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Nr.1721

An Marg. Guillot

Bruxelles, rue des 12 Apôtres, 2 bis, 11 Février 1866.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Je pense bien que vous avez reçu ma lettre de remerciement de vos 300 francs: c'était une vraie Providence. Quand ils sont arrivés, je m'en allais par les rues de Bruxelles avec un à-compte pour payer nos dettes, lorsque j'ouvre votre lettre. Jugez de mon regard vers le Ciel et vers Angers! Que Dieu est bon!

Nous allons bien, quoique absorbés et pris comme jamais, car n'étant que cinq nous avons un service toutes les quatre heures; mais quand on a le coeur content, rien ne coûte pour Dieu.

Le Père Champion m'écrit que Monseigneur l'a bien reçu, qu'il va vous faire des conférences, que votre maison va bien, que tout est bien; je suis heureux, je n'en doutais pas.

Je trouve que ce serait bien que le Père Audibert fût votre confesseur extraordinaire; je dirai même que c'est désirable. Cela l'attachera à votre maison: je vais en écrire au Père Champion.

Oui, le Père Champion Supérieur comme vous le dites.

Voici le Carême, soyez large pour les faibles, et je veux que vous ne jeûniez pas vous-même.

Je suis effrayé de cet argent de Nemours! Qu'est-ce donc qu'on a à payer? Quoi! douze mille francs à Nemours! Que Dieu en soit béni! Mais c'est une fameuse leçon!

Il faut absolument vendre ce moulin. Mlle Sterlingue n'a plus rien à y voir, hélas! Cependant il faut avoir pitié d'elle, car elle est bien malheureuse, puis elle a été bien intentionnée et voulait être généreuse.

Je vous bénis, vous et toutes vos soeurs.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

Voici le conseil: Sr Virginie, Sr Marie, Sr Claudine.

J'en écris au Père Champion; mais dites-le aux soeurs en leur lisant ce billet.

L'affranchissement ne coûte que 30 centimes.


Nr.1722

An P. Chanuet

Bruxelles, rue des XII Apôtres, 2 bis, 11 Février 1866.

Bien cher Père,

Je vous envoie la lettre du frère Alfred; je ne sais pas son adresse, je pense que, si vous ne l'avez pas, Mr Guillemain, rue Vaugirard 65, à l'angle de la rue Bonaparte à droite, vous la donnera.

Tout va bien ici; mais nous aurions bientôt besoin d'un sixième; je vois beaucoup de difficultés à faire venir maintenant le Père Billon: on ne peut laisser la maison de Paris; il n'y aurait que le frère Henri, maintenant qu'il est guéri; qu'en pensez-vous? Nous pouvons attendre encore un peu: rien ne coûte, surtout au commencement. On commence à bien venir à la chapelle.

Envoyez-moi au moins 100 fr, car je n'ai pas de quoi payer les droits d'entrée du vin et le port, je n'ose dire notre pauvreté ici; cependant il faut dire que le Bon Maître a eu bien soin de nous: nous aurons jusqu'à la fin du mois pour payer les comptes.

Voici le Carême! Suivez la petite tradition du matin, mais ni trop ni trop peu, plutôt moins que plus, afin de n'avoir qu'un soulagement.

Croyez-moi, cher et bien-aimé Père,

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.


Nr.1723

An P. Champion

Bruxelles, 13 Février 1866, rue des 12 Apôtres 2bis.

Bien cher Père,

Je suis content de vous savoir à Angers; il y avait si longtemps que je vous avais promis à Mgr l'Evêque. J'étais sûr qu'il vous recevrait bien.

Restez-y le temps nécessaire pour bien régler et organiser toutes choses avec Sa Grandeur et la Mère. Dieu vous a donné avec la science un esprit conciliant et large, je l'en bénis; formez-les au choeur et à la vie religieuse, comme vous l'avez fait avec bénédiction à Nemours. Encouragez-les bien ces bonnes filles, elles ont été bien privées. Il faudrait voir s'il ne serait pas mieux que le Père Audibert fût leur confesseur ordinaire, et Mr Crépon leur confesseur extraordinaire, car la confession de tous les huit jours est de règle ordinaire.

Mgr a dû lire la troisième partie des Constitutions des Soeurs et y faire ses observations.

La Mère m'en fait part, voici ma réponse:

Pag. 1. - La pensée de Mgr de faire faire la visite des Maisons par la Supérieure générale ou par une soeur déléguée vaut mieux que par le Supérieur ecclésiastique, qui n'a pas de mission pour un diocèse étranger.

Pag. 2. - 2· Le Chapitre doit avoir trois Conseillères au lieu de deux.

Pag. 3. - Pour les emprunts au-dessus de 300 fr., besoin du Conseil.

N·. 2. - Douze Capitulaires.

La supérieure a le droit de récuser une capitulaire.

Secret absolu par les Capitulaires pour les délibérations.

Retranchez l'élection des deux Conseillères qui doivent demeurer dans la Maison-Mère pour corriger les abus, etc.....

Ne pas donner à toutes les Maisons les Copies des délibérations du Chapitre.

Je trouve, cher Père, toutes ces notes de Mgr l'Evêque bien justes et bien sages: il faut donc les recevoir avec respect et reconnaissance.

Pour la nomination à vie de la supérieure, Monseigneur est d'un avis contraire.

Je sais qu'à Rome, on tend à rendre le 1er Supérieur à vie, à cause non seulement de l'unité et de la fixité de marche, mais aussi pour éviter toutes ces commotions d'élection. C'est Dieu qui se charge alors d'ôter une Supérieure.

Sur cette question, faites mes observations et les vôtres. Si Monseigneur y tient absolument, il faut regarder cela comme venant de Dieu; avec le mode que Sa Grandeur propose, on peut être élue deux fois de suite, et une troisième avec le consentement de l'Evêque, ce qui fait dix-huit ans; je comprends qu'avec cela, c'est bien à vie, mais enfin j'aurais bien aimé que cela fût comme chez nous.

Au lieu d'un mois à la Maison-Mère pour les voeux perpétuels, Monseigneur veut six mois.

Il faut la clôture; ce chapitre manque, il faudrait bien le faire.

Agissez, bon Père, de concert avec Sa grandeur et la Mère; coupez, tranchez, je vous donne tout ce que je puis vous donner de permissions. Puisqu'il faut six Conseillères d'après Monseigneur, le choix est tout fait, il y a six professes perpétuelles.

Nommez-les de suite, afin que le Conseil soit formé et que Monseigneur l'approuve.

Si Monseigneur tient au nombre de douze, prenez à Nemours les Soeurs professes qui manquent à Angers; elles seront nommées de droit en cas de besoin.

Ad Alia:

J'ai vu deux magnifiques confessionnaux ici, gothiques, en bois chêne à 600 fr., donc l'ouvrier de Paris, qui a reçu 680 fr. est payé et au delà; nous en a-t-il coûté cet homme-là!

J'ai écrit à Mr Saunier de Nemours, avant de partir pour Bruxelles, pour la vente du moulin; il faudrait que soeur Benoîte le fit venir à la Maison pour presser. Je vais écrire à Paris, pour l'acte de vente chez Mr Meignen, afin qu'on l'envoie à Nemours. Le Père Chanuet m'écrit que l'on a envoyé 14.000 fr. à Nemours. Je pense qu'il fait erreur, ce bon Père, que c'est 1400 fr., car est-ce donc que l'on aurait une pareille somme à payer? Ah! chère Maison; elle sera bonne devant Dieu, car elle est bien chère devant les hommes.

Tout marche ici; nous sommes absorbés par le service de l'adoration, de sept [du matin] à neuf du soir. Ces Dames sont admirables de dévouement pour l'église et du désir de nous obliger, mais je suis délicat sur ce point; nous avions bien mal jugé Melle de Meeûs, elle est excellente. Ecrivez-moi encore une fois d'Angers. Tâchez d'aller voir Mme d'Andigné.

Allons, bon Père, Dieu vous rendra le bien que vous faites à ces bonnes Soeurs, elles valent mieux que nous; je vous écrirai dans peu, pour la maison de nos Pères.

Tout vôtre.

(affranchir par 30 centimes)

EYMARD.


Nr.1724

An die Schwestern Virginie, Marie u. Claudine

Bruxelles, 15 Février 1866.

Comme Sr Benoîte a été envoyée à Nemours et le Conseil de la maison-mère manque d'un membre, Sr Claudine sera la troisième conseillère. Ainsi, le Conseil sera pour le moment composé de quatre membres, y compris la Révérende Mère. Que chaque conseillère, dans le Conseil, ne voie que la gloire de Dieu et le bien de la petite Congrégation, et non le bien particulier au détriment du bien commun. Mais aussi, que l'on sache unir la patience à la force, la douceur à la sévérité, la charité à la vérité.

Les décisions des vocations sont toujours graves, aussi faut-il les prendre devant Dieu, avec Dieu et pour Dieu.

Je vous bénis de tout mon coeur, chères Soeurs, et suis en notre bon Maître.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.1725

An Marg. Guillot

Bruxelles, 16 Février 1866.

Chère fille en Notre-Seigneur,

J'ai écrit au Père Champion de rester tout le temps nécessaire à votre formation; il restera donc à Angers. Il doit y attendre une de mes lettres. Je lui ai demandé pourquoi ces douze ou quatorze mille francs, car c'est le chiffre de quatorze mille que me marque la Père Chanuet. Je veux voir les comptes de Nemours avant qu'on paye; ce n'est pas possible que l'on doive tout cela. Nous ici, avec quinze cents à deux mille francs, nous meublons notre maison. Il est vrai que Nemours a le culte, les frais premiers des vases sacrés, etc, mais quatorze mille francs! Outre le reste donné! Enfin c'est la faute de Mlle Sterlingue, et la nôtre aussi de lui avoir laissé carte blanche. Elle avait l'air de dire que c'était elle, et nous de la laisser faire, aujourd'hui on le paye.

J'aime votre marche; oui, chère fille, que personne (excepté Dieu et moi) ne sache le fond de votre peine, de vos pensées sur les contrariétés. Tenez-vous là-dessus bien forte, reprochez-vous toute échappée, et punissez-vous en bien; mon secret de supérieure est à Dieu et à moi: voilà votre loi.

Prenez le bien de chacun, servez-vous en pour le bien de l'Oeuvre du Bon Dieu; quant aux défauts, aux coups d'épingles, au crucifiement personnel, tout cela est le fumier de l'arbre; servez-vous de tout, mais seulement pour le service du Maître.

C'est ce qui me console: Notre-Seigneur est adoré, il reste sur son trône de grâce et honore son Père, il sauve les âmes. Qu'importe à la porte le bourdonnement des cousins qui piquent, des vents qui sifflent, des mouches qui ennuient! Tout cela laisse tranquille l'adoration.

Oui, écrivez dans ce sens que vous me dites, répondez au bien, dirigez ce qui vous paraît redressable. Quant à ce qui vous est personnel, en examen, en critique, en condamnation, répondez, non en supérieure, mais en servante du Seigneur: je tâcherai d'en faire mon profit; ou: j'examinerai devant Dieu ce qu'il y a de mieux ou: je prendrai conseil; ou enfin: merci de votre charité.

Soyez tranquille sur l'avenir de votre petite Société, elle sera grande et sainte; seulement, il faut que chacune de vos filles vous fasse mourir deux fois pour sa vocation et sa persévérance. C'est par la mort qu'on achète la vie divine.

Comme aussi Dieu bénit les supérieurs et veut et aime l'ordre, tout ce que l'on peut penser dire ou faire contre Angers est comme l'oeuvre d'une personne. Je ne suis pas pour cette pensée. Je veux l'union et la subordination.

Laissez faire Dieu; vous savez qu'il m'a toujours béni au-delà de mes désirs, malgré ma si grande indignité et misère; mais je crois que soeur Phil. n'est pas par elle-même aussi tenace, et si elle l'est, tout cela ne peut aller haut, ni loin, non, non. Je crains plutôt qu'elle soit trop confidente mais que faire? Rien... (quatre lignes effacées)...

J'ai cru remarquer dans mon dernier voyage à Nemours... (deux lignes effacées)... Je crains que cela ne les trouble; cependant on ne m'en a pas fait de reproches.

Soutenez toujours l'autorité; c'est la première loi du bon gouvernement; excusez devant vos soeurs la fragilité humaine, la bonne intention. Ayez, bonne fille, votre tête toujours au-dessus des tempêtes, et que les éclairs et les tonnerres n'éclatent qu'à vos pieds.

Voilà une grande lettre; examinez le chapitre de clôture que j'ai envoyé au Père Champion, et tranchez et ajoutez ce qu'il serait convenable.

Je vous bénis.

Tout à vous.

EYMARD.

(N'affranchissez que par 30 centimes les lettres de 10 grammes).


Nr.1726

An Sr. Guyot

Bruxelles, 16 Février 1866.

Chère Mère et fille en N.-S.,

Merci de votre bonne lettre. Je pensais aussi à vous donner de nos nouvelles, car, certes, vous êtes toujours la première adoratrice.

Je suis, je ne dis pas absorbé, mais lié; heureusement, c'est au trône de Notre-Seigneur, car, n'étant que cinq, nous faisons tout le service du bon Maître; aussi à peine avons-nous le temps de prendre l'air, et pour moi je ne l'ai pas; mais nos Religieux sont heureux, dévoués, pieux, ils font du travail pour douze. Ils ont la première grâce de fondation. - Nous commençons l'exposition à 7 heures du matin à 9 heures du soir, avec cinq à six messes.

On commence à venir à notre adoration; mais n'ayant le temps de voir personne ni de confesser, je me garde et laisse la place pour mon successeur. Il est bien inutile que je fasse de nouvelles connaissances. J'en ai assez, trop même, de celles du moins qui n'ont que des rapports de terre et de nature.

Je vais bien. Pensez que nous buvons de la bière amère comme le buis, - sans jardin, sans petits adoucissements, car la pauvreté est l'âme de toute vraie fondation du Ciel. A tout ce que me demande mon frère François, toujours demandant, je dis: Je n'ai rien! Puis le Bon Dieu arrange tout. Je ne fais pas de miracles, mais le Bon Dieu en fait.

J'en viens à vous.

Oui, les deux pénitences, mais pas celle de la nuit, excepté le vendredi, si vous n'êtes pas fatiguée plus qu'à l'ordinaire.

Oui, passez bien le saint temps de Carême pour mourir et puis ressusciter. - Voici trois maximes pour cela:

Rien pour moi dans mes rapports d'autrui.

Rien par moi dans ma vie religieuse.

Rien en moi dans mon oraison et mon action de grâces.

Ne vous recherchez pas dans votre service de Dieu. Contentez le bon Maître, soyez heureuse de le voir aimé et servi de vos filles, et vous, faites la portière heureuse d'introduire de bonnes et aimables visites vers son bon Maître.

Là-dessus je vous quitte. Je ne sais encore quand je m'en irai d'ici. Si je me consultais, ce serait ce soir; mais il faut tout planter avant, puis le bon Maître me dira à l'heure de son Coeur, l'heure du départ. Aussi, je dors tranquille à ses pieds.

Je vous bénis et toutes vos soeurs et vos filles.

EYMARD.

Excusez-moi si je n'affranchis pas, je ne le puis en ce moment.


Nr.1727

An P. Chanuet

Bruxelles, 16 Février 1866.

Bien cher Père,

Merci des 200fr.; seulement il m'est bien triste au coeur de voir que vous avez pris sur votre nécessaire, et dès que je vais avoir quelque chose, je vais vous l'envoyer. Mais le Bon Maître que nous servons ne laissera pas ses serviteurs; il est vrai que nous le servons si pauvrement!

Je vous remercie de la cire et de ce qui l'accompagne, la caisse d'horloge: nous sommes un peu déroutés, n'ayant pas d'horloge, l'âme du service eucharistique.

Vous avez dû recevoir pour Corméry par le frère Alfred ma lettre, il sera content. Nos frères sont admirables de dévouements! Je reconnais là de vrais et bons novices: quand le frère François prend sa migraine, nous voilà tous cuisiniers et moi en tête; puis le service par quatre se fait joyeusement. Nous faisons tous ici comme si nous étions vingt, chaque frère sert deux messes, et ce que j'admire et bénis, pas un mot, pas un signe qu'on est trop chargé: voilà de vrais adorateurs d'amour!

Nous ne voyons personne, parce que nous sommes presque toujours avec le Bon Maître, sans jardin, sans vin, sans feu, sans confitures. Et bien! Nous sommes plus heureux que vous tous: Notre-Seigneur double la ration de grâce.

Adieu, bon et cher Père, plus je vais, plus je vois combien le Bon Dieu nous a aimés de nous appeler à une si sainte, si belle, si glorieuse vocation.

En notre Bon Maître,

Tout à vous tous.

EYMARD, Sup.

P. S. Examinez aussi combien d'heures brûlent vos cierges de 6, car il y a une réforme à faire.

P. S. Faites faire gras au frère Eugène les jours permis: il en a besoin et nécessité.

Lisez la lettre à Mr Davon et l'envoyez.


Nr.1728

An Gräfin v. Andigné

Bruxelles, 17 Février 1866, rue des Douze-Apôtres, 2bis.

L'affranchissement n'est que de 30 c.

Madame en N.-S.,

Je reçois votre lettre, je viens vite y répondre. Je ne l'ai pas fait à votre première, j'attendais un peu la seconde qui m'assurât de votre retour à l'Isle.

Commençons de suite par le Carême. Pas de jeûne..... Si vous pouvez faire maigre les trois jours prescrits, vous ferez bien; mais, si vous êtes fatiguée, vous ferez gras. Bien entendu que vous ferez gras aux deux repas. - Mais, où sera ma pénitence? - Dans la peine de ne pouvoir faire comme tout le monde; et puis dans votre état souffrant, et enfin dans l'obéissance.

Que voulez-vous, bonne dame! Il est des pauvres que Dieu nourrit sans rien faire, à qui il donne le Ciel, pour qu'ils lui disent toujours grand merci, qui vont au Ciel par l'apparence des jouissances et qui souffrent de tout et par tous, - qui ne font rien de bon, ni de valant, mais leur coeur est à Dieu, leur volonté est soumise, ils aiment par la force de l'amour et non par sa douceur et ses élans, - belles âmes qui font leur purgatoire, qui sont agréables au Bon Dieu, qui vont toujours à lui par tous les temps et en tous les lieux. Soyez toujours ainsi.

Je vous assure que le bon Maître aime cet état.

Jouissez de Dieu, mais jamais des créatures. D'ailleurs, le Bon Dieu ne le veut pas, ni vous non plus. Eh bien! quand un rayon arrive, on le reçoit avec plaisir; quand il s'en va, il faut alors attendre le soleil, savoir qu'il est derrière le nuage. D'ailleurs, Dieu m'aime, quoi de plus beau, de plus remplissant!

Je prie bien pour votre quête. Je vais écrire à Madame votre soeur; j'irai après lui faire une visite, si vous pensez que ce soit bien.

Ici, notre fondation va, marche, nous absorbe. Je ne fais pas attention aux petits ou gros vents qui sifflent, aux critiques, aux étonnements. Notre-Seigneur est sur son beau trône, c'est pour lui que nous sommes venus, nous l'avons quatorze heures exposé pour cinq adorateurs.

Voyez quelle richesse! quelles bonnes audiences! Mon âme se refait un peu sous ce beau et bon Soleil! Je ne vois pour ainsi dire personne, ni [ai] envie de voir. Soyez sûre que je vous présente, que je vous donne, que je vous redis sans cesse à notre bon Sauveur et Roi.

Ecrivez un peu plus souvent; vous êtes libre, et vos lettres me seront une consolation.

Je vous bénis bien en N.-S.

EYMARD.


Nr.1729

An Frau Eulalie Tenaillon

Bruxelles, 17 Février 1866, rue des Douze-Apôtres, 2bis.

MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,

Que Notre-Seigneur garde et remplisse toujours votre âme et votre vie!

J'ai lu votre lettre si filiale! j'aurais désiré y répondre de suite, mais le temps et le service m'ont lié.

Je vous remercie bien de vos bonnes prières; elles me sont chères, puisque vous avez tant de charité pour moi qui n'ai pas encore le droit de les avoir à ce point, ayant fait si peu pour votre âme.

Je serais bien content si je pouvais lui faire beaucoup de bien, puisqu'elle va à Dieu si droit et si ferme et qu'elle désire tant l'aimer et le servir de tout son coeur. Vous faites bien, bonne dame, d'aller ainsi vers Dieu; pour moi, je ne dis rien, car le pauvre portier du bon Maître est tout confus d'être ainsi l'objet de tant de reconnaissance pour ouvrir la porte de Jésus et introduire près de Lui l'âme qui lui est bien chère.

Vous aimez bien mon patron saint Pierre; vous voulez donner au Très Saint Sacrement l'aîné de vos fils: que Dieu vous exauce, et moi aussi, car il me paraît être votre écho, votre vous-même.

Je ne vous conseillerais pas d'écrire à vos parents avant d'avoir conduit votre fils à Montmorillon, parce que, votre détermination étant prise, mieux vaudrait-il peut-être ne le faire qu'après, pour n'avoir ni réflexions, ni difficultés, car le démon contrarie toujours les bons desseins; cependant votre connaissance de la famille verra mieux ce qui convient: je ne juge ici qu'au point de vue de la prudence.

Vous aimez votre solitude, vous faites bien. C'est bien la solitude du monde, mais l'heureuse habitation avec Dieu et ses saints. En si bonne compagnie on se trouve bien; aussi l'Imitation a dit avec raison que la solitude gardée avec soin est douce, parce que Jésus la partage avec nous.

Oui, bonne fille, le Bon Dieu vous a bien aimée; votre vie est un tissu de grâces et de miséricordes. Mais vous devez lui dire: "Mon bon Maître, si vous m'avez tant aimée quand je ne vous aimais pas, maintenant que je vous aime et que je voudrais avoir un coeur parfait pour vous aimer davantage, comment devez-vous donc m'aimer?"

Allez toujours ainsi par la reconnaissance et la joie du service du bon Maître; elles dilatent le coeur et disposent merveilleusement à la générosité.

Croyez-le bien, vos lettres sont lues avec la grâce qui vous a dirigée vers Notre-Seigneur; ainsi écrivez comme cela vient, raturez, effacez, mais ne refaites pas: j'aime la simplicité.

Je vous accompagnerai de prières et de bénédictions vers votre cher fils et y serai le 24 en esprit. - Je vous bénis.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.

P.-S. Je connais le frère du fr. Billon qui demeure avec ses parents à Paris. Il m'a paru bien, mais je ne le connais pas intimement: il m'a fait une bonne impression.

Madame T..., chez M. l'abbé T...,

au Séminaire de Montmorillon (Vienne).


Nr.1730

An P. Chanuet

Bruxelles, 17 Février 1866.

Bien cher Père,

J'ai ici quelques messes qui pressent, je vous prie de les acquitter à mon intention: j'en ai onze, je vous donnerai les 2 francs d'honoraire qui leur sont fixés; je vous serai donc redevable de 22 francs; veuillez les commencer de suite; nous sommes tous deux liés ici par les deux messes quotidiennes de fondation.

Rien de nouveau, sinon que notre liturgie romaine stricte fait jeter les hauts cris, même à des Jésuites; heureusement ils ne sont pas forts en raisons; on dit: c'est l'usage local; bel usage, qui est contre les décrets formels de la S. Congrégation des Rites. Mais la loi marche, nous laissons crier; la science, la raison, la vertu leur viendront après.

Oui gardez encore ce cher frère Henri, mieux vaut bien le guérir; ici nous suffisons pour le moment. J'espère sous peu pouvoir vous envoyer 100 francs pour vous aider, car je suis un peu triste de vous sentir sans rien.

Tenez-vous en aux dépenses strictes, et que tout ce qui n'est qu'utile soit suspendu: nous en ferons autant ici. Je pense que le frère Pierre travaille le jardin.

Adieu, bon Père; que Dieu vous soutienne, vous dirige et vous remplisse de la force de son amour.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD.


Nr.1731

An Frau v. Fraguier

Bruxelles, 18 Février 1866, rue des Douze-Apôtres, 22 bis.

Madame la Comtesse,

Je ne sais comment vous remercier d'avoir bien voulu épouser l'oeuvre de votre bonne soeur, Madame d'Andigné, en voulant bien vous charger de la quête du 27 février.

C'est une si belle oeuvre que celle de faire faire la Première Communion à 150 ouvriers par an et qui probablement ne la feraient jamais, puisqu'ils ont passé l'âge d'aller aux catéchismes des paroisses, [et] sont tous les jours dans les ateliers depuis 7 heures du matin jusqu'à 6 h. ½ du soir! Et de là, que de tristes sujets pour la société et que de mauvais chrétiens qui n'ont reçu que le Baptême! Puis ils se marient en impies et vivent de même! De là, quelles tristes familles! Mais une fois la Première Communion faite, il y a un point de départ pour le salut, une condition pour le mariage chrétien posée, un motif puissant du retour à Dieu. Une fois que Notre-Seigneur a pris possession, au moins une fois, d'un homme par la sainte Communion, il y laisse ineffaçables le souvenir et la trace de son passage: c'est un royaume conquis, où Jésus a régné au moins quelques jours.

Ah! malheureusement, on ne comprend pas assez cette oeuvre de salut, et même de société; on préfère donner du pain à des animaux humains, les vêtir, les nourrir. C'est bien, sans doute; mais prendre le corps et l'âme, en faire des chrétiens, c'est infiniment mieux. - A Paris, il y a beaucoup de personnes non baptisées; il ne se fait pas chez nous de première Communion que nous n'ayons quelque enfant à baptiser; c'est que Paris a de la Chine, de l'Océanie et de l'Afrique.

Oh! que je voudrais voir cette belle oeuvre de la Première Communion avoir quatre ou huit centres dans Paris: un aux Batignolles, un deuxième à Belleville, un troisième au faubourg Saint-Antoine, un quatrième à Grenelle, un cinquième à Vaugirard, un sixième au centre du faubourg Mouffetard, puis à la barrière de Fontainebleau, et enfin ici! De cette manière, nous ferions l'assaut de toutes ces forteresses du démon. - Il y a longtemps que je pense à cette belle mission. Nous louerions une chambre dans ces quartiers-là; puis je détacherais deux catéchistes du centre chaque soir.

Voilà, bonne dame, mon ambition. Nous avons commencé par une; priez pour que des ouvriers apostoliques nous arrivent. Quant à l'argent, Celui qui nous enverra sait bien qu'il faut habiller et secourir ces petits enfants de sa grâce. Puis, vous allez le faire pour ceux qui se préparent, bonne dame. Que Notre-Seigneur sera content de vous! C'est bien alors qu'il dira avec vérité et amour : Vous m'avez habillé dans mes communiants, vous m'avez donné le pain spirituel et un peu le pain matériel. Je dis le pain matériel, Madame, car quand ces pauvres petits ouvriers n'ont pas de travail, ils viennent vers vous qu'ils appellent leurs Pères.

Merci d'avance, bonne dame, je prierai pour vous et pour les personnes qui contribuent à cette belle et sainte oeuvre.

Je suis en N.-S., Madame la Comtesse,

Votre respectueux et dévoué serviteur.

EYMARD, Sup.


Nr.1732

An Marg. Guillot

Bruxelles, 24 Février 1866.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Laissez faire le Bon Dieu; il fait toujours pour le bien et le mieux. Ne voyez que le bien de l'Oeuvre dans vos démarches fondées sur la vérité, ou la raison des choses, ou le bien commun, et Dieu sera toujours pour vous.

N'examinez pas avant de parler, de proposer, d'agir, ce que les personnes penseront, diront et feront, mais regardez si vous êtes dans la loi du devoir, dans le bien commun ou particulier, et Dieu sera toujours avec vous.

Dieu est toujours pour l'ordre, pour la vérité, pour la justice.

Dieu tire toujours sa gloire des sacrifices personnels, de l'immolation de soi; confiez-lui, chère fille, votre réputation, l'affection dont vous avez besoin pour faire le bien, l'humiliation, et les souffrances aussi; et le divin Pilote vous conduira au port par des voies de Providence.

Laissez dire, penser et faire contre vous personnellement tout ce qu'on voudra vous reprocher: vos échappées, vos anciennes faiblesses, vos défauts, votre susceptibilité, comme vous me le dites; soyez non humiliée, non confuse, non disposée à cinquante amendes honorables, mais remerciez Dieu de cette grâce: c'est une toile d'araignée qui a été brisée et ôtée, c'est une liberté, une grâce, une gloire de Dieu de plus. Gardez le silence, et s'il faut dire un mot pour n'avoir pas l'air de bouder, dites que vous tâcherez de faire votre profit de tout, que vous remerciez de la bonne intention.

Ayez confiance en la grâce de votre mission; mais jamais ne vous reposez sur vous.

Cherchez dans chacun sa grâce, pour agir par elle.

Conduisez-vous avec le prochain utile et même supérieur, non avec cette confiance d'enfant qui serait absurde, ni avec cet abandon total qui serait une imprudence souvent, mais avec cette raison de foi, avec ce motif de prudence, avec cette vue de la grâce du moment.

Voilà, chère fille, quelques petits moyens, mais le grand: c'est l'amour souverain, tendre et dévoué de Notre-Seigneur, en qui je vous bénis bien paternellement.

EYMARD.

A la T. honorée Mère Supérieure

des Servantes du T.S. Sacrement,

10bis rue de l'Hôpital.

Angers. (Maine et Loire).

France.


Nr.1733

An Sr. Marie=Frau Caroline de Boisgrollier

Bruxelles, 24 Février 1866.

CHERE FILLE EN N.-S.,

J'ai lu avec grande affection et grande attention vos réflexions: elles sont justes au fond, je vous en remercie; en temps opportun nous nous en servirons.

Quant à ce qu'a dit Mgr d'Angers, c'est vrai, vous êtes dans l'Eglise par lui, sous lui; le saint Concile de Trente lui donne ce droit et cette charge.

Par l'approbation de Mgr l'Evêque; vous êtes quasi canoniques. A Rome, on n'approuve jamais un corps religieux sans qu'il n'ait été auparavant approuvé et essayé sous la conduite des Evêques. - Ainsi, mes bonnes filles, vous devez être très heureuses d'avoir trouvé un Evêque si bon qui s'intéresse à vous, qui vous donne son expérience. Pour moi, je ne cesse d'en bénir Dieu.

Quant aux diversités d'opinions ou de vues, tout cela s'arrangera quand vous serez proposées à Rome. Je désire, ma chère soeur, que vous acceptiez la charge de conseillère. Vous êtes professe des premières, vous n'avez d'autre responsabilité que celle de votre vote; ainsi votre conscience n'en peut être troublée, faites-le donc pour l'amour de notre Congrégation.

Je bénis vos yeux, Pauvres yeux, c'est moi qui les fatigue! laissez alors mes notes.

Que Dieu vous bénisse comme je vous bénis de toute mon âme.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.

P.-S. Priez bien pour nous, tout va bien cependant. Je bénis Dieu de la nouvelle que j'apprends. Mgr l'Evêque veut que vous soyez assistante, Dieu en soit béni! Je veux que vous le soyez, puisque Dieu le veut; je n'aurais jamais osé vous demander ce sacrifice, mais le bon Maître le demande, acceptez confiante en sa grâce

A la très chère Soeur Marie,

Servante du T. S. Sacrement.


Nr.1734

An Fräul. Thomas

Bruxelles, 24 Février 1866.

CHERE FILLE EN N.-S.,

Je viens vous dire un petit bonjour, je voulais vous remercier de votre lettre plus tôt, je ne l'ai pu. Je suis bien content des bonnes nouvelles de Marie; oh! que vous avez été bonne et charitable pour elle! Dieu vous le rendra, des amis qu'on aime en Dieu et pour Dieu. Je prie bien pour vous, je sens tout le poids de votre vie, mais je remercie Dieu de sa vertu et de sa force en vous.

Je prie bien pour cette pauvre Marie. Que Dieu a été bon pour elle! Quelle peine pour vous et pour moi de penser à son avenir !

Que Dieu en soit béni!

Je vais à l'ordinaire, notre église va bien, nos frères contents. Notre-Seigneur y trouvera, je l'espère, sa grande gloire.

Je vous bénis bien en sa divine charité.

EYMARD.


Nr.1735

An P. Chanuet

Bruxelles, 24 Février 1866.

Bien cher Père,

Je viens d'abord aux demandes!

Je vais bien m'unir à vous pour bien faire le mois de Saint Joseph; mettez-y tout votre coeur: la chapelle à bâtir, la maison à exproprier, puis de bons novices, et enfin tous des saints adorateurs. Je demanderais à ce bon Saint un peu d'argent pour vous.

Faites le convenable pour la chapelle de la T. Ste Vierge: Hugon me doit encore, mieux vaut le faire s'acquitter par ce moyen.

Oui, et grand oui, commencez l'adoration perpétuelle avec le mois de Saint Joseph, ce grand et premier adorateur de Notre-Seigneur. Il faut se mettre en avance avec la bénédiction de Dieu! Le Père Céleste payera pour son divin Fils, et le Saint-Esprit refera sa Pentecôte eucharistique. Dieu aime les coups de vertu: sa grâce est là. Pour vos enfants, je ne dis encore rien, ne voyant pas le fil conducteur et le moyen pratique pour le moment. La divine Providence nous le dira plus tard.

4· Vous feriez bien de prêcher les dimanches du Carême, nous le faisons ici: il faut nourrir un peu les âmes de la divine Parole.

Bon Américain! Que Dieu le guérisse, et recevons-le, car il m'a paru un saint adorateur. Nous avons besoin de saints, mais il faut la guérison qui ne coûte rien à Dieu, il faut aussi réveiller sa foi au miracle.

Je méditais hier ceci de l'Imitation, ch. 24, liv. III: Domine, hoc opus est perfecti viri, nunquam ab intentione coelestium animum relaxare, et inter multas curas quasi sine cura transire; faites-en l'application et de ce qui suit le n·: c'est là vraiment l'âme libre en Dieu et prisonnière de Dieu, à tout et à rien, à tous et en Dieu seul; il faut rayonner vers le prochain, mais in sole posuit habitaculum suum.

Dieu vous aime bien, cher Père, il vous le dit tous les jours. Soyez bien à lui absque tui proprio.

Je vous suis tendrement uni en N.-S.

Et tout à vous.

EYMARD, p.

On n'a pas ici le volume du Bréviaire dont vous parlez au P. Viguier.

Je fais imprimer des feuilles du chemin de croix, qu'on les attende.

Au R. Père Chanuet, Maître des novices, 68 rue fg St Jacques, Paris.


Nr.1736

An P. de Cuers

Bruxelles, 24 Février 1866.

Bien cher Père,

Merci de vos 200 fr.; nous avons payé nos lits, je suis content. Paris m'a aussi envoyé 200 fr., nous voilà au courant; merci encore: on a beau faire de l'économie, quand on commence, on a besoin de tout; mais à présent, nous sommes dans notre courant ordinaire.

J'organise le culte Romain de toutes mes forces, le coup est fait; on a crié un peu, surtout le Père Jésuite; je lui ai dit, ainsi qu'à tous: "Nous sommes venus pour Notre-Seigneur, avec la loi liturgique de la Ste Eglise, et rien ne nous fera changer; nous observerons les prescriptions de l'Ordinaire, c'est liturgique".

L'église, un peu abandonnée, reprend de la vie, mais il y a eu tant à faire! et ces Dames d'à côté ont été pleines de dévouement pour tout ce qui regarde le culte. Pour ce qui nous regarde, nous avons été délicats et gardé notre liberté.

Le froid est venu depuis quelques jours; mais autrement, c'était la température modérée de Paris. Nos religieux vont bien joyeusement à leur service d'adoration, et il y a un bon esprit; c'est plus facile avec peu; j'en suis tout heureux, je vois que le noviciat a été pratique.

Ménagez-vous un peu, cher Père, en ce Carême; fatigué comme vous l'êtes, prenez l'adoucissement du café plusieurs fois par jour, puisqu'il vous aide à servir le Maître.

Croyez-moi toujours en Notre-Seigneur,

Tout à vous.

EYMARD.

(Affranchir par 30 cent. pour 10 grammes, la lettre du P. Leroyer a coûté 1. 50.)


Nr.1737

An P. Leroyer

Bruxelles, 24 Février 1866.

Au cher Père Leroyer.

Merci, cher Père, de vos feuilles; j'attends celle qui est promise; nous organisons la Semaine Eucharistique avec peine. Comme elle n'était qu'une oeuvre d'argent, il faut lui donner son vrai esprit comme à Marseille; cela viendra.

Je bénis Dieu d'être venu le premier ici, car il y a tant de difficultés à éviter, à ôter à prévoir, et puis tant de prudence et de moyens à prendre, que j'espère laisser la place prête et libre à celui que Dieu et la Sainte Obéissance enverront ici.

Vous faites du bien, un grand bien à Marseille, cher Père, vous devez en être heureux: bon religieux vous ne tenez qu'à faire le bien que son amour vous confie, et celui que vous faites à Marseille est plus grand et plus sérieux. Bon courage donc!

Croyez-moi en Notre-Seigneur.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.1738

An Frau Wwe. Maréchal

Bruxelles 1 (ou 7) mars 1866, rue des 12 Apôtres

Madame en N.S.,

Je vous écris encore tout souffrant - je ne sais ce que j'ai, si c'est la rougeole, mais je suis un peu sans courage depuis quelque temps. Je vais tout de même, malgré les boutons qui vont et viennent, - c'est que je me regarde un peu comme un soldat sur le champ de bataille.

J'ai bien du regret de vous avoir tant fait attendre ma lettre. C'est vous dire que je m'en corrigerai pour une autre fois.

Je trouve qu'on est trop sévère avec des défenses absolues, c'est à tuer deux fois - il y a un petit milieu à prendre - la flamme divine a besoin d'un peu d'activité. Je distinguerais entre les oeuvres, celles qui sont de nécessité d'état, de position, de charité, puis les oeuvres qui lient, qui vont toujours en étendant leur cercle et leurs exigences - pour celles-ci, je serais plus sévère et vous dirais: ne vous liez pas, n'en soyez pas la cheville ouvrière, mais si vous y êtes telle, retirez-vous de cette charge et protestez de votre santé [prétextez de votre santé].

Bien entendu que ni jeûne ni maigre ne peuvent être une loi pour votre santé - offrez-en la privation.

Mais, chère Dame, il n'y a pas de limites, pas de degrés dans l'amour de Dieu, le don de soi, l'abnégation personnelle. Il faut mourir chaque jour et vivre comme le soleil qui se lève toujours comme si c'était la première fois qu'il obéit à Dieu et suit sa ligne jusqu'à son coucher. Vivez beaucoup en la divine Eucharistie - Je vais vous faire la 1e faveur - je viens de faire imprimer la feuille de l'Agrégation, je vous envoie la première, vous serez mon aînée à Paris.

Je vous bénis bien religieusement en N.S.

Eymard.

Vous aurez la consécration après la communion.


Nr.1739

An Marg. Guillot

Bruxelles, 3 Mars 1866.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Oui, je bénis les vingt-et-un ans, et la première grâce. Ne me remerciez donc pas, pauvre fille, car c'est si peu ce que j'ai fait! seulement je puis dire que votre âme m'a toujours été chère et que je lui ai été dévoué en Dieu. Dieu voulait que nous travaillions ensemble, et pour la cause de la Mère et du Fils. Reste maintenant à bien souffrir, et par tous et par tout, pour arroser, faire croître ce petit arbuste. Il faut être humilié, broyé et réduit en bon fumier de poussière pour sa gloire.

Notre-Seigneur est-il adoré? Est-il servi? Son service s'étend-il? - Oui. Le reste n'est plus rien. Le pauvre moi doit être l'huile de la lampe eucharistique.

Soyons contents quand il en est ainsi.

Je bénis tout ce qui est fait pour vos Conseils et Chapitres. Il fallait commencer.

Je tâcherai que le Père Champion retourne un peu à Angers après Pâques pour contenter Monseigneur l'Evêque.

Il faut prier pour soeur Virginie; c'est une grosse tentation qu'elle a.

Soeur Benoîte ne m'a pas écrit; il est vrai que je ne l'ai pas fait moi-même.

Je pense que le bon Dieu y supplée; puis je voulais voir les choses.

Je vous en prie, soignez-vous un peu plus. Soyez tranquille sur moi: Dieu me garde.

Je ne vous remercie pas de votre seconde lettre. Mon Dieu! c'est trop. Je vois que rien ne venant d'ici, Dieu fait venir d'ailleurs; mais: assez!

Merci des nouvelles de la Mure, de Mme G., de vos chères soeurs. J'écrirai, mais j'ai été si absorbé, qu'à peine je puis y suffire.

Adieu, chère fille. Travaillons bien purement, bien humblement, bien dévotement au service et à l'amour de notre bon Maître. Je vous suis bien uni en son divin Coeur.


Nr.1740

An Gräfin v. Andigné

Adveniat Regnum tuum.

Bruxelles, 5 Mars 1866.

Madame en N.-S.,

Merci de l'annonce de la quête. Dieu l'a bénie, qu'il en soit béni! et vous et votre bonne et dévouée soeur! Cela suffira, je l'espère, au plus pressé; puis la divine Providence est la mère et la pourvoyeuse si tendre et vigilante des pauvres de Dieu.

Veuillez prier votre soeur de garder l'argent jusqu'à mon voyage, après Pâques, parce que ce sera pour moi l'occasion d'aller la remercier au Mée, où je voudrais bien vous trouver.

Mais Dieu vous veut en son ermitage de l'Isle, sa Marthe de son Béthanie; vous êtes sa sacristine respectueuse et pieuse, sa Marie à ses pieds, quelquefois sur son Coeur, toujours dans son amour.

Il vous veut seule, pour être non plus à vous, mais vous plus à lui. Il veut être le moyen, le lien, la direction de votre vie vers lui, et voilà pourquoi tout ce que vous aimeriez à avoir comme moyen d'édification, d'instruction, de secours, est absent: petite perte! puisque vous allez droit vers Jésus et que vos soins deviennent plus unis parce qu'ils sont tous concentrés en son divin service, en son amour, en sa divine Volonté.

J'ai un grand désir pour vous, et je suis persuadé que la gloire de Dieu en serait plus grande et votre vertu aussi. C'est que vous vous oubliiez plus vous-même, dans l'amour de Notre-Seigneur; c'est que vous regardiez comme peu ce que vous souffrez, ce que vous lui donnez. Mais surtout ne soyez pas si sensible sur son amour sensible, sur la paix et la douceur de son amour.

Dieu m'aime: voilà une vérité. Il ne veut en tout que mon bien, je suis toute à lui et ne veux que lui; ma misère est mon titre; ma pauvreté ma richesse, mes imperfections mon besoin de sa grâce.

Voilà, bonne dame, ce qu'il faut mettre toujours en pratique, et vous verrez le règne de Dieu en vous.

Je vous laisse. Voilà plusieurs jours que je souffre de ce qu'on appelle la ceinture de feu; cela va mieux, puisque je suis levé, mais je dois en être content, puisque cela passe plus vite que le médecin le croyait.

Je vous bénis en N.-S.

EYMARD.

P.-S. - Je vous prie de ne rien dire à Angers; je vois que cela ne sera rien. Je ne sors pas par prudence, c'est une éruption et voilà tout. Je ne me sens plus de fièvre. Mon Dieu! je suis fâché de vous l'avoir dit, mais je n'ai pas le courage de refaire ma lettre.


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