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Nr.0781

An Fräul. Guillot

Rome, 20 décembre 1858.

Il faut bien vous dire, chères filles, un petit mot.

J'ai vu le Souverain Pontife, il nous a bénis et accordé de bien précieuses indulgences; vous avez votre belle part. Le Souverain Pontife a été d'une bonté très grande. Il m'a dit qu'il examinerait ma supplique et nos points principaux, que dans douze jours il me rendrait réponse; ainsi reste à bien prier, chères soeurs, que le bon Dieu inspire à Sa Sainteté ce qui convient: n'eussions-nous que la bénédiction du Pape, qu'il m'a donnée avec tant d'effusion pour toute la Société, et les indulgences, ce serait déjà beaucoup plus que nous le méritons. Priez donc beaucoup, Dieu a ses moments, il faut les attendre; mais Dieu veut être prié, supplié, importuné, afin de nous faire apprécier ses grâces. Je vais bien. Je travaille pour vous et pour tous.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

A Mlle Guillot.

Merci de votre petit mot, j'écrirai demain. Dites à Ben. que je prie bien pour elle et d'être sage. Que Dieu vous fasse l'amitié de sa belle fête de Noël.


Nr.0782

A Melle Léonie Signoret, de Marseille.

Nota. Ces lettres ont été écrites entre 1858 et 1868.

(1) Je prie Dieu, je vous assure, et je ne sais pourquoi mon âme est triste à votre sujet. Il me semble que vous devez l'être et Dieu veuille que vous ne soyez pas découragée.

Rappelez-vous combien N.S. vous a aimée et vous aime..., il n'a pas changé ni diminué son coeur [sur vous]. Prenez garde à la tristesse spirituelle, elle tue le zèle et la joie du service de Dieu. Rappelez-vous dans les épreuves actuelles, combien vous avez aimé Dieu, et tout ce que vous lui avez donné et promis dans les moments de bonheur, et soyez encore plus forte que le sacrifice. La Sainte Vierge vous viendra en aide.

(2) Suivez bien ce moyen: défendez à votre esprit de s'occuper de ses peines, quand ce n'est pas le moment de travailler sur elles ...arrivez à cette liberté d'esprit, afin d'arriver à la paix et à l'union avec la grâce de N.S. - et pour cela servez-vous de 2 pensées: Je suis toute à J.C.

2 je suis au prochain dans la mesure de la volonté de Dieu.

Priez N.S. de vous bénir en son coeur de Père et d'Epoux.

II

(3) Je ne vous ai pas oubliée pour cela, mais j'aurais d- vous le dire plus tôt. Je prie cependant toujours pour vous, car votre âme m'est bien chère en N.S. Je lui désire tous les biens de Dieu et surtout cette vie d'amour qui la vivifie et la fortifie sans cesse.

Oh oui! chère fille, aimez bien N.S., car vous n'êtes que pour lui! aimez-le non seulement par fidélité, mais par tendresse, par expansion, par dilection de toute votre âme. Ne veuillez que lui plaire, ne cherchez qu'à lui faire plaisir, donnez-lui l'hommage de toutes vos joies, et la confiance souveraine de toutes vos peines.

Ne désirez que lui, ne pensez que par lui. Prenez garde, chère fille, de ne pas entrer en la tentation des autres et pour eux. Oh! de grâce, ne le faites pas, ce serait vous exiler de la joie de Dieu, et vous fatiguer en vain.

Adieu, chère fille du Bon Dieu. Montez toujours vers lui comme l'encens eucharistique. - Je vous bénis en N.S.

III

(7) Eh bien! chère fille, vous souffrez toujours? Souffrez bien pour Dieu! que ces souffrances de coeur vous attachent encore plus au coeur de N.S.; vous êtes son épouse, il faut bien avoir aussi le coeur percé de la lance! N.S. est jaloux, il veut seul vous posséder, vous remplir, vous consoler vous couronner; voilà pourquoi vous n'avez et n'aurez que des épines autour de votre âme.

Oh oui! attachez-vous bien à N.S., et pour les vôtres faites comme si vous étiez bien contente et heureuse; cachez votre trésor, vous êtes toute à lui! [...Quelles misères que ce monde donne! et pour y avoir une tente et une pierre, qu'il en coûte!...que la peine n'atteigne jamais votre esprit! Que la pensée soit au Ciel ].

Je vous bénis bien et vous donne tous les jours à N.S.

IV

(8) (dernière lettre: juillet 1868 ou peut-être

1867)

Oui...Depuis que je connais votre âme et votre grâce intérieure - (autant qu'il a plu à Dieu de me la montrer), j'admire comme Dieu vous crucifie, et crucifie en vous ce qui fait la vie, la gloire et le bonheur des autres -remarquez comme toujours Dieu l'a fait souffrir par ce qui semblait devoir la consoler et l'épanouir, ou du moins favoriser son épanouissement en Dieu et dans son dévouement.

(Dans L-3 p.148 3b, le texte est un peu différent: "remarquez comme toujours Dieu vous fait souffrir par ceux qui semblaient devoir vous consoler et vous épanouir, ou du moins favoriser l'épanouissement du coeur en Dieu et dans le dévouement").

Mais pourquoi cette conduite providentielle? sinon parce que Dieu veut que votre coeur soit comme la rose blanche au milieu des épines de sa tige et aussi pour que son amour aille droit au coeur de N.S. son centre et sa force.

Quand je vois que ce coeur souffre et regarde autour de lui, je voudrais être là pour lui dire: autour sont les épines, au dessous la boue, mais au dessus Jésus qui attire et tend ses mains divines.

Non, non, personne n'a le secret de ce coeur que celui à qui il appartient virginalement - lui seul a le secret de sa vie et de sa dilatation. Allez bien vers lui.

Mais je voudrais vous voir y aller avec la liberté du vol de l'oiseau dans l'espace libre de tout entrave.

La liberté de l'âme: c'est l'amour pur qui aspire vers le bon plaisir de Dieu aimé et servi pour lui. Je souffre de vous voir toujours chercher Dieu, N.S. - Cette aspiration est excellente, mais vous ne prendrez N.S. que par la continuelle désappropriation de vous-même, par l'esprit de la foi nue - c'est ce que Dieu travaille en vous depuis longtemps - le monde est mort pour vous, il y a maintenant le désert de vous-même à traverser, traversez-le avec courage sans regarder derrière vous, marchez à la suite de la nuée miraculeuse et qui renferme N.S.

Mais il faut reprendre l'oraison fixe quant au temps, il faut en préparer le don à offrir, la vertu de N.S. à contempler, le mystère de sa vie à honorer, la parole divine qu'il a dite à adorer, et plus souvent encore, faites une oraison de repos en Dieu, de recueillement et d'offrande de vos facultés, de vos puissances, les unes après les autres. D'autres fois prenez le texte de votre oraison dans l'Imitation. Mais portez toujours la matière de votre travail devant Dieu.

Vite, vite reprendre l'oraison, autrement l'ennui et la sécheresse seraient votre partage. Mais puisque vous me donnez votre confiance, laissez-moi vous donner pour souveraine règle de votre oraison celle-ci: Ne cherchez pas à jouir de Dieu ni de ses dons, mais mettez votre seul plaisir à glorifier son infinie perfection, son ineffable bonté, et surtout en faveur d'une si pauvre créature. Servez-le, glorifiez-le par le don et le sacrifice de quelque chose de vous et vous retrouverez le chemin de son coeur et recevrez la vraie manne de vie. En Jésus tout à vous.

V

(4)...Mais que dire de vous et pour vous, bonne fille! Vous avez choisi la meilleure part, gardez-la bien, vous avez un époux que rien n'égale, que rien ne vaut, sa noblesse est divine, ses richesses sont infinies, sa beauté est incomparable, sa bonté est comme son amour et son amour comme son coeur divin.

Oh! heureux jour qui vous a donné un tel époux et formé de si doux liens. Que je bénis Dieu de m'avoir fait la grâce de vous être un peu utile en cette solennelle circonstance de votre vie! Ne l'oubliez jamais! Gardez bien fidélité à votre céleste Epoux, que votre coeur ne batte que pour lui, qu'il n'y ait de joie et de peine qu'en lui.

Dans vos oraisons allez à Lui comme sa pauvre Epouse fiancée, car tant que vous êtes sur cette terre, l'union n'est que comme celle de Rebecca en voyage vers Isaac son époux, votre union ne sera consommée qu'au Ciel. [Communiez comme l'épouse exilée de Jésus qui vous console un moment par une visite passagère et disparaît.] N'aimez le prochain que parce que Jésus le veut, comme il le veut et rien qu'autant qu'il le veut; ne servez le prochain que parce que Jésus y trouve sa gloire et ainsi votre feu ne s'éteindra pas. Votre vie ne s'épuisera pas.

Mais de grâce, évitez trois défauts: la peine d'esprit pour le prochain, les troubles du coeur sur votre état intérieur et l'esclavage de vos devoirs extérieurs, parce que chaque peine suffit pour vous abattre et vous rendre triste.

Ah! pas de nuage devant ce beau soleil de Dieu - C'est bien assez de marcher sur les pierres et dans la boue du monde!

Restez fidèle à vos pratiques pieuses, nourrissez bien votre âme [quoiqu'on en dise vous avez. (Sic)] [ L'âme vierge a plus besoin d'aliments divins que d'autres ] [ Aspirez toujours à ....voilà mon voeu pour vous.]

[Pauvre fille! que je vous plains!...ah! la délicatesse dans l'amitié est rare, chère fille, et le dévouement encore plus. Qu'avez-vous à faire en cette circonstance? Adoucir le plus possible la position - car si elle restait longtemps ainsi tendue, vous y succomberiez.

Comment adoucir la position? A l'extérieur par...si vous le trouvez prudent. Si elle n'est pas prudente, il faut ignorer et agir comme à l'ordinaire. Quant à l'intérieur. Excusez devant votre esprit et votre coeur, afin que la peine n'ait pas de raisons pour être alimentée. Mettez cela sur les motifs que vous connaissez. Vous savez que pour amortir un boulet on se sert de la laine qui plie sous le coup, puis revient à son état ordinaire. Tenez vous bien unie à N.S. et regardez la grâce et la vertu qui sont dans telle souffrance et cette souffrance comme une fleur nouvelle qui croît sur le Calvaire au pied de la Croix.

Mais dominez la position, dominez la Croix - Que tout souffre, soit, jamais l'esprit du coeur....Je vous bénis en N.S. ]

VI

Je vous comprends bien - Le soleil est obscurci - la vie manquant de lumière et de chaleur s'engourdit - les miasmes s'élèvent de ce terrain humide, la joie ne s'épanouit pas -et le coeur souffre encore plus avec soi-même.

C'est bien vrai que rien ne coûte quand l'amour divin nous porte dans l'expansion de la bonté.

Tout est facile au coeur content. La terre est riante quand le ciel s'ouvre. Mais hélas! vous êtes sur la croix! et seule, et presque abandonnée, et cependant il faudra y rester généreusement et ne pas en détacher une parcelle.

L'amour le veut ainsi et vous serez assez généreuse pour le vouloir aussi. Autour de ce pauvre lys de la vallée croissent des épines, et cependant il faudra les laisser croître, en sentir les pointes aiguës et rester en place sur votre tige tournée vers le ciel et le lys ouvert vers Dieu seulement.

Vous resterez fidèle, car l'épreuve fait agiter un instant cette frêle fleur, mais non la couper - la main de Dieu la tient ferme et belle. Il faut, chère fille, ne pas trop regarder les épines, elles font peur; il ne faut même pas trop écouter le vent, car il dessèche et étourdit - et quand la pluie tombe dans le calice de la fleur blanche, que ce ne soit que pour lui "ter la poussière et lui rendre son arc-en-ciel. Priez beaucoup par reconnaissance à Dieu - cela épanouira la fleur aux rayons de la divine Bonté. Faites resplendir ce rayon sur toutes vos oeuvres et sur tout ce qui vous approche, et tout en prendre l'éclat.

Pauvre épouse du Sauveur, il vous met son sceau de fer sur le bras et son dard enflammé au coeur. Il faut souffrir, il n'y a pas d'union sans souffrance. Allons! souffrons pour l'amour et par l'amour! Je vous bénis.

VII

[ J'en bénis Dieu, car j'ai la confiance qu'il est béni au ciel comme celui des enfants de Dieu.

Toujours ils sont traversés par le démon et le monde, mais Dieu a son heure et c'est la bonne.

Je suis content ....pour vous. Vous ne vivez que pour le bien et le bonheur des vôtres. Mais vous restez à N.S. votre divin et éternel époux. Que l'extérieur soit à la famille, je le comprends, mais que votre intérieur soit tout à Jésus dans la paix et l'amour.

Je ne vous oublie pas devant Dieu, vous avez les prémices de mes pauvres prières. Je vous bénis en N.S. ]

VIII

(6) ....Vous l'êtes bien royalement et bien divinement. Je vous sais fière d'une telle union et heureuse de si beaux liens. Rien ne vaut l'alliance virginale. Oh! béni soit le jour qui vous a mise à la suite de l'Agneau et donné l'anneau céleste, qu'il soit le plus aimé de vos jours, comme il en est le plus grand...

...Votre coeur est fait pour souffrir, c'est sa mission et sa vertu; mais ne laissez jamais la souffrance monter à l'esprit, pas de nuages ni de tempêtes dans cette région de la vérité, de la conformité à la volonté de Dieu. Soyez-y toujours dans la vue de Dieu, toujours contemplative de sa bonté paternelle sur vous en particulier.

Je prie sans cesse pour vous, car je sais vos besoins.

Adieu, le coeur toujours en haut et la vie à la gloire de Dieu.


Nr.0783

An Marg. Guillot

Rome, Epiphanie 1859.

Bien chères filles en Notre-Seigneur,

Vous m'avez souhaité devant Notre-Seigneur une bonne année; je vous l'ai bien rendu ici dans tous les sanctuaires vénérés que j'ai visités, au pied de la Sainte Crèche de Jésus que j'ai baisée, en face des langes pauvres et grossiers que l'on vénère à Ste Marie-Majeure. Devant ces langes si pauvres, devant le bois grossier de cette adorable crèche on se dit: Il faut que la pauvreté soit bien aimable et bien grande, puisque le Verbe divin l'a tant honorée et l'a tant aimée. Alors on dit: J'aimerai la sainte Pauvreté de Jésus.

Oh! qu'elle est touchante, cette belle fête de Noël à Rome! Partout vous voyez l'Enfant-Jésus, non pas comme en France, nu, sur la paille, mais vêtu magnifiquement, la couronne royale sur la tête et exposé sur le tabernacle, couché.

On a à Rome trois grandes dévotions fondamentales: la première, c'est la dévotion à la croix. Dans toutes les églises il y a la chapelle du Crucifix; c'est la chapelle la plus vénérée, et l'image de Notre-Seigneur est ordinairement très grande et très belle.

La deuxième dévotion, c'est celle de la Très Sainte Vierge. Dans chaque église il y a sa chapelle, son tableau vénéré, et non pas une statue, mais c'est un tableau magnifique, devant lequel il y a toujours au moins deux cierges allumés. Je n'ai vu à Rome qu'une seule statue de la Très Sainte Vierge comme objet de vénération: c'est celle de l'église Saint-Augustin. Elle est entourée de diamants, de bijoux, de montres en or; Rome se dépouille pour l'orner et l'honorer. Elle est très ancienne, on dit qu'elle est des premiers siècles, tout Rome va la prier et baiser son pied.

La dévotion la plus touchante envers la Ste Vierge est celle des maisons chrétiennes. Le jour et la nuit brûle une lampe et souvent plusieurs devant l'image de la Très Sainte Vierge. Presque à tous les coins de rue, il y a son tableau magnifique et des lumières.

La troisième dévotion est celle de l'Enfant-Jésus. Elle est à un point qu'on ne peut se figurer en France.

L'adoration perpétuelle du Très Saint Sacrement est toujours bien fréquentée; il y a plus d'hommes que de femmes. L'église de l'Exposition est toujours magnifique. Rome est par excellence la ville royale de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Me voilà bientôt sur mon départ, mes chères soeurs, je partirai d'ici mardi, je l'espère, et dans la semaine suivante je serai à Paris. J'irai vous dire tout ce qui m'a édifié et vous porter la bénédiction du Souverain Pontife.

Ma santé va bien. Priez pour moi, qui suis en Notre-Seigneur,

Tout à vous.

EYMARD.

P. S. - J'oubliais de vous dire, chères soeurs, que le Souverain Pontife a été très bon pour nous et m'a donné tout ce que je lui ai demandé pour l'Oeuvre: remerciez-en Dieu et la Ste Vierge.

Mademoiselle Guillot,

66 Rue faubourg St-Jacques,

Paris.


Nr.0784

An Marg. Guillot

Rome, 8 Janvier 1859.

Bien chères filles,

Merci de vos lettres, elles m'ont bien fait plaisir, elles me disaient, il est vrai, des croix et vos peines: j'y prends bien part et les sens bien vivement; mais il faut que l'Oeuvre passe par ce creuset et s'épure bien. Il faut savoir que l'homme n'est rien et ne peut rien faire de bon. On a besoin d'apprendre cette vérité par l'expérience.

Dans l'Oeuvre eucharistique il faut avant tout et en tout voir la gloire de Jésus-Christ, puis les moyens qu'il veut, se servir seulement des créatures pour la mission qu'elles ont reçue, en un mot, n'aimer le prochain, la vie, les vertus, les grâces, que comme moyen d'établir le règne eucharistique de Notre-Seigneur; avec cela on est peiné sans doute de voir des soldats déserter le champ de bataille, quitter les armes, chercher à ébranler les autres; dans ce cas, on se met en prière, en pénitence, on attend le moment d'agir.

Faites cela dans ce cas, laissez-la libre de s'en aller, elle serait déjà partie si j'avais été là; car Dieu ne doit pas être content de sa conduite. Je conviens que le démon est là, mais la nature aussi; aussi si elle ne doit pas mieux aller, qu'elle s'en aille, c'est là ma prière. Son argent! Le bon Dieu est riche et la Très Sainte Vierge aussi. Cela vous donne, pauvre fille, une bonne leçon et à moi aussi.

Ce qui me peine, c'est que je n'ai rien reçu de Mme Duhaut-Cilly; il paraît que ma lettre lui a bien fait de la peine, mais devant un obstacle, il faut le vaincre ou s'arrêter.

Maintenant que je vous explique, chère fille, cette Bénédiction dont je n'ai dit qu'un mot. Savez-vous que vous avez reçu autant que nous, et que je vous porte la signature du Saint-Père; vraiment c'est à n'y rien comprendre, le Bon Dieu fait tout, se joue de tout et arrive droit à ses fins.

Je vous assure que c'est ce qui m'a le plus consolé avec notre Bref pour nous. Aussi, remerciez-en le bon Dieu, c'est le commencement des grâces et du Calvaire d'amour et de bénédiction.

Allons! soeur Benoîte, je vous porterai quelque chose de cette Sainte Ville, je vous payerai un peu pour tant de prières et de croix.

Je bous bénis.

Tout à vous.

EYMARD.

P. S. - En passant à Lyon je tâcherai de voir tout votre monde.


Nr.0785

An Frau Gourd

Rome, 14 Janvier 1859.

Bien chère fille,

Je ne veux pas partir de Rome sans vous adresser de la Ville sainte quelques mots. J'y ai bien prié pour vous et pour tous les vôtres, afin que par l'intercession de tous ces saints, dont j'aime à visiter les églises et les reliques, Dieu vous accorde le salut de tous; car c'est là l'important et le seul nécessaire. Que vous dire de Rome païenne! rien, car elle n'existe plus. Son Capitole est détruit, ses temples sont renversés ou changés en églises, ses empereurs n'ont plus un pouce de terre, même sur le Mont Palatin. Rome païenne a presque subi le sort de la coupable Jérusalem. Mais comme Rome chrétienne est jeune et belle! comme tout y est vivant et pieux! C'est vraiment la ville royale de Jésus-Christ, de la Très Sainte Vierge et des Saints; c'est la fête perpétuelle de Dieu et de ses serviteurs; c'est l'image du Ciel!

Quand on entre dans l'église de Saint-Pierre, on est saisi de ce sentiment de foi, de piété, d'admiration qui vous transporte et vous élève vers Jésus-Christ; la parole n'est plus assez puissante ni assez vive pour dire le besoin du coeur; là on est fier d'être catholique! Que j'étais heureux de prier sur ce tombeau vénéré de saint Pierre! de dire la sainte Messe dans cette chapelle souterraine, l'objet de la vénération de tous les siècles et de tous les coeurs catholiques! Ce qui touche et édifie beaucoup à Rome, c'est la grande dévotion au Très Saint Sacrement, à la Très Sainte Vierge et au Crucifix. La dévotion au Très Saint Sacrement y est grande, les églises des Quarantes-Heures sont pleines d'hommes, tout y est prescrit avec une foi qui vous édifie. Le culte de la Très Sainte Vierge à Rome est admirable, chaque maison chrétienne a une image de la Très Sainte Vierge exposée dans le lieu d'honneur de la maison; une lampe au moins brûle toujours devant cette image vénérée; le pauvre peuple se priverait plutôt de pain que de laisser cette pieuse lampe s'éteindre.

Le culte du Crucifix est très grand à Rome, on l'embrasse en entrant dans plusieurs églises; la chapelle du Crucifix est la chapelle honorée de tous: c'est qu'en effet chacun a une Croix et il faut venir l'adoucir, la mettre aux pieds de Jésus crucifié. Là on y verse de douces larmes, et c'est ordinairement l'expression de la piété de ce bon peuple; il vient pleurer au pied du Crucifix. J'ai vénéré le fameux Crucifix qui parla à sainte Brigitte à Rome, on le conserve avec un très grand respect dans la Basilique de Saint-Paul. Je ne disais pas à Notre-Seigneur de me parler, mais bien de me pardonner et de me donner l'amour de sa sainte Croix.

J'aime bien aller faire mon Chemin de croix au Colysée où tant de milliers de martyrs ont versé leur sang pour l'amour de Notre-Seigneur; en face de cet amphithéâtre épouvantable on prie bien et on a presque peur de sa faiblesse.

Paris, 5 Février. - Me voici à Paris, bonne fille, et y terminant ma lettre; je regrette bien de vous l'avoir tant fait attendre. Mon voyage de retour a été un peu éprouvé. Je vais bien. J'ai donc vu à Lyon votre chère mère. J'y suis resté un jour de plus; j'y serais bien resté une semaine, si j'avais pu voir votre pauvre père; nous avons pensé avec votre bonne mère qu'il fallait redoubler de prière et saisir la première occasion pour parler du confesseur: assurément, votre bonne mère doit en souffrir beaucoup. Je comprenais sa raison, qui est bien bonne, qu'il faut un visage connu pour avoir l'entrée et que votre père ayant de l'estime pour le Curé de sa campagne, c'est ce bon prêtre qu'il faut envoyer, et qu'il y aille accompagné de tant de prières et de grâces qui viennent de toutes parts autour de votre père. Ici, nous ne cessons de prier, de faire violence au Ciel; je ne puis croire que le Bon Dieu abandonne cette chère âme pour qui on prie tant. Je vais écrire un mot à votre bonne mère. Allons, bonne fille, espérez en la protection de la Très Sainte Vierge et en l'infinie bonté de Dieu.

Je me mets tout à votre disposition et ne craignez pas d'abuser.

Je vous bénis en N.-S.

EYMARD.


Nr.0786

An Fräul. Stéphanie Gourd

Rome, 14 Janvier 1859.

Je viens répondre de Rome à votre dernière lettre et surtout à la pensée un peu triste que je vous ai occasionnée sans m'en douter. Non, non, ma pauvre fille, je n'ai jamais pensé que votre conscience ne fût pas assez éclairée pour recevoir une direction spirituelle; il ne faut pas juger sur une parole échappée à l'irréflexion. Seulement, pour vous guider sûrement, il faut bien vous connaître, non pas d'un jour, mais de longtemps, et je crois que le Bon Dieu m'a donné cette lumière de connaître votre intérieur.

Allez au Bon Dieu grandement par l'amour, largement dans l'intention pure, regardant plutôt sa gloire, sa sainte Volonté que vos vertus et votre intérieur.

Il faut vous tenir en garde contre l'amour-propre spirituel et le travail trop personnel de votre avancement spirituel. Travaillez, ma fille, à vous vaincre dans ce qui est un penchant mauvais, une tentation, un défaut.

Appliquez-vous à briser votre volonté dans les choses permises, bonnes même; devenez souple entre les mains de Dieu comme l'argile fraîche et humide. Soyez plus attentive à la grâce de l'amour qu'au mérite de la vertu et vous serez grande, libre, forte comme le poisson dans l'océan.

Ne vous inquiétez pas de votre antipathie; c'est la nature qui l'a crée, mais la grâce l'enterra sur la charité. Agissez envers elle comme vous le feriez si vous en étiez affranchie.

Donnez toujours de l'eau de la Salette comme cela avec foi et piété, et la Très Sainte Vierge fera le reste.

J'aurais bien voulu vous porter de Rome une relique de votre saint Patron Etienne. Je n'ai pu, je vous en ai apporté une autre que je vous ferai passer à la première occasion.

Je ne vous dis rien de mon séjour ici, bonne fille; j'en ai dit un mot à votre bonne mère, de vive voix. J'y suppléerai quand Dieu m'en donnera l'occasion. Tout ce que je puis dire, c'est que tout ranime la foi à Rome, tout vous parle des siècles passés; la religion est là en action, toujours sainte et belle.

J'ai bien prié pour vous, chère fille, le jour de votre fête; j'aime bien votre Patron et, ici, saint Etienne est en grande vénération; on y vénère un caillou avec lequel on l'a lapidé. Rome conserve tout avec un soin digne d'une mère et de l'épouse de Jésus-Christ.

Paris, 5 Février 1859.

Pauvre fille! me voici à Paris. Je vous ai bénie en passant à Romanèche à la vue de votre coteau et au souvenir de votre sainte chapelle.

Ne vous inquiétez pas sur la Réserve; une loi, une grâce accordée n'a pas d'effet rétroactif, ce n'est que pour l'avenir à accorder; ce qui est accordé est bien accordé.

Je n'ai que le temps de vous bénir et de vous dire de me donner de vos nouvelles.

EYMARD.


Nr.0787

An Frau v. Grandville

Rome, 14 Janvier 1859.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Je ne veux pas partir de la Ville Sainte sans vous écrire un petit mot. Il semble que tout ce qui vient de Rome est meilleur, c'est la ville royale de Jésus-Christ où il est le seul Roi et le seul Maître. Ah! si les Romains savaient apprécier leur bonheur! Mais la révolution de 48 y a fait beaucoup de mal. On revient, il est vrai, mais ces socialistes et ces mauvais Français y ont fait tant de mal! Rome c'est une ville de la foi; tout vous montre la foi encore toute vivante: la sainte Crèche, la Table Eucharistique, les reliques précieuses de la Passion à la basilique de Sainte-Croix de Jérusalem, et jusqu'à la terre du Calvaire que sainte Hélène apporta. Comme on prie bien à la Prison Mamertine où saint Pierre et saint Paul ont été emprisonnés, et où l'on voit encore le miracle de la fontaine qui jaillit à la prière de saint Pierre pour baptiser ses gardes et ses geôliers convertis, à Montorio où il fut crucifié, à la basilique du monde, de Saint-Pierre, où son corps repose! Rome est le tombeau vénéré des martyrs: vous ne faites pas un pas sans trouver quelque chapelle, quelque église, quelque monument de la foi.

Je vous souhaite, bonne dame, d'aller à Rome: cela fait tant de bien à l'âme! on est si heureux et si fier d'être catholique!

29 Janvier, Paris. - Me voici à Paris, Madame, je termine ma lettre ici, ne l'ayant pu à Rome, accablé d'affaires les derniers jours.

J'espère que vous aurez trouvé votre faveur du Souverain Pontife; d'ailleurs, ne la trouveriez-vous plus, le témoignage de Mr le Supérieur des Missions Etrangères suffit, et Sa Grandeur, sur ce témoignage, ne vous refusera pas l'exécution de ce Bref, puisqu'il est personnel.

Je n'ai fait aucune démarche auprès du Pape, parce que c'est une faveur qu'il n'accorde pas ordinairement, et il venait de la refuser à une personne très recommandable de Reims, recommandée même par le Cardinal. Puis, comme cette faveur a été accordée sur une supplique, il n'y avait pas moyen d'en avoir le double; tout le monde dit que cela n'est pas nécessaire pour vous.

Le Souverain Pontife nous a donné un Bref pour notre Oeuvre, et l'a enrichie de bien précieuses indulgences. Bénissez-en Dieu avec nous, bonne dame. - Je me mets tout à votre disposition et suis en N.-S..

Tout à vous.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0788

A SON EXCELLENCE LE NONCE DE PARIS

Les prêtres dont les noms suivent; demeurant à Paris rue faubourg S. Jacques 68, supplient Votre Grandeur de leur accorder personnellement la faculté de suivre le Calendrier de Rome, et du clergé séculier - pro utentibus, et cela jusqu'à ce que le diocèse de Paris ait adopté le bréviaire romain.

Pierre-Julien Eymard, Cyr-Amand Champion, Raymond de Cuers, Victor Bruno, Marie-Augustin Clavel, Jacques Eymar.

S.Ex. Monseigneur le Nonce a accordé la faculté ci-dessus le 31 janvier 1859.

Ph. Meglia Auditeur

(Nota: Les noms étaient écrits les uns sous les autres.)


Nr.0789

An Herrn Josef-August Carrel

Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.

Paris, 10 Février 1859.

Bien cher ami,

Merci de votre cordial souvenir, de vos bons souhaits, de votre amitié, de vos prières! Que Dieu vous le rende au centuple.

Je vous ai salué en passant à Lyon, il y a quinze jours, et béni. Je viens de Rome; j'ai mis notre petite Société aux pieds du Pape et le Vicaire de Jésus-Christ l'a bénie avec cette effusion que son amour pour le Très Saint Sacrement lui a inspirée. Il nous a donné le premier Bref et enrichi l'adoration d'une Indulgence plénière quotidienne. Nous voilà avec la bénédiction du Ciel et de la terre, reste maintenant la bénédiction des oeuvres.

Oh! comme je sens que l'homme n'est rien, qu'il ne peut rien, qu'il ne fait rien sans Dieu!

Aussi les éloges comme le blâme, l'amour comme le mépris, tout cela n'est rien en dehors de Dieu. Il m'en a bien coûté de tout sacrifier pour le Dieu de l'Eucharistie, surtout cette bonne amitié dans la Société de Marie. Mais aujourd'hui Notre-Seigneur me tient lieu de tout, et je bénis l'occasion, les instruments qui m'ont conduit à une si grande grâce.

Pour vous, cher ami, allez vers Dieu, comme les rayons vont vers le soleil; regardez toujours ce divin Soleil, comme la lune le fait, afin que vous en receviez la lumière et le feu de la vie.

Communiez toujours: c'est là la force et la vie du chrétien. Que la poussière du voyage ne vous arrête pas, que les impressions naturelles ne vous troublent pas; votre coeur est à Dieu et cela suffit. "J'ai trouvé un homme selon mon coeur", disait Dieu de David.

Aimez beaucoup votre famille, c'est le devoir et la grâce de votre état, et ne regardez pas un état angélique comme le modèle du vôtre : vous êtes père, époux, frère.

J'apprends avec bien de la peine que Mme Tholins soit malade. Cette belle âme serait-elle comme le fruit de l'automne?

Que Dieu, cher ami, bénisse votre dame, vos enfants, votre commerce, votre santé, votre vie; voilà ma fleur de cette année.

Adieu en N.-S.

Tout vôtre.

EYMARD, S.S.

P.-S. - Et votre adresse? je l'ai oubliée.


Nr.0790

A Madame Nègre

(Paris) 10 février 1859

Je suis bien peiné d'apprendre que Melle Rose est fatiguée. J'espère bien que cette plaie n'aura pas de suites. - C'était bien la Divine Providence qui la voulait, cette chère fille, près de son père à ses derniers moments. - C'est là la plus grande consolation d'un enfant. -

J'attends de ses nouvelles.

Depuis mon arrivée, j'ai eu à peine le temps de me retourner. J'ai vu à peine les Dames nos voisines - elles ont bien leurs épreuves. - Dieu le veut - allons! bonne Mère, conservez-moi toujours ce bon souvenir devant Dieu et priez bien pour moi.

Mon voyage à Rome a été heureux. Le Saint Père nous a donné le 1er Bref, avec de précieuses indulgences; la terre est bénie, mais il faut maintenant la cultiver. - C'est là l'essentiel.

Croyez-moi toujours en N.S.

Tout à vous.

Eymard.

Mes respectueux et affectueux souvenirs au bon

M.Teissier, à la famille et à Marius et à votre chère Rose.


Nr.0791

An P. de Cuers

21 Février 1859.

Bon Père de Cuers,

Il y a bien longtemps que vous ne m'avez pas donné de vos nouvelles, et vous savez avec quel plaisir je les reçois; aussi suis-je triste, quand elles se font attendre; je sais bien que votre temps est court, et vos forces petites, aussi est-ce plutôt pour une satisfaction que je les désire. Je pense que vous avez bien reçu à temps vos candélabres, car je me suis assuré à temps aussi qu'ils étaient partis.

Depuis quelques semaines nous faisons l'Exposition tous les jours sans interruption jusqu'à neuf heures et nous allons prolonger l'adoration nocturne: il est bien juste de donner plus, quand on reçoit davantage.

Tous les pères et frères vont bien; nous avons cependant un frère aspirant de moins, c'est le portier, tailleur nouveau, que le P. Champion avait essayé pendant mon séjour à Marseille; il n'avait pas vocation, moins que cela même, il est parti.

Je suis allé voir le bon Mr Dupont à Tours; il vient de perdre sa respectable mère, il a été bien sensible à cette marque d'amitié. J'ai prêché à son adoration nocturne qui va bien, il vous aime toujours beaucoup et se rappelle à votre souvenir. Nos théologiens marchent bien, je désire voir Mgr. de Marseille pour tonsurer Mr Carrié.

Les Soeurs du n· 66 paient leur quote-part au service eucharistique, surtout par la souffrance.

Sr Benoîte a été bien malade; comme c'est sa mission de souffrir, on finit par s'y habituer. Ses grâces sont toujours grandes; mais c'est surtout pour l'Eglise et le Souverain Pontife: le ciel et la terre demandent des prières, des pénitences, l'amende honorable.

Le P. Leroyer m'écrit que vous êtes un peu fatigué, bon Père, de grâce alimentez un peu ce petit feu qui vous anime encore, car nous avons encore à travailler pour notre Bon Maître et à parcourir quelques champs de bataille.

Ici la nature se surprend quelque fois à avoir peur comme les païens, pour savoir où elle prendra pour vivre, suffire aux dépenses, étant sans ressources fixes, excepté la vôtre et nos messes; mais la confiance en Dieu arrive vite pour chasser ce démon et espérer contre toute espérance en ce Bon Maître, qui nous a donné tant de preuves de son infinie bonté. Il m'arrive souvent de n'avoir plus rien, pas un sou, alors j'en bénis Dieu, qui le sait bien et veut nous éprouver: etiamsi occiderit me, in ipso sperabo. Adieu, bon Père, mes affectueux souvenirs aux Pères et frères.

Tout vôtre en N. S.

EYMARD, Sup.


Nr.0792

An Frau Jordan

Paris, 8 Mars 1859.

MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,

J'ai reçu la triste nouvelle de la mort de Mr Giraud; elle a un côté bien consolant: celle du salut et du Ciel. Alors il faut pleurer comme sur une tombe chrétienne où sommeille le juste jusqu'au jour de Jésus-Christ. Ah! comme la vie est peu de chose! et les biens de ce monde sont comme cette vague de la mer que le rocher ou le sable voient expirer. Comme le Bon Dieu nous aime! de nous avoir montré la vanité de ce monde et donné son royaume d'amour. Vous devez vous estimer bienheureuse, bonne dame, car Jésus-Christ est votre bien, votre plaisir et votre gloire; n'en ayez jamais d'autres. Il y a si longtemps que Notre-Seigneur vous veut toute à lui par le sacrifice de tout, même de vous-même! Beau et doux sacrifice qui porte avec lui son plaisir et son prix.

Nous avons bien prié et prions beaucoup pour l'âme de ce cher défunt, ainsi que vous me l'avez marqué.

Je regrette bien de m'être mis encore en retard avec vous, bonne dame. Nous venons de faire notre grande Retraite, à la suite de laquelle nous avons fait nos voeux. Oh! quel beau jour que celui-là où pour la première fois nous nous sommes donnés au service perpétuel de Notre-Seigneur au Très Saint Sacrement! Nous sentions bien que ce petit Cénacle était celui de la protection et de la bonté de Jésus pour nous, et chacun de le remercier de l'appel et de sa bénédiction.

Je me rappelle et me rappellerai toujours votre bonne et aimable hospitalité, chère dame; vous voilà ma première hospitalière.

Donnez-moi de vos nouvelles. Ici tout va sous l'action si douce et aimable de la grâce de la retraite.

Que Dieu vous garde et vous gouverne.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD, S. S.


Nr.0793

An Frau Gourd

Paris, 8 Mars 1859.

Chère fille,

Nous ne cessons jour et nuit de prier, de crier vers le Père des miséricordes; je continue tous les jours à dire la sainte Messe. Tous les mérites et toutes les prières et adorations de notre retraite ont été et seront pour cette chère âme.

Oh non! Dieu ne la perdra pas. Il la sauvera dans son infinie miséricorde. Saint Joseph, le 19, fera le dernier effort; c'est une grande grâce, un grand miracle, le ciel que nous demandons.

Voyez, bonne fille, que la bonté de Dieu a déjà accordé une insigne protection de préserver du malheur, de faire arriver dans ce moment-là même, de le sauver de la mort imminente. Dieu veillait avec sa bonté.

Ce moral qui est affecté peut, outre l'effet de la maladie, être encore le fruit du démon. Quand le malade dort, qu'on lui jette un peu d'eau bénite contre l'ennemi du salut.

Il n'en coûte pas plus à Dieu, ma fille, de rendre au moral toute sa lucidité et sa puissance, quand le moment de la grâce sera venu. Ce n'est pas là un obstacle, non; tous les jours nous voyons cette grâce dans les malades. Je l'ai vue moi-même, il y a quinze jours, sur un malade que la grâce du sacrement a guéri. N'ayez pas tant de regrets de ces non tentatives, bonne fille; ce n'est pas votre faute ni celle de votre mère. Le moment n'est pas venu; que de prières, que de pénitences on a fait depuis! ce sont des grâces qu'on accumule autour de ce cher malade.

Je ne sais pas pour le voeu, s'il regarde votre liberté ou de l'argent; que je désirerais donc que le jour de saint Joseph vous alliez à Lyon et que là, dans une étreinte filiale, vous disiez à votre père ce que vous désirez; demandez-le-lui pour vous faire plaisir et à la Sainte Vierge.

On peut bien faire entrer Mr le Curé et s'il veut tenter lui-même; souvent cette brusquerie a triomphé.

Soyez persuadée qu'il y a un grand combat de grâce dans le coeur du malade.

Je suis tout à vous, pauvre fille, vous savez combien je serais heureux de vous le prouver.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD.


Nr.0794

An P. de Cuers

Paris, 8 Mars 1859.

Bien cher Père,

Je vous renvoie les deux conventions signées et auxquelles il ne manque plus que votre signature et la bénédiction de Dieu.

Ce matin j'ai été assez heureux pour trouver Monseigneur de Mazenod; Sa Grandeur a été heureuse de voir cette convention faite et signée, et cette grande question de fondation terminée. Elle m'a dit: "on vous attendait à Marseille". J'irai seulement, ai-je dit, quand tout sera prêt; le P. de Cuers prépare, puis quand tout sera prêt, j'irai et nous commencerons l'exposition par une retraite prêchée dans la chapelle. - "Bien, bien", a-t-il dit, et tout s'est borné là avec Monseigneur; et ce bon et pieux Evêque est tout fier et tout content de voir enfin l'Adoration commencer à Marseille.

Pour le cas de conscience de la messe, le P. Champion dit qu'il n'y a point de difficulté, que dans ce cas on peut prendre l'honoraire de la seconde messe comme de la première; ainsi, bon Père, vivez de l'autel.

Dans les Congrégations bien formées, chaque maison écrit une fois par mois, sauf les cas extraordinaires: c'est la Règle ordinaire. Pour nous, comme nous commençons, il faudrait mettre en principe chaque quinzaine, sauf encore les cas extraordinaires, qui ne peuvent avoir de règle.

Un prêtre se présente, je l'examine. Il est du Var, il a une imagination et une piété qui me paraissent un peu exagérées. Il y a dix ans, il a commis une faute contra mores, dont il a fait pénitence, puisque depuis quatre ans il dit la messe; nous l'avons vu à Marie Thérèse, une figure jeune (44 ans), cheveux gris, il est très pieux, mais ce passé me porterait à ne pas l'admettre, qu'en pensez-vous?

Mr Eymar a toujours ses idées, je crains bien qu'il finisse par leur sacrifier sa vocation présente; mais pas de milieu, ou tout à l'Oeuvre, ou sortir. Le Bon Dieu sait bien que ce n'est que pour lui que nous travaillons: sauver un principe, c'est se fortifier.

Nous prions beaucoup le Bon Maître de nous donner ce qui nous manque pour travailler à son Oeuvre et nous prions beaucoup pour vous, cher Père, et je vous suis tendrement

uni en N. S.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0795

A. M. l'ABBE WICART, Vicaire Général de Laval

Paris, rue fg S.Jacques 68, le 14 mars 1859

Monsieur le Vicaire Général,

Me voici de retour de Rome, depuis quelques semaines, j'ai attendu le fruit de notre retraite pour vous dire toute la grâce reçue.

Le Souverain Pontife m'a reçu avec la plus paternelle affection et a entendu avec le plus religieux intérêt, le narré de cette petite oeuvre; de sa première bénédiction reçue à Toulon et mise à l'oeuvre à Paris; Sa Sainteté a voulu voir les lettres testimoniales des Evêques, en premier étaient les deux si chères à notre coeur, et toujours bénies de notre bonheur.- Su l'exposé de notre Supplique, Son Eminence, Mgr le Cardinal Archevêque de Paris avait écrit ces quelques lignes: "Piam hanc sodalitatem nobis bene notam, et hactenus de Sancta Ecclesia bene merentem propter suam erga Sanctissimum Eucharistiae Sacramentum pietatem eximiam, et zelum animarum quem exhibet in omnibus circumstantiis; humillime Sanctissimo Domino nostro Pontifici maximo et dilectissimo Patri Commendamus".

Parisiis die 2 Decembris 1858

+ f.M.Card. Morlot, arch.

Le Saint Père, après avoir loué l'Oeuvre et admiré son progrès en si peu de temps me promit de s'en occuper après Noël. C'était le 20 décembre que j'eus le bonheur d'avoir mon audience, et le 5 janvier sa Sainteté signait elle-même le Bref laudatif dont voici la teneur:

Pius PP. IX

"Dilecte Fili, salutem et apostolicam benedictionem. Placuit nobis plurimum studium tuum quo te praestare triennio antea audivimus, ut adorationem et cultum Sacramenti Augusti maxime in Gallia augeres et tuereris. De quo et nobis coram locutus es ac quorumdam Episcoporum Galliae exhibuisti laudum consignata Litteris testimonia. Faxit Deus misericordia sua ut susceptae a te curae et solicitudines in hunc findem, qui amplissimam apud omnes meretur laudes, proficiant. Tanti hujus boni auspicem esse det Apostolicam Benedictionem, quam tibi, dilecte Fili, hinc discedenti, effuso paterni cordis affectu amanter impertimus.

Data Romae, apud S. Petrum, die 5 Januarii 1859, Ponti-ficatus Nostri anno XIII.

Pius PP. IX."

A cette grâce Sa Sainteté en a ajouté une bien précieuse, c'est une indulgence plénière quotidienne pour l'exercice de l'adoration devant le T.S. Sacrement exposé; le Saint Père voulait même nous la donner plus ample, mais pour ne pas diminuer le prix de celles des 40 heures de Paris, j'ai demandé que cette indulgence ne fut que pour nous et les Agrégés, car le Pape voulait la donner pour tous.

Voilà Monsieur le Vicaire Général, ma bénédiction de Rome, celle qui confirme la première que nous donna Monseigneur votre frère en notre premier Père. A nous maintenant de correspondre à tant de grâces.

tout le monde m'effrayait à Rome, mes amis mêmes, me disant qu'il faudrait y rester au moins six mois, et tous ont béni Dieu avec moi de ce qu'en 15 jours tout a été fait.

Je n'ai pas besoin de vous dire, Monsieur le Vicaire Général, combien j'ai prié pour vous et pour Monseigneur. Votre pensée m'accompagnait partout, on n'oublie jamais son point de départ.

En arrivant à Paris, nous nous sommes mis en retraite, afin de nous mettre sérieusement à l'oeuvre, et de bien en prendre l'esprit. Dieu a béni merveilleusement ces Saints Exercices, les premiers ont fait leurs voeux, deux d'une vocation douteuse et peu généreuse sont sortis, un prêtre et un frère - nous restons dix - nous serions bien nombreux si nous étions de vrai adorateurs.

J'espère toujours votre visite amie, et qui nous sera une occasion de vous dire toute notre vive, cordiale et religieuse reconnaissance pour votre affectueuse amitié pour nous. Nous conservons votre nom, ainsi que celui de Monseigneur, dans nos diptyques, c'est là tout ce que peuvent faire des pauvres.

Je compte sur votre bonté pour être ma reconnaissance auprès de Sa Grandeur et lui faire part de notre bonheur, par vous, elle sera encore plus vive, car vous nous aimez.

Laissez-moi dire toujours en N.S., Monsieur le Vicaire Général, tout vôtre

Eymard.


Nr.0796

An Frau Spazzier

Paris 20 mars 1859

Madame et chère fille en N.S.

Cette lettre que vous attendez avec anxiété (et que j'ai toujours différée, ne sachant comment résoudre cette grande question) va vous arriver et vous causer peut-être de la peine - car, bien examiné, je ne crois pas prudent que vous vous réunissiez à Melle Guillot, du moins jusqu'à temps. - Ces pauvres filles viennent d'avoir une si grande secousse, et se trouvent encore sous le poids de cette peine - qu'il faut les laisser sortir de l'épreuve. - Vous comprenez bien, ma chère fille, que la pauvreté est devenue leur lot, puisque celles qui avaient quelque chose sont sorties - et alors il faut commencer comme les Saints ont commencé - or, vous, avec votre santé qui demande quelques soins et un régime particulier - vous y souffririez et si vous veniez à être plus fatiguée, on se le reprocherait bien.

Assurément j'espère la bénédiction de Dieu à présent, parce qu'il fera tout seul et que si cette petite oeuvre vient de son coeur, elle triomphera - et se basera solidement sur la pauvreté, l'humilité et l'amour de Dieu tout pur.

Je n'ai pas voulu en admettre de nouvelles, d'ailleurs la sortie de ces 5 a découragé quelques personnes. - J'en bénis Dieu.

Nous devons faire une fondation à Marseille avec les éléments de la divine Providence et je serai peut-être obligé d'y aller dans quelque temps - car il est bien juste que le Supérieur devienne père par la privation et les souffrances des fondations.

Vous nous êtes toujours bien chère, et vos soeurs vous aiment, mais - supportez cette séparation comme venant de Dieu - et attendez le moment de la grâce.

Priez bien pour nous - cette sortie de Me D.Cilly m'a fait bien de la peine, c'est une grande épreuve pour tous - mais il est des moments où il faut couper et trancher jusqu'au vif - pour arriver à la vie.

Croyez-moi toujours en N.S.

Tout à vous.

Eymard s.s.


Nr.0797

Lettre du B. Père EYMARD au Chanoine BRUNELLO, Marseille

Paris 26 mars 1859 (10)

Bien cher et bien aimé Père et ami,

Eh bien! votre zèle pour Notre-Seigneur l'a emporté! Le P. de Cuers part ce matin de Paris pour Marseille, muni de tous les pouvoirs pour la fondation et riche de la grâce et de la confiance en Dieu. Dieu bénira cette première fondation, car elle commence bien. C'est le 25 mars fête de l'Annonciation que Mgr l'Evêque a signé nos pouvoirs, c'est de ce beau jour que la fondation commence, ainsi elle est vôtre, soyez-en non seulement le bon Père, mais le St. Joseph.

C'est avec grandes consolations et joie que nous commençons par Marseille, cette bonne Ville que nous avions choisie pour notre berceau, et qui au contraire devait être notre premier champ de bataille.

J'envie la grâce du P. de Cuers d'aller commencer dans la pauvreté, la souffrance et la faiblesse, ce petit cénacle du grand Roi.

Quand tout sera prêt, j'y irai (je l'ai promis à Sa Grandeur) passer quelque temps, s'il plaît à Dieu.

Je vous embrasse bien affectueusement en Notre-Seigneur, bon Père.

Tout vôtre en J.C.

Eymard S.S.S.


Nr.0798

An die Familie Rosemberg

Paris 29 mars 1859

Madame,

Je bénis Dieu de la bénédiction d'Abraham sur vous, non pour le messie futur, mais pour J.C. à qui vous donnez des enfants, des disciples et des saints.

J'aurais accepté avec grande joie l'heureuse et sainte proposition d'être parrain de cette dernière fleur du bon Dieu, mais les maladies ont mis trois soldats hors combat, de sorte qu'il faut les remplacer aux pieds du trône du Grand-Roi. Ainsi le service eucharistique me retient captif, mais heureuses chaînes! elles sont plus que de l'or et des diamants, c'est l'amour qui les forme et les porte, je l'espère, du moins.

J'aurais été bien heureux de voir ce bon Monsieur Rosemberg et de l'embrasser, mais le bon Dieu ne le veut pas.

Je désire depuis longtemps de voir le bon Monsieur Dupont, mais le bon Maître me garde, alors je m'en dédommage un peu par quelques prières à ses pieds pour tous mes amis.

Je suis heureux d'avoir fait la connaissance de votre bonne soeur, je la vois tous les 15 jours; le bon Dieu la bénit, il est si bon!

Je vous laisse entre les mains de sa divine bonté. Mon bien affectueux souvenir au bon Monsieur Rosemberg.

Tout à vous en N.S.

Eymard S.S.S.


Nr.0799

An Frau Jordan

Paris, 29 Mars 1859.

MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,

Je vous plains et vous bénis. Votre état me fait souffrir et remercier Dieu: c'est l'agonie du monde et de la nature, pour arriver à cette vie en Dieu qui a son trésor là où rien ne peut le ravir ou le changer.

Tous ces états que vous éprouvez, toutes ces peines ne sont que des grâces et des moyens de vous unir de plus en plus au souverain Bien. Ne vous amusez pas aux fleurs de la vie, bonne fille, ne comptez pas les épines, ni les cailloux de votre chemin; passez vite dessus et venez vers Notre-Seigneur les pieds ensanglantés, mais sans les regarder, ni vous en plaindre; fortifiez-vous bien dans l'amour de Jésus-Christ et dans les preuves véritables de son amour, qui sont la croix, le détachement des créatures, l'immolation de soi-même à sa plus grande gloire; et vous sentirez en vous comme une nouvelle vie, un océan de paix, un besoin de souffrir pour donner quelque chose à l'amour divin; un peu de bois au feu. Ne regardez pas trop le temps, pauvre fille, ni les nuages, vous ne feriez rien de stable; allez plus haut vers le soleil qui ne bouge pas de place, ne fait que donner sa lumière et sa chaleur à tout ce qui tourne autour de lui. Oh! qu'une âme fixée en Dieu est forte et heureuse!

Votre bonne fille m'a écrit; je m'occupe de son affaire d'abord devant Dieu, puis devant les hommes. Cette bonne fille désire bien se rapprocher de vous; et je le désire bien aussi, car ce serait une grande consolation; espérez.

J'espère bien que quand vous serez à la campagne, vous ne ferez pas comme l'an passé, absorbée dans vos feuilles et vos cocons, que vous nous donnerez signe de vie.

Priez bien pour nous. Nous faisons une fondation à Marseille; peut-être serai-je obligé d'y aller dans quelques mois. Rien de nouveau ici, sinon que nous sommes bien contents. Vous recevrez dans quelques jours une notice de notre oeuvre; veuillez en donner à Mlle Monavon, et me rappeler à son bon souvenir et lui dire que ma dernière visite a centuplé mon estime pour elle.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0800

An Frau Gourd

Paris, 31 Mars 1859.

Bien chère fille,

Nous voici au dernier jour du mois de saint Joseph. Ce bon Saint a prié, nous devons être exaucés; car peut-il éprouver un refus? non; et Jésus peut-il renier sa promesse d'exaucer la prière et la confiance? S'il en diffère le succès présent, c'est pour augmenter le mérite et donner davantage. Je crois que nous sommes déjà exaucés et que la conversion est accordée et se fait graduellement dans cette pauvre âme. Soyez persuadée que dans les répulsions et les hallucinations, c'est plus l'effet du démon que de la nature. Dieu seul veut avoir la gloire de sa miséricorde. Ainsi, priez, bonne fille, mais restez en paix et fortifiez votre bonne mère; je voudrais bien lui écrire, mais, ne sachant si elle reçoit ses lettres, je m'en suis abstenu.

Dites-lui bien d'avoir confiance et de ne pas se fatiguer du passé, ni de se tourmenter du présent. Quand Dieu veut sauver, il inspire la prière, et quand on prie, le salut en est le fruit.

Depuis le premier jour, nous disons vos Messes, tous les prêtres n'ont que cette intention. Voyez par là, bonne fille, le prix d'une âme, ce que c'est que la grâce de la foi, et pourquoi Notre-Seigneur a tant prié et tant souffert pour nous sauver et mériter la grâce du salut.

Et ce bon monsieur Gourd, quand est-ce que la grâce triomphera en cette âme si droite et si honnête, mais que la lumière de Dieu n'éclaire pas encore? Voilà aussi le fruit que Dieu demande de vos prières et de vos souffrances. La vie n'est pas trop pour sauver une âme. Qu'est-ce que les biens, les plaisirs, la gloire de cette vie sans la grâce de Dieu et le ciel en espérance? Rien! Une fu...

8 avril. - Je regrette de n'avoir pas fini cette lettre plus tôt, chère fille; mille choses et deux Premières Communions, que je préparais, sont venues m'absorber.

Eh bien, vous avez donc été malade et vous l'êtes encore un peu; le Bon Dieu a voulu vous faire gagner par la maladie les deux grandes grâces qu'il veut vous accorder. Sachez être une bonne malade, qui se laisse soigner de bonne grâce et qui ne veut faire autre chose que ce que lui permet la maladie.

Vous allez mieux, tant mieux; car, pauvre fille, votre couronne demande encore du travail et votre vie a encore un long chemin à parcourir au milieu des ronces et des cailloux. Mais Notre-Seigneur est avec vous.

Ne laissez aucune inquiétude, ni aucun trouble entrer dans votre esprit, ni dans votre conscience; vivez en enfant avec vous-même et avec le Bon Dieu: c'est le plus court chemin. Que je vous voudrais à Paris avec Mlle Guillot, y passant là quelques semaines de convalescence avec Mlle Stéphanie! Nous vous aurions vite guérie. Je demande au Bon Dieu cette consolation.

Pour nous, tout va bien, puisque le bon Maître reste avec nous; quelquefois je vois des croix et la nature voudrait avoir un soutien et frissonne un peu; mais cela ne va pas loin, grâce à Dieu.

Une chose va bien, c'est l'Adoration. Le reste n'est plus ni croix, ni peine pour moi. Quand le Maître est servi et est content, tout va bien.

Hélas! pauvre fille, qu'il y a peu d'âmes eucharistiques qui soient toutes à Jésus-Christ! On veut toujours avoir quelque chose avec Jésus-Christ ou en dehors de lui: de là la fièvre, le tiraillement. Jésus-Christ n'est pas seul Maître. Demandez bien cette grâce pour nous, bonne fille; je la demande pour vous de tout mon coeur, car vous savez que je ne sépare pas votre âme, vos besoins, votre salut de mon âme.

Adieu, bonne fille, que Jésus soit votre tout.

Tout à vous en son amour.

EYMARD, S.S.S.


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