Lettres précédentes

Index Lettres Vol II / Index allemand / Index général


Nr.0621

An Marg. Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 9 Septembre 1856.

Je viens, chère fille, répondre de suite à votre lettre, merci de votre tendre sollicitude et [de] votre si filiale charité.

J'ai souffert un peu de maux de dents; ma santé n'est pas mauvaise, à présent je vais mieux.

J'ai vu Mr Lallour, il doit vous écrire et vous envoyer enfin son ordonnance, il est heureux et jubilant; il vient d'accepter une place comme médecin dans une petite ville près d'Orléans, à Puizeau. Il paraît qu'on lui fait de grandes avantages.

Je félicite de tout mon coeur...... de sa détermination; il y a bien des épines à cette belle rose; la plus grosse est, je crois, dans la tête plutôt que dans le coeur; quelle histoire! Tout cet étalage, tout ce dévouement avait pour but....... c'était par trop intéressé. Je trouve qu'il y a bien de délicatesse après tout ce qu'on lui avait dit d'indiscret, et envers un homme qui n'a rien que sa science. Laissons tout cela.

Pour vous, chère fille, je vous conseille de donner votre démission en bonne et due forme, appuyée sur la règle, sur votre santé, sur votre besoin de paix, et pour cela, proposez Mlle de Revel, elle acceptera, peut-être, si on la nomme, elle pourra dire et faire bien des choses qui seront respectées. Puis aussi, elle s'y donnera tout entière, car elle est femme à une chose.

Si après tout cela on vous fait violence, le ciel le veut, baissez la tête et acceptez cette lourde croix, mais qui peut-être finira comme les nuages bienfaisants par répandre en votre âme une douce et bienfaisante pluie de grâces et de consolations.

Nous sommes toujours avec les ouvriers. Samedi de la semaine prochaine, tout sera fini, je l'espère.

Notre voleur n'est pas encore jugé, nous renonçons à faire une demande civile pour la restitution, cela entraînerait trop de frais et nous avons hâte de ne plus paraître devant les tribunaux. Dieu est notre père, nous n'avons manqué de rien, il y a le suffisant; seulement au lieu de faire des dépenses de meubles et d'ornements, nous attendons.

Je suis heureux que vous puissiez voir le P. Ch.; il vous fera du bien; c'est un si bon Père et si sage directeur, c'est pour moi la nouvelle la plus consolante.

Le courrier part. Adieu.

EYMARD.


Nr.0622

An Marg. Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 20 Septembre 1856.

J'attendais votre lettre, bien chère fille, et je l'ai lue avec empressement, il me tardait de recevoir quelques nouvelles de Lyon.

J'ai bien regretté de n'avoir pas vu le bon P. Ch.; il m'aurait été si doux de causer un peu avec cet ami de coeur. Dieu ne l'a pas voulu. Je suis heureux de le sentir près de vous; profitez-en bien, ouvrez-lui votre âme: il a grâce et affection pour votre avancement spirituel.

Qu'il est bon, ce cher Père, d'avoir pensé à notre chapelle! Ce souvenir (qui doit rester secret) m'est bien doux. Il a bien fait de prévenir le moment et mieux fait encore de redevenir simple soldat de l'obéissance, cela lui sera payé cher. Je conçois que des correspondances entre nous ne peuvent avoir lieu, c'est le premier sacrifice que j'ai vu et que j'ai dû faire, reste la correspondance spirituelle de la prière et de la charité. Le bon Père Ch. est bien celui que j'aime le plus, mais à moins d'une vocation extraordinaire, jamais je ne puis le désirer avec nous. Quelquefois, je me regarde comme un aventurier qui risque le tout pour le tout, et qui ne veut pas qu'un seul de ses amis souffre avec lui et pour lui.

Nous sommes toujours quatre, deux prêtres, deux serviteurs, dont l'un portier et l'autre cuisinier. Il y a trois à quatre prêtres qui ont répondu oui à l'appel eucharistique, mais je crains que le démon, que la nature, que les amis intéressés leur fassent partager l'état des premiers invités de l'Evangile aux noces du Fils du Roi.

A la grâce de Dieu! Ce n'est pas à nous á faire des vocations, mais à les recevoir de la bonté divine; c'est le Roi qui invite et non le serviteur. Nous avons le bonheur d'avoir toujours avec nous Jésus, quoi de plus heureux! Si ce bon Maître veut que nous restions seul durant quelques mois, un an, deux ans, qu'il en soit béni! c'est ce qu'il y aura de mieux pour nous. Pouvons-nous acheter trop cher le bonheur d'être sa famille eucharistique?

Le monde et les amis, qui ne jugent des choses que par le succès, le nombre et la fortune, riront de nous, ou nous regarderont comme stériles et sans crédit, etc. Quel bon fumier pour le grain de l'arbre!

Quand aux femmes, c'est comme arrêté, c'est-à-dire que l'on ne veut s'associer à aucune communauté déjà existante, avec son esprit et ses oeuvres, mais former de véritables adoratrices de Jésus-Eucharistie sur le modèle de Notre-Dame du Cénacle, adorant et vivant autour du divin Tabernacle. Nous commencerons par réunir autour de notre Cénacle les quelques âmes que Jésus se choisira afin de les former sans bruit comme sans éclat à la vie eucharistique, puis, quand les éléments seront prêts, on consultera Dieu sur le lieu où il veut ce nouveau cénacle.

Mais nous ne pensons pas encore à cela; nous désirons attendre que les premiers sacrifices de notre installation soient faits, que le grain de sénevé ait pris un peu racine.

En ce moment, ce serait trop nous mettre à la merci de la charité de ces nouvelles soeurs.

A la guerre, on laisse les femmes dans le camp.

Vous me demandez des renseignements sur le P. Jacquet. Je suis embarrassé. Je ne connais pas sa manière de diriger. Il fait ordinairement l'effet que vous me marquez, et de prime abord, après l'avoir entendu, il semble qu'il ne doit pas être très intérieur, mais je vous assure que je n'en sais rien, n'ayant pas eu des rapports intimes avec lui. On l'a toujours dit très prudent et pacifique. Le Père Martin aurait été plus spirituel. Dieu l'a voulu ainsi; vous avez cependant bien mieux que le P. Méchon. Il y a plus d'expérience. Dieu garde que le P. B. vienne ici. Je crains pour ce pauvre Père, il a été si froissé, et cependant il fait tant de bien. Sa pauvre nature est encore un peu malade. Il est bien méritant; c'est bien celui qui a le plus de peines et de soucis, avec l'oeuvre si difficile des maçons; il faut bien l'encourager.

A propos des corporaux, comme nous en avons assez pour le moment, veuillez nous réserver cette toile entière; elle nous sera très utile pour autre chose. Voudriez-vous avoir la bonté de faire acquitter une messe à Fourvière le 2 octobre pour une malade que l'on m'a recommandée? Je vous ferai passer l'honoraire plus tard.

Ma santé est un peu enrhumée; c'est l'effet de l'automne et de l'hiver qui va commencer; cela ne m'empêche pas d'aller et de travailler. Dimanche prochain, nous dirons la première Messe dans notre grande chapelle; l'Exposition est renvoyée à la mi-octobre à cause des vacances. Unissez-vous à nous dimanche.

Pour votre nouvelle charge, laissez faire le bon Dieu, et après avoir dit tout ce que vous avez résolu, tenez votre âme en paix.

Ce manuel du T. O. s'imprime, m'a-t-on dit. Je ne tiens pas à ce que j'ai fait, au contraire, il est prudent que je sois mis dans l'oubli. Mais ce Manuel, quelqu'il soit, sera toujours un bien. Plus tard on le perfectionnera.

Il paraît, chère fille, que Dieu vous ménage quelque grande grâce, puisque vous êtes si éprouvée. Dans ces moments d'épreuve, de souffrance, de tentations de révoltes, d'irritation, donnez bien votre âme à garder à la T. Ste Vierge votre mère, à Jésus votre bon Sauveur; ne faites que cela en disant avec le Prophète: Seigneur, je souffre violence, répondez pour moi; appliquez-vous au silence sur vous-même, pour toute consolation humaine, à la douceur extérieure, afin de lier vos ennemis, et aller toujours en avant pour vos communions, sans examens, sans retour; on n'examine pas le feu, on le fait.

Mille choses en la divine charité à vos bonnes soeurs. Quel bonheur, si un jour je vous voyais toutes quatre réunies dans un Cénacle!

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYD.

P.S. Les Dlles Lacour ne sont pas assez raisonnables, je partage votre avis, attendez; ce que c'est! Elles ont 30.000 fr. de rente et elles comptent comme les négociants!


Nr.0623

An Frau Jordan Camille

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, rue d'Enfer, 114, le 23 Septembre 1856.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Je ne sais où ma lettre vous trouvera, je l'envoie sous la garde de la divine Providence.

J'aurais dû vous écrire plus tôt; j'ai fait un voyage, et puis nous avons eu tant d'ennuis à cause de notre voleur; et encore ce n'est pas fini; il va falloir aller aux assises sous peu. Dieu en soit béni!

Je comprends, chère fille, vos tristesses et vos douleurs. Pour vous, vous êtes forte et courageuse, les croix des autres vous sont cent fois plus lourdes, c'est juste; mais c'est bien douloureux. J'aurais voulu être près de vous, j'en aurais porté la moitié. Hélas! oui, le monde est injuste, il l'a toujours été, même envers son Créateur et son Sauveur.

Ce n'est pas aux bons services, aux qualités morales, au dévouement chrétien qu'il donne ses faveurs; qu'il fait bon dans ces moments d'injustice et d'ingratitude lever les yeux vers le Ciel et se dire: " Mon Père, que votre sainte Volonté soit faite! C'est pour notre plus grand bien que la chose a été ainsi, c'est pour nous montrer que vous seul êtes bon."

Mais sans doute je viens trop tard vous redire ce que vous faites bien mieux. Nous ne voyons pas toujours la raison divine des choses, c'est pourquoi adorons le mystère de la divine Providence et tout nous sera rendu avec usure. Que cette nouvelle m'a affligé! Depuis si longtemps que Mr Jordan est esclave de son devoir, un peu de repos lui aurait fait tant de bien! Encore une fois, Pater, fiat voluntas tua sicut in coelo et in terra!

C'est dimanche prochain que nous célébrons pour la première fois la messe dans notre nouvelle chapelle. Que n'êtes-vous ici pour recevoir la première bénédiction!!! Nous l'enverrons jusqu'à vous et à tous les vôtres.

La petite oeuvre chemine dans le silence et germe sous terre; nous attendons avec paix et confiance le moment de Dieu; en attendant, nous faisons comme Jésus au désert.

Mes bien affectueux et dévoués hommages à toute votre famille. Votre chère fille doit être bien heureuse auprès de vous. Refaites un peu votre santé et surtout corrigez-vous sur votre peu de sommeil. Vous savez dans quels sentiments

Je vous suis uni en Notre-Seigneur et suis,

Chère Madame et soeur,

Tout à vous.

EYMARD, S. S. S.

P.-S. Je n'ai plus eu de nouvelles de Mlle Monavon; quelle Dominicaine! elle a besoin de repos, elle en profite, tant mieux!


Nr.0624

An den Pfarrer von Ars

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie

Paris rue d'Enfer 114, 24 septembre 1856

Vénéré confrère en Notre-Seigneur,

Je pense réjouir votre piété envers Notre-Seigneur dans la divine Eucharistie de vous annoncer la réalisation de la pensée dont vous a parlé le P. Hermann, cette année, et que vous avez bénie et pour laquelle vous avez prié.

La Société du T. S. Sacrement est fondée à Paris depuis quatre mois, son but est de faire connaître, aimer et servir Jésus au St. Sacrement, de tous les coeurs. C'est de lui former une cour de fidèles adorateurs et une garde d'honneur toujours veillante à ses pieds. Dieu bénit cette petite Société.

Nous recevons des Prêtres et des laïques, pour être religieux du T. S. Sacrement. C'est Marie qui a donné à Jésus un de ses pauvres enfants.

C'est moi, bon Père, qui eus l'honneur et le bonheur de vous recevoir au Tiers Ordre de Marie, il y a deux ans. Je vous prie donc, en l'honneur de Notre bon Maître, de continuer vos prières pour la bénédiction de ce petit grain de sénevé et de faire prier pour nous.

Le Souverain Pontife nous a encouragés avec beaucoup de bienveillance et il appelle notre oeuvre l'oeuvre du temps présent.

L'excellent Mr.......

Je suis avec respect en la divine charité, Bon Père, tout à vous.

Eymard Pr. rel. du T. S. Sacrement

Monsieur Vianney, Curé d'Ars Ain


Nr.0625

An Vater Nègre

Paris, 24 septembre 1856

Tout pour Jésus-Hostie

Bon Père Nègre et vénéré Ami,

«...Le voilà maintenant en Théologie et les années passent vite. Que je suis heureux d'avoir pu lui donner la main dans cette affaire de vocation ecclésiastique! Ce qui lui reste à faire, c'est de ne s'occuper de rien autre que de sa Théologie et des Saints Ordres. Plus tard il verra ce que Dieu lui inspirera. - Mes bien affectueux .....Tout à vous en J.

Eymard P.SSS.

M.N.Nègre - A sa campagne.


Nr.0626

An Frau Franchet

Paris, rue d'Enfer 114, 24 septembre 56

Tout pour Jésus Hostie

Madame et chère soeur en N.S.

Si je n'ai pas répondu à votre bonne lettre, c'est que j'avais oublié votre adresse. M.Mulsant, en me donnant de vos nouvelles, me l'a donnée. J'ai appris avec beaucoup de plaisir le brillant examen de votre cher fils; il l'avait bien gagné, et vous devez être contente. Reste maintenant le choix; Dieu le guidera, ce bon fils, et vos prières le feront bien choisir. Je lui souhaite un de ces choix du ciel qui rendent heureux et grand dans le bien.

S'il venait à Paris, j'espère qu'il me ferait l'amitié de venir me voir.

C'est trop tard, chère soeur, venir examiner avec vous cet état de trouble, de peine, de découragement, de désespoir.

Mad. de la Rochenigrie (Larochenégly) m'a dit que vous aviez fait une retraite à Fourvière et je pense que là vous avez trouvé la paix et la confiance.

Oui votre âme m'est et me sera toujours chère, pauvre fille, pouvez-vous en douter ! Puisque N.S. a bien voulu se servir de ma misère pour vous faire du bien: on aime ce que Dieu aime.

Je ne vous ai pas écrit ma détermination en partant de Lyon; je ne la savais pas définitivement, puisque je venais faire une retraite pour cela.

Si je ne l'ai pas fait après, c'est que je voulais être oublié de mes connaissances de Lyon.

Pour en venir à votre état, voici mes sentiments.

  1. Votre état de salut est bon et très bon, Dieu l'aime et cet état lui rend une grande gloire, inutile de vous en dire les raisons - Jésus sur la croix, au milieu des abandons même de son Père céleste, était dans le moment le plus parfait et le plus grand de son amour. Jésus tenté par le démon nous donnait la plus grande consolation dans nos états de tentation.
  2. Vos épreuves extraordinaires et vos tentations affreuses ne sont pas des péchés: elles prouvent l'impuissance et la fureur du démon contre vous.
  3. Ces épreuves sont très utiles; elles vous préparent à de plus grandes grâces, mais tournez toujours votre coeur vers Dieu dans ce moment-là et méprisez le démon.
  4. Quand Dieu vient vous consoler, vous élever jusqu'à la grâce de son amour, fortifiez-vous dans l'union entière à sa divine volonté pour le temps du sacrifice, imitant Jésus sur le Thabor parlant du Calvaire.
  5. Allant toujours de l'avant au milieu de toutes ces tempêtes, et tous ces vents violents ne feront qu'enfler les voiles du navire.

Merci, chère soeur, de vos bonnes prières pour notre oeuvre eucharistique et pour ma faiblesse. On ne quitte jamais Marie en allant vers Jésus; c'est cette divine Reine du Cénacle qui nous y conduit et nous dirige. C'est sous ce beau titre de N.D. du Cénacle que nous l'honorons; nous sommes de petits enfants à genoux devant (près de) leur bonne mère devant le T.S. Sacrement. La Société de Marie me sera toujours chère et je suis toujours son enfant par le coeur. Vous dites vrai: personne ne sait ce que ce sacrifice m'a coûté. Mais quand on croit que Dieu appelle, il faut même donner sa vie, et encore, ce n'est rien.

Adieu, chère fille et soeur en N.S., faites-nous toujours l'aumône de vos prières. Un soldat dans les tranchées a besoin de secours.

Tout à vous en J.C.

Eymard.


Nr.0627

An Abbé Nègre, Seminarist

Tout pour Jésus-Hostie.

Paris, 25 Septembre 1856.

Bien cher ami,

Merci de votre bonne lettre et des nouvelles locales que vous nous donnez; nous les avons lues avec beaucoup d'intérêt.

Je suis heureux que votre coeur apprécie la grâce si privilégiée de Dieu sur vous en vous envoyant à Saint Sulpice, où l'esprit et les vertus de Mr Olier sont toujours vivants. On en est embaumé pour toute sa vie.

Soignez bien votre santé, et réparez bien vos forces pour cette étude si belle de la Théologie. Voici bientôt venir le moment de la rentrée; ainsi passe la vie: après le repos vient le travail, après le combat la victoire. Vos bons et bien-aimés parents doivent être très heureux de vous avoir près d'eux, surtout votre bonne mère et votre pieuse soeur.

Pour votre cher frère, je voudrais bien le voir continuer encore ses études classiques; car, s'il quitte à présent, ce qu'il a fait ne lui servira de rien. Si au moins il avait fait une haute classe! Puis, s'il est découragé, triste, ou s'il avait perdu un peu de sa piété, ce ne serait pas le moment de se décider contre.

Je sais bien qu'il a beaucoup d'aptitudes pour les arts, etc., mais son éducation n'est pas assez achevée.

J'ai fait hier la lettre pour Mr le Curé d'Ars. Je n'ai pu vous l'envoyer de suite, car j'ai été un peu fatigué par un chaud et froid; je vais mieux.

Ayez la bonté, en retournant, de passer chez Mr Brunello à Marseille, rue St-Savournin, 25, et d'y prendre un paquet pour Mr de Cuers et un pour moi, de la part des demoiselles Bourges, institutrices, demeurant près de là. Les demoiselles Bourges de Toulon, qui demeurent en face de la cathédrale, vous donneront leur adresse. Ayez la bonté de la leur demander et de me rappeler à leur bon et pieux souvenir; - parce que si Mesdemoiselles Bourges de Marseille avaient oublié ce petit paquet, vous auriez la bonté d'y aller; je pense qu'entre vous trois vous pourrez nous les apporter.

Mes bien affectueux souvenirs à votre bonne et tendre mère, assurez-la de mon souvenir perpétuel devant Dieu. Ne m'oubliez pas auprès de Mlle Rose; dites-lui combien j'ai été touché et reconnaissant de son souvenir à Notre-Seigneur, et que nos projets s'élaborent en silence devant Dieu.

Mes amitiés bien vives à vos chers confrères, nos amis, à qui je souhaite de bonnes vacances et un heureux retour;

Adieu, ou plutôt à bientôt, cher ami.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S.S.S.


Nr.0628

An Marg. Guillot

Tout pour Jésus-Hostie.

Paris, 3 Octobre 1856.

Mademoiselle et chère Soeur en N.-S.,

J'ai été bien sensible à votre bon souvenir, aux prières que vous faites pour l'Oeuvre eucharistique et pour moi. LA prière, c'est toute la sympathie que je demande à mes anciennes filles et soeurs en Marie, car, en Notre-Seigneur, il n'y a plus ni couleur, ni nom, ni distinction, mais le lien de la divine charité. L'Eglise est un parterre où chaque fleur a sa place, son parfum, sa rosée, sa bénédiction, où toutes ne sont que pour la gloire de Notre-Seigneur; or ce n'est pas un déshonneur d'avoir passé par les mains de Marie pour servir plus directement Jésus, de venir de Nazareth au Cénacle, ou mieux, d'honorer Marie, Mère et Reine du Cénacle Eucharistique.

Personne ne sait ce qu'il m'en a coûté de faire ce pas et de dire à Dieu: me voici; j'avais quitté ma famille temporelle, mon pays, eh bien! je quitterai encore ma famille spirituelle, pour venir vous servir en votre état sacramental d'hostie et de victime.

Le T.O. est toujours pour moi un sujet de joie et de bonheur, mais, comme je ne suis plus rien pour lui qu'en prières et en voeux, il faut que mon souvenir s'y efface, et que mon passage soit oublié pour ne voir que la grâce de Dieu du moment en celui qui le dirige. Je bénis Dieu du choix du P. Jacquet; on a bien honoré le T.O. de lui donner un des premiers sujets de la Société.

Notre petit Oeuvre marche petitement, humblement, pauvrement; elle marche, Dieu la protège visiblement tout seul, c'est ce qui nous encourage et nous fortifie.

Si nous étions des Saints, nous dirions au bon Dieu de nous crucifier davantage, de nous annihiler tout à fait, afin que sa gloire seule soit bénie et sa grâce divine remerciée.

Priez s.v.p. pour que Dieu choisisse lui-même les premiers adorateurs, les premiers religieux, afin qu'ils soient bien remplis de son Esprit et de son amour.

Je prierai bien pour vos élections du T.O.; je comprends que, vu votre mauvaise santé, vous ayez un peu de repos.

IL faut laisser agir la divine Providence qui fait tout pour le plus grand bien.

Je vous prie de me rappeler au bon souvenir de Mademoiselle de Revel, de vos chères soeurs, de l'excellent Mr Gaudioz, et de me croire en Notre-Seigneur, Mademoiselle et chère soeur,

Votre humble et dévoué serviteur.

EYMARD.

P.S. J'ai indulgencié vos croix.


Nr.0629

An Marg. Guillot

Tout pour Jésus-Hostie.

Paris, 3 Novembre 1856.

Je suis bien peiné, chère fille, de n'avoir pu vous répondre de suite. Je devais prêcher à N.-D. des Victoires le jour de la Toussaint, puis, hier, toute ma journée a été prise par des visites. Vite, aujourd'hui je commence par vous.

Que de misères ce pauvre T.O. vous fait avoir! Hélas! j'en suis bien affligé; que la pauvre humanité est ingrate, faible, inconstante, lorsqu'elle est sous le poids d'une difficulté! Vraiment je ne comprends pas le P. S. G. On m'a dit qu'il avait cependant bien à coeur le bien du T.O.

Devant un plus grand intérêt ou un plus grand personnage, le petit est ordinairement sacrifié ou crucifié par cette pauvre raison d'être.

J'approuve bien votre détermination de sortir de charge et cela avec honneur, paix et charité.

C'est pour le bien qu'il faut agir et non pour les personnes.

Comment, vous avez failli mourir! Mais y pensez-vous! Attendez donc que le grain eucharistique soit germé. O Ciel! J'allais dire, pourquoi votre délicatesse des convenances vous rend-elle si imprudente? Qu'on vienne à vous quand on a besoin de vous et que vous êtes un peu souffrante surtout.

Le P. Champ. a été prophète. Le mépris, quelle bonne chose! C'était l'ambition de St Jean de la Croix. C'est votre vêtement et votre couronne.

Vous savez peut-être que le P. Hug. est resté à Paris. Il paraît qu'il a réclamé ou été de mauvaise grâce contre Moulins et il est resté ici. Bon Père Champion, Dieu le bénira et on l'appréciera peut-être à l'oeuvre et de près.

Je dirai vos cinq messes de famille et les trois autres.

Je n'ai rien reçu du fameux envoi, ni envie de recevoir, on ne m'en a donné aucune nouvelle, quel ennui!

Je ne crois pas... aussi malade qu'on le dit. Cela dure depuis si longtemps, que je crois être devenu une manière naturelle d'être et d'agir. Ce médecin est un imprudent, homme sans autre expérience que ses marins, et qui, sur une donnée, à la dérobée, va de suite trancher et épouvanter. Tout cela est nébuleux pour moi; merci cependant de vos bonnes pensées à ce sujet.

Pour nous, toujours deux seulement; il y a bien quelques pensées de vocations, quelques prêtres qui le désirent; mais, qu'il est difficile de quitter le monde! Priez bien pour que de mauvaises vocations ne viennent pas encore nous affliger. Jeudi nous allons aux Assises pour notre voleur. Hélas! Dieu en soit béni!

Ma santé va bien. Merci. Que vous dire sur ce dont nous avons besoin? Je ne le sais presque pas. Nous avons assez de linge de table pour le moment. Quelques chemises grossières de coton ne seraient pas de refus, car vous pensez bien que je n'allais pas en partant demander un trousseau en mouchoirs et en chemises, et je me suis aperçu que la moitié de celles que j'avais apportées n'étaient bonnes qu'à faire du linge d'hôpital.

Pour les couvertures, nous avons le nécessaire; quand on a froid, on met encore son manteau.

Pour nos draps, nous en avons à double, et quelques-uns de plus je crois. Vous voyez que nous sommes déjà bien montés.

Notre Exposition est encore différée, les choses nécessaires ne sont pas encore prêtes. Je vous l'écrirai.

Que Dieu vous bénisse toutes! Adieu, bonne fille, la poste part.

Tout à vous.

EYMARD.

P.S. Voici un petit mot pour......


Nr.0630

An Marianne Eymard

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, le 7 Novembre 1856.

BIEN CHERES SOEURS,

Vous avez bien raison de me gronder un peu de mon retard si long à vous écrire; cette vie de Paris est si absorbante, et puis nous avons été si occupés et reçu tant de visites qu'il ne me restait que très peu de temps. En renvoyant d'un jour à l'autre ma lettre, j'ai fait comme les pécheurs qui disent toujours: Demain. Votre affection voudra bien me pardonner cela. Je savais que Mad. de Poitiers vous avait vues et écrit, j'avais prié une autre personne de vous voir en passant, alors je n'étais pas aussi en peine. Ma santé est très bonne, i y a longtemps que je ne me suis pas aussi bien porté.

Notre belle Oeuvre du Très Saint Sacrement marche toujours, notre chapelle est fort jolie et commence à être bien ornée.

On commence à y venir...

Nous n'avons pas encore l'exposition solennelle du Très Saint Sacrement, les ornementations nécessaires ne sont pas encore terminées, il nous faudra probablement encore le reste de ce mois; nous faisons faire un dais sur l'autel magnifique, orné de pierreries, de brillants, etc.

Vous me demanderez peut-être où nous trouverons des ressources? - dans la divine Providence; jusqu'à présent, tout nous est arrivé à point nommé. Jésus-Christ est le Père et le Supérieur de la maison, nous avons pour nous tout ce qu'il faut, aussi ne soyez pas en peine.

Je suis toujours en bonne union et amitié avec les bons Pères maristes. Je vais les voir et ils viennent ici. Mais il fallait que l'Oeuvre fût séparée pour pouvoir marcher et se fonder dans les meilleures conditions.

Vous comprenez, bonnes soeurs, que je ne puis quitter Paris en ce moment, c'est un sacrifice que Dieu veut de tous. Dites à Mr Guétat de m'écrire vers le 25 novembre, Mr Leydeker doit arriver vers cette époque et je pousserai à son changement.

Il faudrait que Mr Bernard m'écrive une lettre de demande... et fasse mettre un mot d'encouragement et de bonnes notes par Mr le Curé, et surtout que l'on dise bien si l'enfant a une bonne santé, s'il est intelligent, s'il est déjà un peu instruit en français, avec un certificat de son maître.

Il faudrait aussi que l'enfant me fît une jolie petite lettre - qu'on se hâte de le faire - et je m'en occuperai très activement.

Priez toujours bien pour notre belle Oeuvre et ayez grande confiance en Dieu. Laissez [dire] le monde. - Dieu, sa gloire, sa sainte Volonté: voilà toute la vie du chrétien.

Donnez-moi aussi l'adresse de Madame Regnier, de Lyon; j'ai oublié le nom de sa rue et son numéro.

Que l'amour de Jésus soit votre vie.

Tout à vous.

Votre frère.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0631

An Fräul. Giguet

Paris 7 novembre 1856

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie

Mademoiselle,

J'ai appris que vous aviez été bien malade, pauvre fille! comme N.S. vous met près de lui sur la croix! Cette nouvelle m'a affligé, car depuis si longtemps vous êtes sur un calvaire de douleur - oh! comme Jésus vous prépare une belle couronne, et comme au grand jour du ciel vous bénirez ces souffrances.

Ramassez-en bien les miettes de ce beau sacrifice, ce sont des pierres précieuses.

Ne voyez pas vos peines hors de Jésus et de son amour, elles vous effrayeraient, mais vues en Jésus, elles changent d'aspect et de nature. Laissez le passé à sa divine bonté et l'avenir à sa grâce. Soyez toujours la fille de sa miséricorde et de son amour.

J'espère que ma lettre vous trouvera mieux et que votre croix sera adoucie. Je prierai toujours pour vous et faites-le pour moi.

Je suis en N.S., Mademoiselle, votre tout dévoué.

Eymard P.s.s.s.


Nr.0632

An Fräul. Rosa Nègre, Toulon

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 10 Novembre 1856.

J'ai différé de répondre à votre dernière lettre, ma chère fille, par raison de grandes occupations. Je l'ai lue avec action de grâces. Je remercie Notre-Seigneur de vous avoir choisie pour sa servante et, mieux, pour son épouse eucharistique. Quel honneur! quelle grâce insigne! Vous la comprenez, puisque vous êtes décidée à acheter par tous les sacrifices une si sublime vocation.

Voyez, chère fille, comme Notre-Seigneur vous a aimée: il n'a pas permis que votre coeur fût partagé, et votre vie liée à une créature, afin que vous fussiez libre et prête au premier signal de sa Volonté.

Redoublez de prières et de désirs; le moment semble approcher où le Roi céleste va composer sa cour eucharistique. Heureuses celles qui seront de la première heure!

Ne vous inquiétez pas de votre mauvaise vue; il suffit d'un coeur pour bien servir le Dieu d'amour. Et puis, il vous guérira à ses pieds, si cela doit faire éclater sa gloire et vous rendre meilleure.

Adieu, chère fille, encore un peu de patience et de souffrance.

Tout à vous en Jésus-Hostie.

EYMARD, S.S.S.


Nr.0633

An Frau Spazzier

Paris, 18 novembre 1856

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie

Madame et chère soeur en N.S.

Votre lettre m'explique votre silence. J'avais reçu votre lettre à Marie-Thérèse, et vous avais répondu à Gréoulx, il paraît que la lettre est rentrée au bureau.

Merci, bonne fille, de votre bon souvenir, que souvent mon âme allait vous chercher, et vous voyait toute crucifiée! hélas! le calvaire est long, mais que votre amour sache y trouver Jésus, y rester amoureusement à ses pieds et baiser sa main qui nous colle à sa croix. Vous le savez, dans le sacrifice, il ne faut que s'offrir et souffrir avec Jésus hostie. La souffrance est la fleur de l'amour divin.

Abandonnez-vous donc bien à ce bon Maître, le Ciel viendra un jour et il n'est peut-être pas bien loin.

Laissez toute méditation d'esprit pour ne faire que l'affection du coeur envers Jésus et vous abandonner à son adorable et toujours aimable volonté.

Quant à la formation des adoratrices, le moment n'est pas encore venu. Rien n'est prêt. Puis le fut-on, il serait prudent de vous reposer, car les commencements sont durs à la nature, il y a un moment d'agonie. Je vous conseille donc, chère fille, en attendant, d'accepter cette position qui se présente.

Ecrivez-moi de temps en temps, je n'ai encore rien reçu de Gap; je vais écrire à M.Deplace pour avoir des nouvelles de ce dépôt.

Que Dieu vous soutienne et vous porte, chère fille, en sa maternelle providence, ayez cette confiance du s. homme Job, ou mieux, celle de Marie, Mère de Jésus.

Notre petite oeuvre est toujours dans l'épreuve, ainsi le veut la bonté divine, c'est une grande grâce.

Tout à vous en J.Hostie.

Eymard S.S.S.


Nr.0634

An Frau Tholin-Bost

Tout pour l'amour et la gloire de notre doux Seigneur en la Sainte Eucharistie

Paris, le 18 Novembre 1856.

CHERE SOEUR EN N.-S.,

Je suis tout triste d'avoir oublié votre réponse; c'est le démon qui m'a joué ce mauvais tour, ou plutôt je lui ai été en aide.

Voici ma pensée sur le premier chef, savoir: ce que vous devez faire dans les réunions ordinaires de l'adoration où se trouve Mr le Curé. - Rien; mieux vaut y pratiquer la charité, l'humilité, la prédication eucharistique du silence. Si cependant quelque occasion se présentait où Mr le Curé vous laissât seule, alors c'est Dieu qui vous donne la parole et Son Eminence devient votre Supérieur.

La pensée d'une branche de jeunes personnes depuis la Première Communion jusqu'à quinze et même dix-huit ans me sourit extraordinairement. Voilà votre champ eucharistique: les petites plantes à cultiver; vous y ferez plus de bien qu'ailleurs. Oh! faites-le, et le plus tôt; mais arrangez-vous de manière à ne pas vous laisser ôter votre liberté.

Votre âme passera dans celles de ces pauvres enfants encore toutes neuves, Dieu vous donnera les forces plus que nécessaire. Organisez et faites faire par les zélatrices que vous choisirez bien. Mr Adot est très agréable au bon Maître: c'est son Purgatoire ou mieux la fournaise qui le purifie et le dégage; qu'il secoue et méprise toutes ces horreurs et aille toujours en avant; son état est bon, très bon.

Vos pauvres petits enfants ne comprenaient pas assez le bonheur d'être avec vous; c'est naturel à cet âge de s'amuser. Que vous avez bien fait, chère soeur, de les donner à ces deux grands saints! il furent aussi les protecteurs de ma jeunesse.

Nous ne souffrons pas assez pour mériter d'être aux pieds de Jésus-Hostie; nous avions besoin de voir tout s'éloigner, tout nous abandonner et devenir l'objet de la risée et du mépris. C'est un beau manteau pour conserver l'oeuvre de sénevé, cette petite poussière que Jésus daignera animer et bénir.

Adieu, bonne fille, priez et supplier le bon Maître de nous rendre selon son coeur et sa gloire.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0635

An Marg. Guillot

Paris, 26 Novembre 1856.

Mademoiselle et chère soeur en Notre-Seigneur,

Je croyais être mort pour Lyon, cependant votre lettre que j'ai reçue et les nouvelles qu'elle renferme et les voeux que vous faites pour la gloire de Notre-Seigneur en l'Eucharistie, tout cela m'a vivement ému.

Mon désir reste toujours le même, celui de l'oubli et du mépris (si l'on veut) à Lyon et à Toulon. Sur un champ de bataille, l'amitié embarrasse, trouble, pointille... Là, on n'a besoin que de courage et de prudence. Il s'est opéré dans mon âme une transformation à ce sujet. En me consacrant à l'Oeuvre eucharistique, j'ai dû renoncer à tout et tout sacrifier, ne mettre plus ma confiance qu'en Dieu seul, l'avoir pour seul trésor, pour seul protecteur et pour seul bien, et j'ose dire que Dieu est bien suavement, bien maternellement tout cela pour moi. Je ne regrette à présent qu'une seule chose, c'est de ne pas avoir assez sacrifié, assez souffert pour une si belle cause.

Mon âme est heureuse d'avoir une si belle et si riche part. Si jamais on vous disait que je regrette mes démarches, que je suis triste et découragé, ce n'est pas vrai: en voilà assez pour moi.

J'ai béni le nouveau Conseil et je le trouve bien homogène, c'est-à-dire avec les éléments d'union et d'aptitude, ce sont de bons choix; à la place du T. R. P. Général, j'en aurais fait tout autant, tout en vous plaignant, chère soeur, car c'est un emploi pénible et difficile, surtout si votre santé n'est pas plus forte.

C'est pour Dieu que vous le remplirez, et pour l'amour de la T. Ste Vierge, notre bonne mère. Soyez persuadée que rien n'est plus agréable à Dieu que ce service, rien n'est plus propre à ne vous faire désirer et chercher que Dieu.

J'ai été surpris d'apprendre la nomination du P. Jacquet.

Je ne m'y attendais pas, le croyant pour plus longtemps à Agen. Vous l'apprécierez à l'oeuvre, c'est un homme de conciliation et de paix ayant le don de la parole. J'espère qu'il aura pour le T.O. cet amour de père, qui en fait aimer bien sincèrement les enfants et les oeuvres. Pauvre T.O., il m'est toujours bien cher, et je ne cesse de prier pour lui. Je suis heureux d'avoir pu, avant de venir à Paris, travailler à ce Manuel; c'est ma petite fleur, mais je vous assure que je ne tiens pas le moins du monde à voir mon petit travail accepté, j'aimerais mieux qu'on eût refondu ou remplacé, et qu'il ne fût plus question de moi; mon temps est fini en dehors de l'oeuvre eucharistique.

Notre petite Oeuvre marche sous terre; tous les jours, il y a quelque chose de plus, ou c'est une demande sur l'Oeuvre, ou quelque ornementation nouvelle, ou bien quelques petites épreuves; je dis petites, parce que nous sommes faibles et Dieu nous ménage.

Je tremble pour les premières vocations à venir; nous avons déjà refusé quatre prêtres. Priez bien pour nous; cette épreuve serait trop lourde.

J'ai appris avec plaisir la vente de votre maison, tout en regrettant une offre si petite. Vous faites bien cependant de vous débarrasser de cet immeuble qui irait toujours en se détériorant. Quand vous verrez Mlle de Revel, félicitez-la pour moi de son élection. J'en suis bien aise, cela ajoute à sa vie une croix de plus, et une couronne plus belle que tout le reste.

Mes respectueux et dévoués souvenirs à vos chères soeurs, à la bonne Demoiselle Mollet, que je vois figurer avec grand plaisir dans le Conseil.

Je suis en Notre-Seigneur,

Mademoiselle et chère soeur en Notre-Seigneur

Votre tout dévoué.

EYMARD.

P.S. J'oubliais de vous dire que ma santé est bonne. Il est vrai que, n'ayant pas beaucoup de peine, elle se repose.


Nr.0636

An Marg. Guillot

Paris, 26 Novembre 1856.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre dernière lettre, chère fille; que de choses! Quelle vie! Quelle comédie que ce monde! En attendant, l'Oeuvre de Dieu se fait. Bénissons le mépris et les humiliations qui nous en reviennent, c'est le fumier qui fait pousser l'arbre.

Gardez le petit envoi jusqu'à ce que tout soit prêt pour n'en faire qu'un; nous pouvons très bien attendre.

J'ai ri de tout mon coeur en lisant la conversation avec Mlle de R.

Cette pauvre Demoiselle nous croit très à l'aise et recevant des sommes des personnes dévouées de Toulon, et là, on n'ose pas même prononcer mon nom; elle me parle que dans un an ou deux nous aurons plus de besoins.

Que dirait-elle si elle savait que tous nos amis de Toulon nous ont abandonné!.. mais une parole de Notre-Seigneur me console: "Personne, dit-il, ne peut venir vers moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire par sa grâce." C'est donc un grand bien que certaines personnes se retirent de nous, et que nous n'ayons point d'obligation, de reconnaissance.

Un lit, une table, deux chaises, un vieux fauteuil sont des meubles bien ordinaires.

Je vous en prie, avec Mlle de R. laissez-la me croire riche!

Quelle bonne nouvelle que celle de votre visite au Cardinal!

J'en bénis Dieu, votre place était là; c'était bien clair. Pauvres gens qui s'imaginent qu'un bonnet ne peut paraître à côté d'un chapeau! Je vous conseillerais bien le P. Dussurgey. Il vous irait bien mieux que tous. C'est un saint homme. Pauvre Père Hug.! Il ferait mieux de se taire sur le T.O. de Lyon; il paraît qu'il vous croit bien puissante sur le coeur du P. Gén.: il est un peu excusable, il est gascon et faiseur de livres: c'est une manie d'auteur.

M. D. C. est chez elle (elle est venue, il y a trois semaines, faire une retraite ici et incognito). Je ne sais vraiment comment Mlle Dan. a pu le savoir, elle est si fine et si provençale qu'elle l'a supposé peut-être pour savoir la chose; ignorez tout. Mlle Dan. n'est pas discrète du tout; elle est au premier qui sait la tourner, et à l'heure de l'épreuve, elle dit tout ce qui lui passe par la tête. Vous pouvez compter sur la discrétion entière de M. D. C., vous pouvez agir avec elle en toute liberté. Je n'ai rien reçu de Mme Galle. Je sais qu'elle a bien ses embarras et ses peines; je la vénère, cette bonne Dame, mais elle n'est pas au bout de ses croix. Le P. Champ. doit être supérieur à la place du P. Vit.: il est dans ses droits; profitez-en. Je vous écrirai quand nous ferons le première Exposition; nous avons eu mardi de l'autre semaine la réunion du Conseil de l'adoration nocturne; tout paraît se préparer.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.


Nr.0637

An Fräul. Rosa Nègre, Toulon

Paris, 27 novembre 1856.

Je viens, ma chère fille, vous dire que j'ai été content de votre retraite, de ses épreuves, de ses sacrifices, et surtout de ses fruits bénis.

Vous recevrez cette grâce comme la plus grande que vous puissiez recevoir; vous avez bien raison, c'est bien la meilleure part qui vous est échue. Vivre avec Jésus vaut mieux que travailler pour Jésus. Vous comprenez que Jésus vous choisissant de préférence à tant d'autres malgré vos infirmités, votre pauvreté spirituelle, se montre bien bon envers vous; aussi votre reconnaissance doit-elle être bien grande et vos sacrifices bien doux. Offrez-vous donc sans cesse à ce divin Roi pour le servir, à ce céleste Epoux pour l'aimer, à ce Jésus-Hostie pour ne faire qu'une même hostie avec lui.

Mais quand se réaliseront vos désirs?

Jésus le sait. Il faut le prier, le presser, et lui dire sans cesse: Que votre règne arrive!

Ne vous inquiétez pas, pauvre fille, de vos yeux. Celui qui donne la vue peut vous la rendre. S'il vous veut ainsi encore, c'est que vous lui êtes plus agréable.

Que ce Dieu de bonté vous prenne par la main et vous introduise dans ses aimables Tabernacles.

Tout à vous en J.-C.

EYMARD.

P.-S. - Regardez Mme Duhaut-Cilly comme votre mère.


Nr.0638

An Frau Jordan Camille

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 28 Novembre 1856.

MADAME ET BIEN CHERE SOEUR EN N.-S.,

La véritable amitié n'est liée ni à la forme ni aux circonstances de la vie: elle est une et toujours la même en Dieu et pour Dieu; voilà pourquoi il ne m'est pas même venu en pensée de classer la vôtre parmi les indifférentes.

C'est une bonne fortune pour les oeuvres de Dieu que les épreuves et surtout les déceptions; la gloire de Dieu est alors engagée, la pauvre humanité n'apparaît plus qu'avec sa pauvreté, ses misères et son néant. Qu'il fait bon fonder en Dieu et rien que sur Dieu! Nous n'avons pas été dignes de toute cette faveur, car il y a eu des âmes sympathiques et saintes qui nous ont servi en la Providence divine; celles qui nous ont exercés ont été une grâce de lumière, de sainte liberté, de grande confiance en Dieu.

Saint Paul disait aux premiers chrétiens persécutés: "Vous n'avez pas encore combattu jusqu'au sang." Que nous sommes loin des Apôtres, des grandes âmes de Jésus-Christ!

Cependant Notre-Seigneur nous accorde une grande grâce: celle d'aimer notre solitude, notre vie cachée sous terre, comme Jésus au tombeau, comme le grain de froment. Saint François de Sales disait à sainte Jeanne de Chantal, quand il eut résolu d'établir la Congrégation de la Visitation: "Je ne vois pas de jour pour cela, mais je m'assure que Dieu le fera." Je puis dire la même chose: je ne sais pas quand ce petit grain germera et sera fécond, quand les bonnes vocations viendront; mais ce que je crois, c'est que Dieu le bénira un jour.

Priez toujours bien pour nous, chère soeur; nous le faisons pour vous et avec joie, afin que vous soyez toute à la gloire de Dieu et à la charité du prochain. Je suis bien heureux d'apprendre que Monsieur va mieux et que vous avez pris de bien fortes résolutions d'être un peu plus à vous. Oui, soyez au monde par charité et convenance, mais donnez le reste à votre vie de famille, à votre intérieur, et tâchez d'aimer cet intérieur et d'y trouver le bonheur.

Nous prierons donc pour votre chère fille, afin que Dieu exauce ses justes désirs et lui donne des saints; les enfants, fruits de la prière, font ordinairement la gloire et le bonheur des parents.

Nous avons eu déjà quelques cérémonies bien consolantes: deux baptêmes d'adultes, des premières communions. Tous les jours il y a un pas de plus vers le but; ainsi, bénissez-en Dieu.

Ma santé se soutient et je me suis mis à la Règle depuis quelque temps et j'en suis heureux.

Adieu, chère soeur; Dieu n'a pas voulu que je visse plus longtemps Mlle Monavon; cependant le peu d'instants que je l'ai vue m'a fait plaisir.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S. S. S.

Madame Jordan, rue de Castries, 10, Lyon (Rhône).


Nr.0639

An Marg. Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 13 Décembre 1856.

Je viens vous annoncer, chère fille, que le dimanche dans l'octave de la Noël, nous aurons, dans notre chapelle, la réunion générale de l'adoration nocturne de Paris composée de plus de 200 [membres].

Puis, le 6 janvier, fête des Rois, premier jour de la manifestation de Notre-Seigneur, nous aurons pour la première fois l'Exposition solennelle. Oh! quel jour désiré et béni d'avance! Il me semble que ce jour-là Notre-Seigneur prendra possession de sa famille et de sa maison pour toujours; vous vous unirez à nous, n'est-ce pas? Et nous nous unirons à vous.

Rien de nouveau chez nous pour le moment; c'est toujours la même chose, la même solitude, heureuse retraite! Comme j'en avais besoin, et que Dieu est bon de nous l'avoir donnée malgré nous! Que de réflexions salutaires! que de nouveaux aperçus, que d'expériences nécessaires! Assurément, ce que dans le monde on a regardé comme un abandon, une stérilité, est devenu pour nous une grâce insigne.

Deux bons prêtres nous ont écrit qu'ils viendraient à la fin du mois; viendront-ils? je n'ose presque l'espérer.

Deux autres doivent venir faire leur retraite vers la fin de janvier. Si Dieu le veut tout viendra, car le démon fait l'impossible pour tout arrêter et tout entraver.

Nous pensons maintenant au luminaire de l'Exposition, qui est très dispendieux; nous payons ici les cierges en cire 58 sous la livre.

Je désirerais bien savoir combien Mr Coste, fabricant de stéarine et cierges, quai de l'Archevêché, maison de Mme Galle, combien dis-je, il fait payer la livre de bougies en cire pure, combien il les vend à la Réparation de Lyon; il y a des bougies de différentes grosseurs: à 4 par livre, à 5, à 6, et peut-être à 8; veuillez, s'il vous plaît, vous en assurer et s'il y avait moyen de savoir combien les soeurs de la Réparation dépensent pour le luminaire de chaque jour.

On m'a prié de faire dire une messe à Fourvière; ayez la bonté de la faire donner sur celles que vous avez, et pour le paquet que vous nous préparez, de grâce, ne vous fatiguez pas.... (deux lignes effacées).... vous en prie.

Que faites-vous? Comment va votre santé? Voici bientôt le Jour de l'An; n'allez pas encore vous fatiguer beaucoup pour toutes ces visites.

Je vous laisse à la grâce de Notre-Seigneur toutes en son coeur.

EYMARD.


Nr.0640

An Fräul. v. Revel

Tout pour l'amour de Jèsus-Hostie

Noël 56

Mademoiselle & chère Soeur en N.S.

J'ai reçu votre dernière lettre comme toutes les autres, cependant avec une peine de plus c'est de vous voir souffrante, & d'une souffrance bien ennuyeuse.- Il me semble cependant qu'il est facile de détourner cette humeur, & même sans moyens violents - & puis si le Bon Dieu veut encore ce petit sacrifice, qu'il en soit béni, & glorifié! Hélas! chère Soeur, nous nous en allons vers l'éternité - & pour y aller avec paix, laissons bien le monde, & servons Dieu seul; Le monde! hélas! que nous sommes enfants, de tant nous en occuper, puisque dit St Paul, il n'est qu'un fantôme, ou mieux, un embarras, & souvent un ennemi -. Que le Bon Dieu est bon chère Soeur, de vous avoir affranchie de vous avoir gardée toute pour lui seul.-

Je suis très heureux que vous vous occupiez à l'organisation de l'adoration perpétuelle dans votre paroisse. Là je vous bénis par dessus tout.- C'est le service direct du divin Maître.-

Si une autre fois pareille conversation - sur la charité vous arrive, écoutez-la comme vous écouteriez la /ou: une/ conversation d'un malade en fièvre, & ne vous en fatiguez pas tant.- & surtout - ne vous troublez pas. Dans le cas du trouble, il faut passer par dessus, c'est plus court & plus sûr. Oui la charité pour tous, la paix autant que possible, mais le repos en Dieu seul.

Melle Guillot doit être heureuse de vous avoir pour seconde.- cette bonne Demoiselle a besoin d'aides, si elle est toujours souffrante - Dieu l'aime sur la croix.

J'ai commencé mardi la Neuvaine de votre cher frère, j'aime à prier pour ce cher fils - J'ai la confiance que Dieu l'a reçu dans sa miséricorde - il vous devra sa couronne.-

Le surplus je l'ai appliqué au rayonnement de notre exposition - ce sera un plaisir pour moi, de vous voir représentée autour du divin Maître

Le 6 janv. fête de l'Epiphanie, nous ferons notre 1ère Exposition.- Quel beau jour! quel bonheur! unissez-vous à nous, (quand même) est-ce que l'amour divin a des couleurs! ou des noms étrangers! il n'a que du feu -

Je prierai bien pour vous.

Tout à vous en N. S.

Eymard

(paraphe=peut-être SSS)

P.S.: Recevez mes 1ers souhaits de bonne année. Je vous désire un grand amour du Dieu, de l'Eucharistie.- c'est le ciel commencé.


Nr.0641

An Frau Tholin-Bost

Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.

Noël 1856.

CHERE SOEUR,

Vous êtes donc malade, alitée. Eh quoi! vous penseriez au séjour de l'amour éternel! C'est trop tôt, il faut, avant, allumer le feu divin autour de vous; être insensée pour le service du Dieu de l'Eucharistie. Que le bon Maître vous guérisse! et donnez-moi de vos nouvelles...

En voici une qui vous ira au coeur. Le 6 janvier, fête de l'Epiphanie, nous ferons notre première Exposition! Quelle joie! quel bonheur! enfin le Roi divin va monter sur son trône et nous allons commencer sa cour, - l'office de ses Gardes du Corps. - Remerciez-le pour nous, chère fille, car mon âme est triste de ne pouvoir le faire mieux. Puis le Calvaire n'a pas en moi une de ces victimes bien généreuses; et cependant, quoi de plus beau que de s'immoler à Jésus? - Oui, allez à Saint-Chamond, essayez; mais là, la piété est un peu petite et peu soutenue dans un sens. C'est par le P.Germain qu'il faut commencer avec ses Tertiaires.

Pour moi, je ne connais personne par son nom; ainsi, impossible de vous désigner des adoratrices, sinon la Supérieure de la Congrégation des Demoiselles, qui demeure en face de la cure de Saint-Pierre.

Que je regrette que vous n'ayez pas le petit noyau de petites adoratrices à Amplepuis! tâchez de les avoir. Beaucoup de bénédictions à tous vos enfants. Demandez au bon Jésus nos étrennes eucharistiques. Je vous donne tous les jours les miennes au saint Autel.

Tout à vous en J.-C.

EYMARD, S. S. S.


Lettres précédentes

Index Lettres Vol II / Index allemand / Index général