charité... et Notre-Seigneur vous aimera autant que Madeleine.

Mais une chose est essentielle, c'est d'être contente de tout ce qui vous arrive, comme le meilleur pour vous; c'est de tout faire pour Dieu.

Quant à vos méditations, il faudra bien payer mes dettes, je n'ai pas eu le temps.

Pour cette nouvelle maison, je ne puis m'en mêler, étant ici; et ne devant pas encore rentrer à Lyon, je pense qu'on l'ajournera; c'est donc inutile d'y penser, - à moins que le Bon Dieu ne manifeste évidemment sa sainte Volonté.

Ainsi, restez comme vous êtes jusqu'à nouvel ordre.

Adieu, ma fille, soyez toute à Dieu.

Votre tout dévoué.

EYMARD.


Nr.0479

An Fräul. Stéphanie Gourd

1855.

Mademoiselle Stéphanie.

Merci, ma bonne fille, des nouvelles que vous m'avez données de vos chers parents; elles m'ont bien vivement attristé.

Nous prions bien. Dieu est infiniment bon. L'aumône triomphe de tout. Elle est si charitable votre grand-mère.

Je vous félicite de votre richesse. Vous voilà maîtresse de la chapelle, cela m'a fait un grand plaisir.

Recevez toujours avec joie et amour les biens de Dieu; voyez plutôt, ma bonne fille, le bonté de Dieu que votre ingratitude. Vivez de reconnaissance comme le pauvre.

Pour votre méditation, procurez-vous le livre: L'âme devant la sainte Eucharistie, par J.-B. Pagani. Paris, chez Louis Vivès, Libraire-éditeur, rue Cassette, 23 (1854).

Faites votre méditation sur ce beau livre quand vous l'aurez.

Vous me faites plaisir de me dire que vous n'avez point de pensées en méditant. Souvenez-vous, ma fille, que, pour vous, la meilleure de toutes les méditations, c'est celle que le Bon Dieu vous fait faire dans la pauvreté, le silence et l'abandon pour vous obliger à mettre toute votre richesse, votre action intérieure en la grâce de son amour. Faites oraison; mais, pour la méditation proprement dite, il vaut mieux la laisser ou du moins ne pas vous y fixer, cela vous fatiguerait.

Vous feriez bien de vous procurer le Manuel des âmes intérieures, par le P. Grou. Paris, chez Lecoffre, rue du Vieux-Colombier, 29.

Adieu, ma fille, priez pour moi.

EYMARD.


Nr.0480

An Marg. Guillot

Seyne-sur-Mer, 1er Janvier 1855.

A.J.Eucharistique.

Merci, ma fille, de vos étrennes si bonnes et si riches, elles m'ont fait le plus grand plaisir, je les attendais. Merci de vos voeux et de vos souhaits si bons en Notre-Seigneur. Oui, que cette année soit une année eucharistique! Qu'un cénacle d'amour et de louange s'élève sur cette terre d'ingratitude et d'oubli! Puissé-je en être le premier adorateur comme la première victime! cette pensée eucharistique ne me quitte pas, je la bénis, je l'environne d'épines et de fleurs, j'aime à en faire une couronne de voeux et de désirs. Mais Notre-Seigneur le veut-il à présent? me fera-t-il l'honneur et le bonheur de m'appeler autour de ce doré tabernacle? voilà ma fille ce qu'il faut demander à ce Roi de tous les coeurs.

Mais que deviendra le Nazareth de Jésus et de Marie, me direz vous?

De Nazareth, Jésus alla au Cénacle et Marie y fit sa dernière demeure.

Je voudrais bien que vous vous misiez aux pieds de Notre-Seigneur, afin qu'il daigne vous mettre une parole au coeur pour vous et pour moi.

Les matériaux se préparent, c'est bien entendu que je vous ai inscrite la première. Je n'ai pas encore commencé les conférences aux T. de Toulon, je le ferai sous peu. Ma santé est toujours un peu misérable: que Dieu en soit béni! cependant la migraine me laisse un peu plus tranquille. Je puis dire la Sainte Messe: que Dieu est bon!

Mes souhaits de bonne année à toutes vos soeurs, j'avais commencé une lettre à toutes, mais le temps me manque.

Je n'ai encore écrit à personne depuis bien longtemps.

Mes souhaits à ces bonnes soeurs, tout à toutes en Dieu et pour Dieu.

Tout en l'amour de Jésus et de Marie, en qui je suis tout à vous toutes.

EYMARD.


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