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Nr.0821

An P. de Cuers

Paris, 16 Mai 1859.

Bien cher Père,

Je vais commander aujourd'hui l'ornement rouge, une chape et un voile; l'encensoir forme gothique ne dépasse pas 50 fr., je vous emporterai d'ici tout cela.

Pour l'ostensoir, j'ai vu encore Mr Favier samedi; il m'a dit qu'on vous avait envoyé un petit croquis de cette forme moyen-âge; je trouve les rayons bien clairs et petits, on me dit que c'est la forme. J'en ai vu de bien beaux chez Mr Picard, mais ils seraient plus chers.

Peut-être avec ce monogramme IHS celui de Mr Favier fera-t-il encore un bon effet, la lunette de l'ostensoir est grande et belle, c'est l'essentiel; tranchez cette question.

Je vais lui commander votre calice, même forme que le ciboire; bien entendu en argent et non doré, parce qu'alors il serait du prix de 340.

J'irai à Marseille pour le temps que vous me marquez, dût le P. Champion rester seul, comme vous le dites, et ne faire que l'adoration, l'office devenant impossible pour le tout.

J'adore, je bénis Dieu, et je baise sa main paternelle, de nous mettre ainsi dans la nécessité de fermer les yeux, de prendre sa main, et d'aller n'ayant d'autre ressource, d'autre vue, d'autre espérance, que sa divine Bonté.

Je vois clairement que Notre Seigneur veut de nous un parfait abandon entre ses mains: tout ce que nous avions attendu n'est pas venu, nos espérances changées par d'autres moyens, les étrangers prenant la place des amis d'abord dévoués, les épreuves venant des nôtres; le P. Hermann changé, je ne dis pas en ennemi, mais en combattant, redisant toujours ce qui est fini depuis un an et demi parlant toujours de ces prétendues religieuses de choeur commun, proclamant bien qu'il n'est plus avec nous; hélas! je n'en dis pas davantage. Dieu n'a besoin de personne, il veut se réserver à lui seul la gloire de son oeuvre.

Et nous, il nous veut libres de toute influence, de toute protection, de toute direction étrangère. Tant que nous servirons bien notre Maître, ne craignons rien: tout ce travail d'épuration, d'éloignement, de désertion, d'abandon des créatures, est la plus grande des grâces. J'en remercie sans cesse notre Bon Maître et j'ose dire que j'en crains et redoute la cessation: l'épreuve vaut mieux que le succès, la croix que le Thabor.

Ainsi annoncez, faites pour mon arrivée ce que vous trouverez bien.

La Voix de la Vérité a publié un article sur notre Société le Jeudi-Saint.

On vient de m'envoyer la Gazette de Lyon du 12 mai, où il y a un petit article; il paraît que c'est un ami, qui a lu la notice, qui a mis cette note.

J'avais pensé que, si le lendemain de la Pentecôte ou le mardi était bien pour le sermon dont vous me parlez, cela nous donnerait un peu plus de temps ici. Voyez, cela m'est indifférent pour moi.

Le service du Bon Maître marche bien, restez sur la brèche. Tous sont contents et heureux: si Jesus pro nobis, quis contra nos?

EYMARD.

P. S. Je n'ai pas reçu de réponse à ma lettre à Melle Marin.

Je n'ai pas écrit à Mgr de la Bouillerie, pensant qu'il est aussi contre; car j'ai fait deux

visites à Mme de Rastignac et n'en ai reçu ni avis, ni carte, comme la soeur ma l'avait promis.


Nr.0822

An P. de Cuers

Lundi, 16 Mai 1859.

Bien cher Père,

Je vous ai écrit ce matin, je viens vous dire que vos ornements gothiques sont commandés; le tout se montera de 715 à 720 environ. Je crois que cela ira bien, le P. Champion est content du choix.

Il serait prudent de ne pas vous mettre dans le cas d'un refus vis-à-vis de l'Evêché, dès lors qu'il y en a qui s'en servent, on tolère ou on laisse faire comme à Paris, et cela suffit.

Nous avons, comme vous le savez, la première custode de l'ostensoir, je vous l'offre de grand coeur jusqu'à ce que vous puissiez en avoir une en or; elle fera ainsi le tour du monde si Dieu nous multiplie; c'est plutôt comme pensée que je vous l'offre, que comme cérémonie.

Adolphe désire aller vous faire la cuisine (comme domestique bien entendu à gages).

Je lui ai dit que j'allais vous en écrire; il reviendra à la fin de la semaine savoir la réponse, nous lui payerons le voyage pour aller, en sus de ses gages; qu'en pensez-vous? Il serait heureux de cela, et peut-être est-ce encore le meilleur parti, car je ne vois pas où prendre quelqu'un de passable.

Est-ce que vous ne ferez pas faire à Mr Koll un joli petit clocher gothique comme le nôtre?

On m'a dit que l'ancienne sacristie, aujourd'hui chapelle, était très humide; est-ce vrai?

Je n'ai que le temps de me dire en J. C.

Tout vôtre.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0823

An den Bischof Mazenod v. Marseille

(beigelegt im Brief v. 16. Mai 1859)

Monseigneur,

Je vois arriver avec bonheur l'heureux jour de l'Exposition à Marseille, dans cette modeste chapelle qui bientôt sera un pieux Cénacle. J'éprouve le besoin de remercier encore Votre Grandeur de nous avoir appelés à Marseille et de la bonne promesse de nous regarder comme ses Enfants.

Qu'il est doux pour moi, Monseigneur, d'aller vous donner un à-compte pour toutes les grâces que Dieu, dans son infinie bonté, m'a faites par vous!

Je dois à un de vos illustres enfants, Mr Guibert d'Etor, prêtre, et à votre religieuse famille, d'être Religieux, et notre petite Société va devenir l'Enfant de la bénédiction de votre vénérable Episcopat.

Le P. de Cuers m'écrit que Votre Grandeur veut bien me permettre de prêcher un sermon, à la fin unique de faire connaître la fin de notre Institut, bien plus qu'Elle daignera l'honorer de sa présence. Daignez, Monseigneur, agréer ma bien vive reconnaissance: ce sera là un bon et heureux commencement.

Afin de pouvoir prendre vos mesures à Paris, j'ose prier Votre Grandeur, Monseigneur, de fixer un jour et une église pour le sermon d'entrée; si le lendemain de la Fête de l'Ascension pouvait Lui convenir, ou tout autre à son choix; pour l'église, j'aimerais celle de la Trinité, comme plus petite et plus humble que la cathédrale.

Je ne sais si Votre Grandeur sait que j'ai envoyé de Paris l'ouvrier le plus habile pour le gothique, celui-là même qui a fait la chaire gothique de Sainte-Clotilde; tout sera du style du XIVe siècle, le temps glorieux du triomphe de la sainte Eucharistie. J'ai commandé tous les vases sacrés de forme gothique et même les ornements qui seront très gracieux et surtout en harmonie avec le reste; ici à Paris nous avons aussi la forme gothique dans le culte, c'est comme un argument sensible de l'antiquité du dogme et le souvenir de nos pères. Monseigneur Sibour officiait ordinairement avec ces magnifiques ornements, et à Paris on nous laisse libres et nous avons adopté pour nous cette forme.

Dans quelques semaines, je serai à vos pieds pour vous redemander cette vieille Bénédiction; en attendant j'aime à me dire, dans les sentiments de la vénération la plus filiale,

de Votre Grandeur,

Monseigneur,

l'humble enfant

EYMARD, Sup.


Nr.0824

An P. de Cuers

Paris, 19 Mai 1859.

Bien cher Père,

Mr de Saint-Louvent va vous voir en passant, il désire bien venir avec nous. Si Dieu le veut, je le veux de tout mon coeur.

Nous sommes convenus qu'il viendra passer quelques jours avec nous lors de la retraite de la Fête-Dieu; là nous réglerons quelque chose.

Rien de nouveau, sinon que tous se portent bien et servent joyeusement et facilement le Bon Maître.

Vos ornements moyen-âge se font; la chape est du XIIIe au XIVe siècle; c'est original, mais on dit que ce sera bien.

Le salut sonne:

Tibi toto corde et medullis animae.

EYMARD.


Nr.0825

An P. de Cuers

Paris, 28 Mai 1859.

Bon Père,

Un mot à la hâte! merci de toutes vos chères et bonnes lettres: elles nous font tant plaisir!

Je partirai d'ici mardi à deux heures après midi. Je n'arriverai que le soir du mercredi par le train omnibus; mais ne venez pas à la gare, parce que si mardi il y avait quelque difficulté, je ne partirai que de manière à arriver le matin de jeudi.

Ceci est dit sous la pensée de difficultés seulement. Vos commandes se font: l'ostensoir est commandé; c'est le même, mais avec de jolis ornements; il sera bien, il faut en laisser l'honneur à Mr Rey.

Impossible pour 800 fr. d'avoir en gothique tout ce que vous demandez. Mr Picard y met beaucoup de bonne volonté, mais impossible à moins de 900 fr., et cela sans 10 fr. d'emballage et le port.

Pour les ornements, comme vous laissiez une latitude, nous avions pensé choisir entre le pauvre et le beau; mais sur vos bonnes raisons, j'ai fait changer la chape et l'étole en plus simple.

J'emporterai quelques ornements, le calice, l'ostensoir; mais Mr Picard demande quelques jours de plus: on aura le tout vers la Pentecôte. Toujours seul avec le Bon Maître! sa sainte Volonté tient lieu de tout, il paraît que c'est le mieux: qu'il en soit béni:

Tout vôtre en J. C.

EYMARD.


Nr.0826

An Frau Jordan

Paris, 29 Mai 1859.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Mercredi matin je vais passer à Lyon, dire peut-être la sainte Messe à Ainay, puis partir pour Marseille pour y être le jour de l'Ascension, y prêcher le lendemain, y donner une retraite eucharistique préparatoire à la Fête-Dieu, puis revenir ici. Probablement je ne pourrai vous voir, puisque vous serez à Calet et moi je serai à Marseille, rue Nau, 7.

Cette petite fondation est toute de par Dieu, car ici l'amour de Notre-Seigneur est un peu comme sur le Calvaire. Priez pour nous. Je connais beaucoup Mr Giroud de La Mure; je prie bien pour sa guérison et retour à Dieu. C'est un excellent homme, charitable, juste; mais, hélas! il n'a pas la foi; Dieu la lui donnera, car il a fait tant de bien!

Vous voilà seule, solitaire à Calet, là où est mon rocher contemplatif et où vous êtes aussi en Notre-Seigneur. Soyez-y heureuse et joyeuse au milieu de ce calme et de cette belle nature. Voyez-y Dieu qui embellit toute chose et rend délicieux les déserts les plus tristes.

Pensez que vous touchez le ciel de vos mains et que votre coeur doit y vivre. Hélas! bonne fille, sans Jésus notre bon Maître on ne pourrait pas vivre ici en cette terre de péchés et de désolation; mais Jésus rend l'exil beau et aimable.

Adieu, bonne fille.

Tout à vous en J.-C.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0827

An Mariette Guillot

Marseille, 4 Juin 1859.

MADEMOISELLE,

Je viens vous dire que j'ai fait un heureux voyage; j'ai trouvé les travaux déjà bien avancés et la chapelle presque finie; elle sera très jolie. La maison commence bien; elle est grande... et propre à recevoir 20 sujets.

J'ai été bien accueilli à Marseille; hier, à 4 heures du soir, j'ai donné le sermon d'ouverture de l' Oeuvre devant Monseigneur l'Evêque: beaucoup de prêtres de la ville et un pieux et bel auditoire. Voilà l'Oeuvre annoncée et commencée; nous sommes déjà trois. - Si le bon jeune homme que vous m'avez amené chez Mme Morel persiste dans sa bonne intention de se consacrer à Notre-Seigneur et à son aimable service au Très Saint Sacrement, envoyez-le moi de suite, pendant que je suis ici; je l'habituerai; il y sera très content et surtout bien édifié. Qu'il apporte ce qu'il a avec lui. - En partant de Lyon à 5 heures 1/2 du matin, il arrivera à Marseille à 6 heures 1/2 du soir. Là, il prendra une voiture de place et fera le prix pour le conduire à la rue Nau, n·7, et il arrivera sans difficultés. Qu'il porte de quoi manger et de quoi boire en route. Qu'il ne se lie avec personne en route, et ne dise pas ce qu'il vient faire à Marseille, sinon qu'il vient voir des parents. Le prix de la place du chemin de fer est de 20 fr. 40; donnez-lui de ma part 25 fr., et je vous les rendrai à mon passage. Il faudra qu'il fasse enregistrer son paquet, ou, s'il n'est pas gros, le prendre avec lui.

Voilà ce que je vous prie de nous faire au plus tôt, bonne Demoiselle, et si le jeune homme ne se décide pas, ayez la bonté de me l'écrire, afin que j'en prenne un autre; ce sera à regret, car il m'a plu, et je crois que c'est sa vocation.

Dites à ses parents si pieux que nous en aurons bien soin.

Adieu,

Tout à vous.

EYMARD.

A Mademoiselle Mariette Guillot, Lyon.


Nr.0828

An Marg. Guillot

Marseille, 8 Juin 1859.

Ma chère fille,

Merci de vos petits mots et des nouvelles de votre chère maison, et des sentiments pieux de vos soeurs auprès de Dieu pour moi. Je ne vous oublie pas ici non plus; mon voyage a été heureux, sans migraine. J'ai trouvé une grande sympathie pour l'Oeuvre du Très Saint Sacrement à Marseille. Il y a de belles âmes qui s'y dévouent; nous sommes dans un quartier pieux et tranquille.

Le discours prononcé devant Mgr l'Evêque et un pieux auditoire a été béni.

Nous travaillons beaucoup pour pouvoir dire la sainte Messe dans la grande chapelle le saint jour de la Pentecôte.

Nous commencerons la retraite préparatoire le jeudi 16, jusqu'au jeudi 23, jour de la Fête-Dieu. Le premier exercice est à 7 heures du matin; Messe suivie de l'instruction; et le soir, à 8 heures, instruction et bénédiction. La première Exposition aura lieu le 23, Fête-Dieu, puis je partirai pour Paris de suite après s'il est possible.

J'ai reçu des nouvelles de Mr Clavel, il se prépare à venir dans un mois; rien de nouveau pour les autres vocations, sinon un abbé tonsuré qui est venu passer quelques jours ici, mais c'est encore un sujet douteux; son père est venu le chercher, il nous a dit qu'il reviendrait.

Demain soir nous attendons le jeune Ratons, il m'a plu, je l'habituerai, il sera content. Cette maison s'annonce bien, elle a une bien belle chapelle, ce sera une belle fondation.

Je vais bien, quoique je languisse beaucoup notre pieuse adoration; les jours sont bien longs ici. Mon coeur est à Paris; quoique la croix y soit bien longue, elle est légère et douce avec l'Eucharistie.

Dites bien des choses à toutes vos soeurs, à la mère.

Je vous bénis en Notre-Seigneur.

Tout à vous.

EYMARD.

P. S. - J'ai vu la bonne Dlle Dalaca. Elle est bien, mais il me semble que le moment n'est pas opportun. Rien de nouveau de Toulon; j'ai vu Madame Nègre, je me suis tenu sur la réserve, car c'est tout embrouillé.

P. S. - J'ai vu plusieurs fois Mme Spazzier. Elle n'a pu se fixer à Marseille, elle veut aller à Paris, elle y louera une chambre et travaillera; mais c'est bien convenu qu'elle ne me parlera plus de faire partie de la petite Communauté. Je le lui ai dit bien clairement. Je pensais qu'elle n'irait pas à Paris, mais étant libre, elle est libre d'y aller; recevez-la bien, mais non comme une soeur, mais comme une amie seulement.

Bonjour, soeur Benoîte! Allons, vous ne priez pas assez pour moi; aimez bien votre néant et le bon Jésus.

Mademoiselle Guillot Marguerite,

66 Rue de fg St-Jacques.

Paris.


Nr.0829

An Fräul. v. Revel

Marseille le 8 juin 1859

Mademoiselle & bien chère Soeur en N.S.

Votre bonne lettre est venue me surprendre bien agréablement, & me faire espérer le plaisir de vous voir quand ce ne serait que quelques heures. Je suis bien joyeux de savoir autour de vous une famille si bonne, si pieuse & toute d'affection pour vous, c'est une petite fleur sur le chemin de la vie, cueillez la en passant, mais pour votre bon Maître qui est aux Cieux.

J'ai donné vendredi 3 juin un discours sur la fin de l'oeuvre, & de notre Institut nous avons trouvé une grande sympathie à Marseille - c'est sa 1ère grâce de fondation viendra puis sa grâce de la croix /sic/ - qui cimente les pierres de l'édifice du Jeudi 16 juin au 23 je vais prêcher dans notre chapelle une octave préparatoire à la 1ère Exposition qui aura lieu le jour de la fête de Dieu /sic/ - & cela fait je repartirai pour Paris & je vous l'annoncerai au moins 10 heures d'avance /sic/.-

Après la Fête-Dieu, on continuera les travaux de peinture, & cela pendant 2 mois j'espère revenir en automne.

Mad. Spazzier part demain à 7 h 40 du matin & vous arrivera vers les 4 du soir, en passant seulement, là elle terminera cette affaire pécuniaire -

Cette bonne Dame va à Paris où elle espère trouver un peu de travail, vivre seule & tranquille près du T. S. Sacrement. Car je lui dit, qu'à raison de sa santé, elle ne pouvait pas rester avec Mlle G - elle a besoin d'un régime particulier & cela n'est pas possible.-

Pour cette question de savoir si une religieuse ayant fait voeu de pauvreté & d'obéissance simples - est obligé /sic/ de se dépouiller de la propriété -

Non, Mademoiselle, non, elle peut garder la propriété, le voeu ne tombe que sur l'usage & pour /sic/ disposer des rentes, ou /sic/ faire un acte de propriétaire, il lui faut la permission voilà tout le voeu.

Quelle misère! comme quelquefois on se sert de tout pour lier à tort les consciences!

Croyez-moi toujours, bonne Demoiselle,

Tout uni à vous en N. S.

Eymard

SS


Nr.0830

An Frau v. Grandville

Marseille, saint jour de la Pentecôte 1859.

BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,

Je viens de recevoir votre bonne lettre avec les notes qu'elle renfermait. Merci. J'avais reçu aussi avant de partir de Paris la douloureuse et édifiante nouvelle de la mort de ce petit ange, que Dieu est venu chercher parce que c'était une belle fleur digne du Paradis, le compagnon de gloire de son brave et pieux père. Oui, les larmes sont toujours amères sur un tombeau, car la mort est quelque chose de si triste et de si opposé à l'amour! Mais le Ciel sur un tombeau est quelque chose de bien céleste, de consolant et d'attrayant. Mais vivre dans le sein de Dieu, c'est y retrouver tous ses enfants, tous ses amis: Dieu est la vie et le bonheur de la vie. Cette mort a brisé et élevé cette bonne mère, je le comprends; la Très Sainte Vierge avait ces deux sentiments sur le Calvaire et au tombeau; l'un fait la vertu de l'autre. Oh! si nous n'avions pas ici-bas l'adorable Eucharistie, l'Emmanuel Jésus avec nous, cette terre serait trop triste, la vie trop dure, le temps trop long; mais il faut remercier la bonté divine de nous avoir laissé ce Paradis d'amour, ce Jésus voilé, cette colonne de nuée et de feu du désert.

Il y a un sentiment pieux donné par le Pape Jean XXII qui dit que les âmes justes font leur Paradis autour de Jésus au Très Saint Sacrement et lui forment sa cour. Votre petit ange serait donc à l'église de votre paroisse sur laquelle il est mort, et là, près de sa bonne mère et de vous, il serait heureux: quelle pensée consolante! Présentez, s'il vous plaît, mes sympathies religieuses à cette bonne mère pour laquelle je prie de tout mon coeur.

Je suis ici jusqu'au lendemain de la Fête-Dieu, le 24 juin. Jeudi je dois commencer une retraite préparatoire pour la première Exposition qui aura lieu le jeudi 23. Si vous aviez besoin de moi, je me mets tout à votre disposition.

Notre petite fondation commence bien. Les travaux sont presque achevés, on va commencer les peintures; il y en aura pour deux mois. Je pense revenir ici vers le mois d'octobre, quand tout sera prêt. Priez bien pour nous, bonne fille, nous avons besoin de Dieu et de sa sainte grâce.

Quand je serai à Paris, je vous ferai ce que je vous ai promis.

Croyez-moi toujours en N.-S.,

Bien chère fille,

Tout à vous.

EYMARD, S. S. S.

Madame de Grandville,

8, rue S.-Laurent,

Nantes.


Nr.0831

An Mariette Guillot

Marseille, le 22 Juin 1859.

CHERE FILLE,

Je partirai de Marseille vendredi matin, pour être à Perrache le soir à 6 heures; ne vous donnez pas la peine d'y venir, j'irai droit chez Mr Gaudioz et de là chez Madame Morel. Je ne resterai à Lyon que jusqu'à 9 heures du samedi matin, à moins que le Bon Dieu ne veuille se servir de moi pour Mr Morel.

Je n'ai que le temps d'être en N.-S.

Tout à vous.

EYMARD.

Mademoiselle Mariette Guillot,

17, rue du Juge de Paix,

Fourvière, Lyon.


Nr.0832

An Fräul. v. Revel

Paris 1 juillet 59

Mademoiselle & bien chère Soeur en N. S.

Me voici à Paris n'ayant pu m'arrêter à Valence, ce qui a été pour moi un sacrifice, mais on m'écrivait qu'un de nos religieux était malade, de vite arriver; heureusement que ce n'est qu'une fatigue de travail & non une maladie grave.-

Notre Seigneur m'a bien consolé à Marseille, j'y ai trouvé une grande sympathie pour notre oeuvre du T. S. Sacrement - les exercices spirituels y ont été bien suivis --

Je vois avec plaisir votre désir d'être toute à Notre Seigneur, le reproche que vous vous faites du vide de votre vie le sentiment bien profond en vous, que Dieu seul est votre unique bien - Oui! bonne Soeur, mettez-vous bien à la disposition de Dieu & de sa grâce en ces quelques jours qui vous restent à passer ici basé cette vie n'est qu'une préparation à la vie éternelle - c'est la purification par l'amour & l'amour de la croix -

Que sur votre chemin vous rencontriez quelques fleurs; c'est une graciosité /sic/ de votre bon Père, mais offrez lui leur parfum, & leur beauté -

Rien de nouveau ici, sinon la Fête-Dieu continuelle en notre petit cénacle - ces Dames vont bien - elles travaillent à être tout à Dieu - Mme Spazzier est ici - elle s'occupe à prendre des leçons pour la faïence - je ne la crois pas appelée à une vie de communauté elle a trouvé un appartement voisin, - je voudrais bien qu'elle renonçât entièrement à ce désir, car cela la trouble - & inquiète. Si elle voulait entrer dans quelque communauté elle le pourrait mais cela ne lui va pas. Je la plains & ne veux cependant pas l'abandonner.

Vous savez, bonne Soeur, avec quelle /sic/ affectueux dévouement je vous suis uni en Notre Seigneur & reste

Tout à vous

Eymard

Mademoiselle

Mademoiselle de Revel

chez Mr le baron de Carmejane

fg Faventine 20

Valence Drôme


Nr.0833

An Fräul. Danion

Paris, rue Faubourg Saint-Jacques, 68, le 1er Juillet 1859.

BONNE SOEUR EN N.-S.,

Je viens de lire votre lettre. Merci de votre bon et fraternel souvenir! merci en notre bon Maître. Elle m'a fait grande joie, car on aime à se dire et à lire ce que l'on aime et ce que l'on désire uniquement, grandement et éternellement: le règne eucharistique de Jésus dans tous les coeurs. Ne croyez pas que je vous ai oubliée, chère soeur; oh! non. A Rome vous m'avez été toujours présente, j'y avais porté vos lettres et vos notes sur le Tiers-Ordre.

Le bon Maître a été si bon et si généreux pour moi à Rome! Le Souverain Pontife a voulu faire lui-même le Bref qui encourage et loue et bénit la Société du Très Saint Sacrement; il nous a donné, ainsi qu'aux agrégés, une indulgence plénière quotidienne. Tout cela s'est fait en quinze jours, au grand étonnement de tout le monde.

En arrivant à Paris, nous avons fait une bonne retraite à la suite de laquelle les trois premiers ont fait leurs voeux perpétuels, et deux prêtres et un frère qui avaient une vocation douteuse sont sortis; nous aimons mieux être peu, mais unanimes de coeur et de vie.

J'arrive de Marseille où nous venons de fonder une maison d'adoration. C'est le jour de la Fête-Dieu, 23, qu'a eu lieu la première Exposition. Notre oeuvre a trouvé une grande sympathie dans cette ville où la piété est vive et ardente. A notre occasion Mgr l'Evêque de Marseille institue les Quarante-Heures dans son diocèse, heureux et mille fois heureux de pouvoir concourir à cette royale institution de l'adoration perpétuelle.

Je vais m'occuper de régulariser le Tiers-Ordre du Très Saint Sacrement; je n'ai pas eu un moment jusqu'à ce jour. Que n'êtes-vous à Paris! nous en causerions un peu. Et comment ne pourriez-vous pas venir ici, passer une huitaine ou une quinzaine de jours! Priez maintenant pour qu'il nous vienne de bonnes et saintes vocations, des hommes qui veulent se donner et se dévouer sans condition au service et à la gloire de Notre-Seigneur au Très Saint Sacrement. Hélas! qu'il y en a peu, et surtout parmi les prêtres, qui comprennent la vie eucharistique, et qui aient le courage de le servir tout seul! Cela me désole. - 500 prêtres ont demandé d'être aumôniers de nos armées, et personne ne demande à former la garde du Roi des rois. Oh! honte et lâcheté!

Adieu, bonne fille. Vous savez que je vous suis bien uni en la divine Eucharistie et

Tout à vous.

EYMARD, S.

Mlle Virginie Danion,

à Mauron (Morbihan).


Nr.0834

An P. de Cuers

Paris, 1 Juillet 1859.

Bien cher Père,

Me voici donc à Paris depuis samedi, heureux de revoir tous nos bons frères; je les ai trouvés bien. Mr Carrié va à l'ordinaire; ce qui l'avait fatigué, c'était le catéchisme tous les soirs à deux divisions et surtout à celle des plus étourdis qui l'époumonaient.

Aujourd'hui tout est rentré dans l'ordre, j'ai renvoyé les enfants au-dessous de douze ans, qui ne faisaient que nous embarrasser.

Nous avons fait l'exposition toute la semaine en l'honneur de la Fête-Dieu; nous avons bien prié pour vous, car je comprends quelle grande privation est celle de n'avoir pas l'exposition.

Le bon P. Champion à été admirable de dévouement.

Je vous envoie ci-inclus les reçus de l'argent que vous m'avez remis pour les divers fournisseurs.

La couronne de l'ostensoir est faite, je la trouve belle et de bon goût, elle est en argent doré avec des pierres choisies, son prix est de 170 fr.; elle se fixe dans la croix même de l'ostensoir; il n'y aura par conséquent rien à ajouter ni à souder.

Il n'est encore arrivé personne; à cela je m'applique sans cesse ces paroles de N. S.: nisi granum frumenti mortuum fuerit, ipsum solum manet; quand est-ce donc que ce vieil homme sera entièrement mort, afin que le règne de Notre-Seigneur commence!

Quand vous enverrez quelque paquet à Paris, mettez-y le voile du calice de l'ornement rouge. Mr Hubert le refera, il s'est trompé en le faisant trop petit.

Ayez la bonté de m'envoyer les notes d'examen de Mr Laurent, que je vous ai laissées; envoyez-les moi par la poste, afin que je les communique au P. Champion, ainsi que votre avis.

Je n'ai pu faire encore la commission des moules à plisser les surplis, à cause de l'adoration qui me retient à la maison.

Mr Carrié ira aujourd'hui au Ministère pour votre mandat. Nous n'avons plus rien. Que Dieu en soit béni et remercié!

Ayez soin de faire quelque chose pour votre pauvre santé, cher Père, afin de pouvoir travailler au service du Bon Maître; faites en charité pour vous, ce que votre charité vous ferait faire aux autres.

Croyez-moi toujours en N. S.,

Bien cher Père,

Tout à vous.

EYMARD.

P. S. On vous envoie ce soir du Ministère votre mandat; vous le recevrez demain.

Mr Picard a été et est des plus peiné de sa mésaventure, il dit que la faute est aux mouleurs; il enverra le tout par la petite vitesse. Toute la maison vous embrasse in Christo. Je vous donnerai dans une prochaine lettre la note des petits comptes de ce que l'on vous a envoyé.


Nr.0835

An Frau Galle

Paris 1 juillet 1859

Bonne Dame Galle,

Excusez-moi d'être passé près de vous sans m'arrêter. On m'avait écrit qu'un de nos religieux était malade, de vite arriver, et je suis parti de suite après l'Exposition de Marseille - heureusement qu'il n'y a rien de grave, ce n'était que de la fatigue.

Je me faisais une joie d'aller vous revoir, de prier dans votre pieuse et vénérée chapelle, de pouvoir causer tranquillement avec vous et avec Paul; mais le Bon Maître a voulu de moi ce sacrifice; une autre fois je pourrai, je l'espère, m'en dédommager.

Voilà la vie, pauvre et chère Dame, - on se salue, on se dit adieu en passant, on souffre, puis on s'en va vers le rivage éternel. Pauvre vie! si le Ciel n'en était pas la fin! mais belle et précieuse, puisqu'elle nous mérite le Ciel!

Ayez bien confiance et patience en vos croix et vos peines, bonne Dame. Voyez la main divine qui vous les envoie et vous aide à les porter - mangez souvent le pain des forts; car vous en avez besoin - et la Ste Communion remplacera tout.

Mes amitiés à ce brave Paul, mes souvenirs à Mademoiselle, à la nourrice, à toute votre maison, et croyez-moi toujours en N.S.

Tout à vous.

Eymard S.S.S.


Nr.0836

An Fräul. Fanny Matagrin

Paris, 4 Juillet 1859.

Mademoiselle et chère soeur en N.-S.,

Votre bonne lettre m'a trouvé à Paris, où je suis de retour de Marseille depuis quelques jours. Je ne me suis pas arrêté à Lyon, parce qu'un de nos religieux était fatigué à Paris, et que l'on m'y attendait avec anxiété. Sachant d'un autre côté que madame Tholin était aux eaux, le moment n'était pas propice pour la retraite qu'elle désirait.

En automne je dois retourner à Marseille, dans cette nouvelle fondation, et si Dieu le veut, nous pourrons alors voir s'il y a quelque chose à faire à Tarare et à Amplepuis pour la gloire de notre bon Maître.

Je serai aussi bien heureux, bonne demoiselle, de vous voir et aussi de vous remercier encore pour ce que vous avez fait pour notre chapelle. C'est un bon souvenir qui me fait vous présenter souvent au bon Maître, quand je célèbre.

Si Paris n'était pas si loin, je vous dirais: Venez donc nous voir ici, et y faire une petite retraite, aux pieds de Notre-Seigneur. On y est si bien! mieux que sur le Thabor.

J'ai été heureux de voir Madame votre belle-soeur. J'espérais un peu la revoir; mais ce Paris est si grand que souvent le temps manque. Veuillez lui faire agréer, à cette bonne dame, tous mes sentiments religieux. Pour vous, bonne demoiselle, vous êtes donc souffrante, puisque vous êtes à Uriage. Soignez-vous-y bien, c'est nécessaire.

Vous avez une chapelle où Notre-Seigneur réside. Visitez-le souvent avec ce bon coeur qu'il vous a donné, et donné pour lui. Mettez bien votre vertu en son saint amour, et vos mérites en son infinie miséricorde, et vous serez très riche et très parfaite.

Je vous bénis bien, bonne fille, en la divine charité de Jésus, et vous suis tout uni et tout dévoué à l'éternité.

EYMARD.

Mademoiselle Matagrin,

hôtel des Bains, Uriage (Isère).


Nr.0837

An Frau v. Grandville

Paris, 4 Juillet 1859.

Me voici, chère fille, à Paris depuis quelques jours. Je ne sais si je dois me réjouir de mon voyage et de ma retraite eucharistique de Marseille. On dit qu'elle a fait un peu de bien; mais elle m'en a fait encore plus à moi en voyant l'excellence d'une vocation dont je suis si indigne et le besoin des âmes de Notre-Seigneur vérité et amour.

Que ferons-nous de bon si nous ne portons pas les âmes vers leur centre divin, vers leur vie? Vous, bonne fille, qui avez le bonheur d'être la servante du Dieu de l'Eucharistie, estimez bien votre grâce et rendez-vous digne d'un si noble Maître, et pour cela soyez une servante d'amour qui est assez récompensée de servir un si bon Maître.

Soyez apôtre de la divine Eucharistie, comme la flamme qui ,claire et réchauffe, comme l'ange de son coeur qui va l'annoncer à ceux qui l'ignorent et encourager ceux qui l'aiment et souffrent.

Je suis aise que vous soyez près de votre belle-soeur. Soyez-y toute bonne, compatissante, avec ce coeur que Notre-Seigneur vous a donné; soyez large et grande avec elle. Donnez à la nature ses droits, élevez-les jusqu'à la vertu et à l'amour divin. Laissez-vous croire une sainte et une âme toute à Dieu, ce sera une leçon. Emparez-vous de toute la confiance de ce coeur si plein de tristesse et de vertu: c'est le grand moment de Dieu que le moment de la douleur, mais il faut y voir Dieu.

Prenez avec obéissance ce bain de mer, saint Jérôme vous le dirait à ma place, et méprisez ces vents et ces nuages qui voudraient vous troubler. Soignez-vous mieux, je suis d'avis que vous fassiez gras en prenant les bains de mer: on dit que c'est le complément; cependant je ne prescris rien.

Assurément j'irais à Nantes avec joie si Dieu le voulait, je ferais là une visite à ma vieille fille en Notre-Seigneur.

Croyez-moi toujours

Tout vôtre.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0838

An P. de Cuers

Paris, 5 Juillet 1859.

Bien cher Père,

Ce n'est qu'hier au soir que j'ai pu avoir la note de Mr Hubert, vous la trouverez ci-incluse.

J'ai vu Picard hier; tout sera prêt pour la fin de la semaine; il doit me prévenir avant d'envoyer la caisse, afin que je voie tout.

Oui bien volontiers je vous accorde la prolongation de la condition de votre voeu de pauvreté, jusqu'à ce que vous soyez en mesure.

Je plains bien ce pauvre abbé Laurent, il y avait en lui du bon; mais hélas! comment ne comprenait-il pas qu'une telle conduite ne serait pas admissible?

Rien de nouveau pour le moment actuel, sinon quelques lettres qui demandent des renseignements.

Pensez à bien dormir, cher Père, afin d'être bon ouvrier. Est-ce que le voisinage de la mer devient inabordable?

On sonne. Tout et toujours à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0839

An Fräul. Stéphanie Gourd

Paris, 6 Juillet 1859.

Mlle Stéphanie,

Vous avez bien fait de ne pas attendre votre perfection, bonne fille, pour m'écrire; vous avez bonne intention, vous avez commencé et fait déjà de bonne réformes. C'est bien, seulement ne faites pas tout à la fois; fixez-vous un temps raisonnable et en rapport avec vos autres devoirs spirituels et intérieurs.

C'est plus parfait de faire tous les jours un peu que de se tuer pour vite se débarrasser; puis, mettez de l'ordre, par le détail et le particulier.

Voyez, bonne fille, ce que c'est qu'une vieille conscience embrouillée où l'on n'ose plus entrer, parce que tout y est en désordre; voilà la grande raison du retard des conversions.

Il faut bien savoir qu'il n'y a rien de plus pénible pour le corps que ce travail d'arrangement; aussi, je vous en prie, soyez discrète et prudente en cette occupation et faites-la avec calme et à l'heure, et non à prix fait.

Je comprends bien votre chagrin, bonne fille, si la sainte Réserve vous était enlevée.

1· Si Monseigneur l'Evêque la laisse, ce n'est pas à Mr le Curé ni à aucun Prêtre à retirer cette permission. L'Evêque doit savoir ce qu'il a à faire et connaître ses droits.

2· Le saint Concile de Trente laisse aux annexes la faveur de la Réserve, si l'Ordinaire le juge bon. Une annexe, c'est une église ou chapelle publique éloignée de l'église paroissiale où l'on célèbre assez souvent pour le bien des paroissiens et d'où l'on prend le saint Viatique pour les paroisses.

Or, Mr le Curé pourrait bien considérer ainsi votre chapelle.

3· S'il y avait trop de difficultés, nous nous adresserions à Rome. En attendant, bonne fille, dites bien à Notre-Seigneur la prière des disciples d'Emmaüs: "Demeurez avec nous, Seigneur, car il se fait tard!"

Aimez bien ce bon Maître; soyez toute à Lui. Vivez de son amour et vous serez une bonne Servante du Très Saint Sacrement.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.


Nr.0840

An Frau Gourd

Paris, 6 Juillet 1859.

Merci, bonne fille, de votre bonne lettre; j'aurais bien désiré assurément vous voir à mon passage à Lyon, ou au moins plus de temps. Vous avez préféré faire ce sacrifice pour les autres; Dieu vous le rendra. J'ai vu votre bonne mère, je suis toujours bien édifié de cette bonne âme que Dieu tient ainsi sur la Croix de son amour. J'aime cette belle âme, je vois que Notre-Seigneur l'aime beaucoup et lui départ ses grâces avec prodigalité; mais elle souffre, Dieu ne voulant pas qu'elle jouisse de la douceur de la Croix, ni de la paix de la vertu. Il faut que cette bonne mère trouve le mérite de toute une vie dans chacune de ses actions, et par conséquent qu'elle soit à côté de Jésus crucifié.

Restez avec votre bonne mère, quand vous serez libre de votre personne et de votre séjour; elle doit bien avoir besoin de vous, car personne ne la comprend mieux que vous. Aussi, suis-je d'avis que vous laissiez un peu vos affaires à mettre en ordre pour partager votre temps entre Lyon et Romanèche. Cependant, ma bonne fille, si vous pouviez vous faire aider et consacrer quelques heures par jour à ordonner un peu votre maison et vos affaires, au moins les choses apparentes, vous feriez bien, je le crois; vous voudriez tout faire, et toute seule, et cela est un peu au-dessus de vos forces.

Ne vous tourmenter pas trop de ce laisser-aller un peu trop grand de votre intérieur; il semble que Dieu, vous laissant un peu souffrante et toujours prise et reprise, vous laisse un peu l'humiliation de votre administration intérieure. Quand vous serez mieux et plus libre et aurez des serviteurs plus soigneux et dévoués, vous mettrez la main à cette réforme; mais ne faites pas tout à la fois, et surtout point de préoccupation.

Puisque Mr le Curé vous fait l'avance, retournez vous confesser à lui, cela convient; puis, faites cela pour un plus grand bien. Vous avez bien répondu à la question de la démission; qu'ils s'arrangent entre eux.

Continuez, bonne fille, vos Communions malgré votre pauvreté et vos misères spirituelles; vous êtes si faible et si pauvre que vous avez un besoin immense de Notre-Seigneur, afin que sa présence rétablisse et refortifie toute chose en vous; allez-y comme la pauvre de sa bonté et la fille de sa miséricorde.

Merci, bonne fille, de vos voeux de la Saint-Pierre; oui, oui, la gloire de Jésus au Très Saint Sacrement, c'est tout ce que je désire, tout ce que j'ambitionne; mais combien j'ai besoin de mieux faire aussi! car je me reproche bien tout ce que vous me reprochez, et je sens que je suis bien en retard. Priez pour moi.

Ayez toujours confiance pour votre cher malade, nous avions arrangé une marche et une ligne de conduite avec votre bonne mère; car il me semble que s'il faut être excessivement bon dans les choses raisonnables, il faut être ferme dans celles qui ne le sont pas, et devenir maître et imposer nettement sa volonté, autrement le mal moral grandira.

Mes tendres et respectueux hommages à votre bonne mère; vous savez que je suis, en N.-S.,

Tout vôtre.

EYMARD.

Madame Gourd.


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