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Nr.1981

An Fräul. Stéphanie Gourd

A.R.T.

Bruxelles, 27 Juillet 1867.

Chère fille en N.-S.,

Je bénis Dieu de votre lettre, de vous avoir ouvert les yeux et reconnu la vérité de conduite que Dieu m'a fait la grâce de vous donner en mon dernier voyage. J'étais loin de m'attendre à une telle épreuve; elle m'ouvre aussi les yeux sur un point bien important. Rappelez-vous, chère fille, que personne au monde n'a le droit de vous imposer un secret de votre conscience, que tous les voeux possibles ne sont rien devant cette loi.

Vous n'avez pas du tout offensé Dieu, je vous l'assure; ainsi point de trouble ni d'inquiétudes, mais vous avez reçu une leçon pour les autres.

Pour elle, je pense qu'elle pèche par ignorance ou abusée par le mauvais esprit; elle est si enfant quelquefois!

Votre bonne mère, voilà votre bonne directrice après Dieu. Soyez toujours transparente pour elle.

Si j'avais deux jours libres, j'irais vous voir; mais je crains d'être trop pris.

Je suis à Bruxelles pour deux à trois jours; puis je rentre à Paris..

Faites tout ce qu'il faut pour le traitement de vos eaux; ce traitement doit être la règle de santé à suivre.

Quant au service du bon Maître, c'est toujours son heure, notre devoir et notre amour.

Je vous bénis, chère fille, en N.-S.

EYMARD, S.


Nr.1982

An Bischof Angebault

Paris, 1er Août 1867.

Monseigneur,

J'arrive de Bruxelles où je suis resté quelques jours pour la visite de notre maison; je regrette de n'avoir pu répondre de suite.

J'ai été bien touché de la bienveillance de Votre Grandeur pour notre maison de Marseille. Le bon P. Leroyer m'a dit son bonheur quand vous avez bien voulu les visiter, et je viens aussi vous en témoigner, Monseigneur, toute ma reconnaissance.

Nous avons fait une bonne école à Nemours, sur Soeur Benoîte. Nous avons eu tort: il fallait laisser cette pauvre Soeur dans une cellule avec Dieu seul; j'ignorais aussi beaucoup de choses sur elle. Ainsi, Monseigneur, votre lettre a trouvé un converti. J'ai plus fait: je lui ai dit ma décision que je changerai son nom et que, si je le pouvais, je la ferais oublier. Je ne sais où la mettre, sinon à Angers.

On demande, il est vrai, en Belgique, une petite colonie d'adoratrices. Là, elle serait bien ignorée, étant inconnue.

Pour la question de notre nouvel établissement, je suis peiné extrêmement de toutes ces complications. Je comprends bien le pieux désir des âmes pieuses de ce quartier de la ville que nous habitons; - un esprit de critique contre nous se manifeste dans quelques personnes, sans doute dans une vue du bien. On m'a parlé de Mr de la Ville-Boisnet, voisin du terrain que nous avons acheté et fabricant, qui réclame contre, à cause des revenus de la paroisse diminués; de Mme de Richeteau, disant que nous méprisons les pauvres, etc... Et cependant nous avons tout fait pour nous fixer chez eux, mais sans trouver un local convenable. Maintenant la maison de Mr Allard est libre, on nous l'offre en échange; - elle nous était laissée à 35.000 francs. Nous avons acheté 92.000 francs le terrain du théâtre, ce serait une somme de 57.000 francs à trouver en retour. Que nous en perdions une partie, restera toujours une somme considérable, si on ne vendait cette propriété à peu près équivalemment.

Le P. Audibert arrive, demain ou samedi, du Midi; il vient de visiter son père souffrant. Nous conférerons ensemble de cette grave question; j'irai à Angers pour voir sur les lieux le parti possible à prendre et exposer l'état de notre question personnelle à Votre Grandeur, afin qu'elle en soit le juge, et je la prie de croire que tout mon désir est de lui être agréable et de faire le bien sous sa bénédiction paternelle.

C'est avec la plus profonde vénération que j'aime à me dire

de Votre Grandeur,

Monseigneur,

le très humble et très dévoué serviteur en N.-S..

EYMARD, Sup.


Nr.1983

An Marianne Eymard

Paris, 2 Août 1867.

BIEN CHERES SOEURS,

Je vous écris à la hâte pour vous dire que les quatre fils de la bonne dame Tenaillon sont en chemin de fer pour La Salette, et qu'ils doivent vous voir en passant; recevez-les bien et faites-les dîner, je les aime comme mes enfants.

Je viens d'écrire à Marie Ravanat d'aller à La Mure pour régler toutes ses affaires.

Ce pauvre père Ravanat est mort d'une congestion cérébrale; il était si sage et si pieux! Nous l'avons bien regretté; mais une si belle âme ne peut qu'aller au Ciel.

Je vais bien, j'ai beaucoup à faire, mais le Bon Dieu me soutient.

Je viens de la Belgique visiter notre maison et en préparer une autre. Je vous enverrai un de ces jours le bon sur la poste de Mr Bonnes; il avait passé inaperçu dans mes lettres, je viens de le trouver.

Je suis heureux de savoir, chère soeur, que vous allez toute seule à l'église, cela me prouve que vous allez mieux; que Dieu en soit béni!

Pour cette fois, restez à notre pays et laissez Angers où il est; mais cela vous aura fait du bien pour la piété.

Adieu, chères soeurs, je vous bénis bien en N.-S.

Votre frère.

EYMARD, Sup.

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.1984

An Frau Gourd

Paris, 3 Août 1867.

Madame et chère fille en N.-S.,

J'aime bien à recevoir vos lettres.

Vous avez raison, il faut craindre les illusions de Satan en cette pauvre enfant. Nous veillons et veillerons.

Je lui écris pour qu'on rende Marie-Thérèse à ses parents, et lui en dis les raisons. Elle a reçu les cinq cents francs.

Si vous aviez l'occasion d'écrire à la famille de Marie-Thérèse, ce serait plus tôt fait. On a eu tort de se charger de cette enfant à Nemours. On l'a fait sans moi: aussi Dieu ne bénit pas.

Ne dites plus rien à P. M. du passé: je m'en charge, unissant tout cela avec d'autres choses à corriger.

J'en ferai l'objet d'un acte de charité à fond.

Pauvre enfant! elle a été si seule et laissée à elle-même, elle qui avait plus qu'une autre besoin d'une obéissance forte et douce.

Faites bien votre saison des eaux; le Bon Dieu le veut. Nous avons bien à travailler encore pour la gloire de notre bon Maître. Voici ma prescription:

Tête libre de toute préoccupation, mais toute à la Volonté de Dieu du moment;

Coeur tout à Dieu, pour l'adorer, l'aimer et le servir comme il le veut;

Volonté d'une enfant;

Travail sans viser au succès, mais au devoir seulement;

Rapports du prochain, de convenance ou de charité seulement - simples et chrétiens, tendres et bons pour ce qui souffre;

Oraison comme Dieu la fait; le fond: le don et l'action de grâces;

La sainte Communion: pain de force et de vie; - y aller pauvre et faible, reconnaissante et aimante;

Votre examen sur vos devoirs, et voilà tout.

Je vous donne sans cesse au bon Maître. Soyez sa chose, sa servante, son adoratrice.

Tout à vous en N.-S..

EYMARD, S.


Nr.1985

An die Schwestern Ravanat

A.R.T.

Paris, 4 Août 1867.

CHERES SOEURS EN N.-S.,

Je ne vous ai pas encore écrit, j'ai été presque toujours en voyage. Je savais d'ailleurs, qu'en mon absence, le bon frère Aimé vous aura donné tous les détails de la sainte mort de votre bon père; comme il était content d'être tout au Saint Sacrement, d'être religieux, d'avoir donné ses trois filles au Bon Dieu! Pauvre père! je n'aurais jamais cru que le bon Maître, content de son sacrifice, l'appelât si tôt à lui, et dans sa gloire! Il avait fait tous les sacrifices d'un religieux.

Quelques jours auparavant, il avait remis tout son argent au Père Chanuet, Supérieur, en lui disant : Fehler! Verweisquelle konnte nicht gefunden werden.

Voyez, chères filles, comme le bon Maître vous aime! il a voulu que vous eussiez tous la même vocation pour avoir la même couronne et la même gloire. Aussi, si la mort vous fait pleurer un si bon père, que la sainte Eucharistie vous le fasse retrouver en Jésus. Il doit encore être son adorateur, lui qui était si pur et si pieux.

Eh bien, Soeur Euphrasie, vous avez ouvert la porte du Saint Sacrement, vous êtes venue la première; puis vous, Soeur Louise, avec votre bon père; et enfin vous, chère Soeur Marcelle, avez fermé la maison, après avoir poussé tout le monde devant vous. Si Dieu vous a appelées toutes trois, restez toujours toutes trois unies au pied du Très Saint Sacrement. Comme je remercie le bon Maître d'avoir été le pauvre instrument de votre si belle et si sainte vocation! Soyez persuadées que je tâcherai de remplacer votre père, ou plutôt que Jésus sera tout bien pour vous.

Je vous bénis donc, et prie Notre-Seigneur de vous garder et de vous rendre toujours heureuses en son saint service.

EYMARD.

P.-S. Je vous envoie la bourse de votre père renfermant 360 francs en or, et de plus deux portefeuilles et un cahier.

Quand j'irai à Saint-Maurice, je ramasserai ses livres et ses objets de piété, j'ignore ce qu'il avait, et je vous le réserverai pour la première occasion.

Je comprends que le voyage à La Mure est inutile, puisque Soeur Louise est encore mineure. Je ferai votre commission au Père Ferrat, - et c'était aussi son avis que ce voyage n'était pas nécessaire, et qu'en écrivant de La Mure, on s'était mépris sur la minorité de Soeur Louise.

A la chère Soeur Marcelle du S. Sacrement, Angers.


Nr.1986

An Fräul. Tamisier (Sr. Emilienne)

A.R.T.

Paris 4 août 1867

Chère soeur en N.S.,

C'est moi qui viens vous donner de mes nouvelles. Je suis à Paris depuis quelques jours seulement. Je ne sais quand j'irai à Tours, peut-être bientôt, j'en ignore le jour! Sr Benoîte est à Luc-sur-Mer, par Caen (Calvados) chez Mme Lemarchand épicière; les dernières nouvelles sont qu'il y a un peu de mieux.

Je ne connais pas d'occasion pour Tours - si j'y allais, je vous emporterais quelques colis.

Que faites-vous, pauvre fille? à Angers on m'écrit lettre sur lettre pour vous, pour savoir si vous rentrez ou non. - hélas! que de croix sur cette terre! que de misères! j'en ai le coeur plein. Que Dieu soit béni de tout!

Je vous bénis, chère fille, soyez toujours la petite servante du Bon Maître et écrivez-moi vos pensées sur Angers - la Mère Guillot - vos désirs.

Tout à vous en N.S.

Eymard S.


Nr.1987

An Fräul. Tamisier (Sr. Emilienne)

Paris 5 août 1867

Chère Soeur,

Je vous permets de voir Sa Grandeur Monseigneur l'Archevêque et de lui parler coeur à coeur de votre vocation - c'est un saint et un savant - deux grandes qualités du conseil.

Je vous bénis en N.S.

Eymard.


Nr.1988

An Frau Gourd

A.R.T.!

Paris, 5 Août 1867.

Madame et chère fille en N.-S.,

Je vous envoie la lettre de Soeur Benoîte. Je lui ai écrit qu'il fallait la rendre à ses parents. Je vais encore lui écrire qu'il vaut mieux se décharger d'elle. Cette pauvre Soeur Benoîte ne pense guère que, n'ayant rien, elle ne doit pas imposer aux autres des sacrifices.

Si vous voulez tenter auprès des Ursulines de Thoissey, ce sera une vraie charité, mais avertissez des défauts de l'enfant, et si on ne la veut pas, nous en resterons là. Veuillez aussi donner l'adresse de Soeur Benoîte à ces Dames de Mâcon, afin qu'elles l'avertissent elle-même des défauts de l'enfant.

Je crois qu'il vaut mieux ajourner la visite pour Mlle Stéphanie à votre nièce. Prenez tranquillement vos eaux et abandonnez le reste à la divine Providence. Que de misères en ce monde! Il faut passer à travers tout cela comme à travers un brouillard, sans s'y arrêter.

Voyons Dieu en toutes choses, sa divine Bonté; adorons les raisons de sa divine Providence, toujours sage et aimable.

Je vous bénis toutes deux bien paternellement en N.-S.

EYMARD, S.


Nr.1989

An P. Audibert

Paris, 7 Août 1867.

Cher Père,

Je vous envoie l'abbé Anatole. Il vous sera utile pour faire la classe aux deux frères. Vous lui donnerez deux demi-heures d'adoration, à 11h. et à 3h½ ou à une autre heure. Nous commençons notre retraite aujourd'hui à 9h½ jusqu'à l'Assomption.

J'apprends que, chez les Augustines, Monseigneur l'Evêque a dit: "Ces messieurs veulent persister à s'établir au Cloître, tandis que la maison Allard est libre et qu'elle leur est offerte comme don, etc., etc. Eh bien! je m'y opposerai, tout le haut clergé est d'accord avec moi, ils font du bien là-haut, Dieu les veut là-haut, ils ne viendront pas là, devrais-je les remercier".

Le P. Carrié m'écrit cela; si les choses en sont là, c'est une vraie difficulté. Si on nous remercie, le Maître sera humilié; il faut lui éviter cette humiliation, et alors, de deux choses l'une! ou remercier nous-mêmes les premiers, mais alors restera ce terrain à vendre; et comment nous en tirer sans pertes? ou bien examiner à fond la question de la Doutre, si elle est sérieuse, quelles garanties on a du côté des secours promis; ou bien si l'on donne purement et simplement la maison Allard, ce qui me paraîtrait, en ce cas, sérieux; nous aviserons au reste. Vous êtes sur les lieux, cher Père, vous voyez ce que c'est que d'avoir affaire avec une autorité qui nous a laissés nous avancer, fait démolir le théâtre, perdre la moitié de la valeur du terrain; et, parce que quelques personnes réclament, on nous abandonne.

Mais pour ne pas aussi montrer de la mauvaise volonté, voyez les choses à fond.

On me dit que l'on n'a pas encore mis une pierre dans les fondations; Dieu veut-il nous laisser à la Doutre? nous placer au Cloître? nous retirer d'Angers? Loquere Domine, quia audit servus tuus. Prions bien pour connaître sa sainte Volonté et avoir la force d'agir. Sondez le terrain mouvant.

Croyez-moi, cher Père,

Tout à vous en N.-S.

EYMARD p.

G. S. J.


Nr.1990

An Fräul. de Meeûs

A.R.T.

Paris 10 août 1867

Très chère et honorée Mère,

Merci de votre bonne lettre, et de l'annonce de l'arrivée de Mgr.Chaillot. J'espère avoir le plaisir de le voir à Paris à son retour.

Sa surprise sera vite finie quand il saura que je ne suis pas le Supérieur de ces Dames d'Angers, mais que c'est directement et absolument Mgr. l'Evêque d'Angers qui leur donne un Supérieur ecclésiastique séculier. Je les lui ai donné sans condition il y a 5 ans. J'en ai bien assez de nos religieux. Je sais qu'il est question d'une fondation pour elles en Belgique. Mgr. L'Evêque d'Angers examine s'il doit accepter ou non pour elles, il ne me paraît guère pressé et quoiqu'il en soit, chère Mère, cela n'affaiblira jamais notre union avec vous au service de notre commun Maître. Vous savez tout le bien que je vous désire en N.S.

Croyez-moi toujours

chère et bien honorée Mère

Tout à vous.

Eymard


Nr.1991

An Marg. Guillot

Paris, 15 Août 1867.

Chère fille en Notre-Seigneur,

1· J'écris à Monseigneur que vous ne devez plus rien sur Nemours, excepté quelques cents francs, pour frais de déménagement et de réparations, ne dépassant pas quatre à cinq cents francs.

2· Que l'on a renvoyé à Angers ce qu'Angers avait envoyé à Nemours, sauf les chaises, prie-Dieu, quelques caisses qui restent ici et que je vais envoyer.

3· Que le Père Chanuet, en considérant de sa mère religieuse, a fait l'abandon de 24.000 francs donnés pour les réparations et le mobilier; que les 7.400 francs, frais du second acte de rétrocession, sont donnés par les fils de soeur Camille.

Je conclus que la maison d'Angers n'a pas de dettes pour la fondation de Nemours.

Je n'ai pas parlé des 20.000 francs de Mlle Sterlingue: ceci ne regardait pas Nemours... (dix lignes et demie effacées)...

J'ai [fait] observer à Monseigneur que j'avais proposé de vendre les gros objets qui restent pour éviter encore 150 à 200 francs de port, que cependant, dans la crainte de trop y perdre, j'allais les expédier à Angers.

Je ne pourrai le faire que dans trois ou quatre jours, à cause de la difficulté en ce moment de se procurer des voitures de déménagement. Enfin tout cela touche à sa fin.

Je voudrais bien vous trouver quelque chose pour vous aider à solder cette malheureuse Sterlingue.

Je vous quitte, l'Office sonne.

Je vous bénis et prie Notre-Seigneur de vous venir en aide et consolation.

EYMARD.


Nr.1992

An P. Audibert

Paris, 17 Août 1867.

Bien cher Père,

Monseigneur m'a écrit qu'il m'attendait pour traiter de graves questions. Je pense que c'est l'occasion de la proposition faite pour une fondation à Bruxelles; mais si cela regarde notre établissement à nous, et que l'administration diocésaine nous soit contraire, après avoir été favorable ou du moins consentante, la question sera décisive. Eh quoi! voilà donc la fin que nous devions attendre de Sa Grandeur vis-à-vis de nous! En face de cette difficulté, qui est bien blessante, jugez si nous devons nous imposer de si grands sacrifices.

Je suis disposé à aller à Angers, mais quand vous m'écrirez que Monseigneur reçoit, et aussi après que vous aurez vu et examiné le sérieux de toutes ces promesses verbales. Je vous en prie, consultez positivement le P. Carrié là-dessus et quelles assurances on donne. On m'a nommé deux noms: Mr Dulavoir et un autre.

Je vous en conjure, cher Père, allez au fond de la question. Je sais bien qu'on ne nous doit rien à Angers, mais on n'a pas le droit de nous accuser et surtout de dire que nous sommes ambitieux, que nous méprisons les pauvres, comme si nous n'avions pas cherché à rester au milieu d'eux! Puis écrivez-moi quand vous croirez le moment favorable d'y aller.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD p.

P. S. Je félicite nos deux nouveaux et vieux profès. Le frère René a beaucoup gagné dans mon affection en cette circonstance qui devenait décisive pour lui.


Nur in der Rom-Ausgabe:

Nr.1993

An Frau Chanuet

Paris, 21 Août 1867.

BIEN CHERE MERE ET SOEUR EN N.-S.,

Je voulais accompagner votre cher fils et le nôtre bien cher; car ce serait une grande consolation pour moi d'aller vous voir, vous bénir et prier sur vous; vous m'êtes toujours présente devant Notre-Seigneur, je ne cesse de le prier pour vous. Abandonnez-vous, chère soeur Camille, à son amour pour vous: il est grand et tout miséricordieux; tout ce qu'il a fait en tout le cours de votre vie, et surtout à la fin, vous donne bien la preuve la plus douce et la plus constante de son amour.

Combattez, bonne soeur, les terreurs qui vous affligent par le saint abandon entre les mains de la miséricorde de Jésus, votre bon Maître.

Vous êtes sa servante, vous lui avez tout donné, vous êtes toute à lui; il vous a prise à son bon service et même vous a crucifié avec lui; comment ne vous reposeriez-vous pas entre ses bras comme une enfant bien-aimée! Vous irez au ciel, bonne soeur Camille. Pour moi, je demande que vous travailliez encore un peu; cependant, il est plus parfait de dire: Fehler! Verweisquelle konnte nicht gefunden werden.

Le Père part. Je n'ai que le temps de vous bénir et de vous dire,

Chère mère et bonne soeur et fille en N.-S.,

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S.


Nr.1994

An P. Chanuet

Paris, samedi 24 Août 1867.

Bien cher Père,

Nous avons tous dit la Ste Messe ce matin pour le repos de l'âme de votre chère et pieuse mère, notre bonne et bien-aimée soeur en N.-S. C'est le meilleur moyen de lui prouver notre charité, et à vous notre grande part à votre douleur.

J'ai donné au bon Dieu tous les mérites de la Société pendant huit jours pour cette bonne mère et fille en N.-S. J'espérais avoir la consolation de la revoir, Dieu ne l'a pas voulu: nous la reverrons au ciel. Faites ce qu'il convient, cher Père, puis revenez-nous.

Je vous prie de faire part à toute votre famille de la bien vive et religieuse part que je prends à notre perte commune et aussi à toute l'espérance et la confiance en la bonté de Dieu.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.1995

An Frau Chanuet, geb. v. Couchies

Paris 25 août 1867

Bonne Dame Blanche,

Je me suis bien réjoui en N.S. et en N.D. de la Délivrance, de votre guérison. J'ai célébré en action de grâces et nous nous unissons à votre neuvaine. Cette faveur vous dit bien éloquemment que Dieu vous aime et que sa T. Ste Mère vous a en singulière tendresse. Donc ayez confiance toujours en leur bonté.

Nous espérons donc avoir la consolation de vous voir bientôt à Paris à votre retour. C'est maintenant que nous devons admirer la bonté de la divine Providence vous faisant prendre le chemin de Bayeux pour celui de S.Brieuc - c'est qu'au Luc, N.D. de la Délivrance vous attendait, qu'elle en soit bénie à jamais!

N.S. vient d'appeler à Lui la bonne Soeur Camille, votre bonne mère. Que cette mort ne vous afflige pas trop, car c'est la mort des justes, elle est allée continuer dans le Ciel l'adoration de la terre; elle a bien souffert, mais c'est fini, à présent c'est l'heure du bonheur - voilà la vie, c'est la semence de la gloire céleste.

Dieu a moissonné chez vous en un an 3 champs remplis d'une belle moisson, vous les remplacerez, bonne Dame, Dieu a cultivé avec tant d'amour votre champ! Il y a semé tant de bonnes grâces, faites-les bien fleurer en bonnes vertus!

Adieu....


Nr.1996

An P. Audibert

Paris, 26 Août 1867.

Bien cher Père,

Je ne puis encore aller à Angers, le Père Chanuet vient de perdre sa bonne mère, il faut le remplacer; je l'attends.

Si Dieu nous veut à la Doutre, je le veux comme vous, cher Père, non à cause des paroles qu'on prêtre à Monseigneur, car il se déjugerait et la Société serait bien humiliée, mais à cause du dévouement de ces bons chrétiens; car après tout, comment refuser sans encourir un blâme, après ce que nous avons dit, vous et moi? et si on nous prend au mot, nous sommes un peu liés.

J'irai donc à Angers au premier jour. J'attends le P. Chanuet; mais examinez tout, et prions.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.1997

An Fräul. Stéphanie Gourd

Paris, 27 Août 1867.

Chère fille en N.-S.,

Vous voilà aux Thorins, l'institutrice de vos nièces et vos nièces pour compagnes; il faut vous dire: Dieu le veut ainsi.

La charité va prendre le gouvernement de votre vie extérieure, c'est la vertu du moment. Voyez comme le bon Maître sait bien nous mettre dans la voie du renoncement.

Vous auriez pu espérer vivre calme et solitaire près de votre bonne mère, et voilà que Notre-Seigneur vous sépare et vous donnera le bruit de l'occupation autour de vous; qu'il en soit béni! Plus vous dépenserez à l'extérieur, plus il faudra garnir et remplir l'intérieur de Jésus.

Croyez-moi, quand vous êtes avec Notre-Seigneur, défendez-vous de penser aux autres, occupez-vous de Notre-Seigneur avec Notre-Seigneur seul. Peu de vous à Jésus, beaucoup de Jésus à vous, en vous, pour vous. Il faut s'oublier dans le vrai amour, arriver à la vie d'union en Notre-Seigneur par le sentiment intime du coeur. Cela ne fatigue pas et s'allie avec tout le reste.

Dominez toujours la position extérieure afin de la gouverner avec le gouvernail si bon et si droit de la sainte Volonté de Dieu du moment.

Je vous bénis bien, chère fille, en N.-S.

EYMARD, S.


Nr.1998

An Frau Mathilde Giraud-Jordan

Paris, 27 Août 1867.

MADAME BIEN CHERE EN N.-S.,

Me voici en récidive toujours. Ne m'imitez pas. Nous avons fait notre grande retraite; j'ai été en Belgique, puis je ne savais plus votre adresse, enfin me voici soldant ma dette. Peut-être est-ce de la moutarde après dîner, comme dit le proverbe aux traînards.

Avant tout, il faut savoir que quand on reçoit une grande grâce de renouvellement intérieur, au premier moment tout paraît facile et aimable, parce qu'on est sous l'impression douce et aimable de la grâce; puis arrive le moment de l'épreuve. C'est là le grand choc. Ou on fait trop à la première heure, ou pas assez. Si l'on fait trop, on finit par vite se décourager à la première infidélité: c'est là le fruit de l'amour-propre. On comptait trop sur soi. Si l'on ne fait pas assez, c'est le reproche amer, non de la conscience, mais du démon pour nous dire que déjà tout est perdu, que l'on est déjà infidèle.

En hiver, on se réchauffe à peine en travaillant. Vous êtes en hiver. Travaillez seulement, mais sans arriver à la sueur...; c'est toujours dangereux, parce qu'il y a trop d'efforts.

Rappelez-vous, dans le service de Dieu, il faut de la fidélité et de la générosité, mais non de la force. La force: c'est Dieu!

- Mais vous n'avez pas pu faire oraison comme vous le vouliez, tranquille et seule. - C'est malheureux, parce que vous n'avez pas pu bien commencer et finir cette oraison. Tâchez cependant d'arriver à cette méditation tranquille et en paix, afin de goûter Dieu en vous-même.

Une grande règle de sainteté, c'est de savoir trouver son temps pour son âme. Le démon nous le fait gaspiller. De l'oraison! de l'oraison avec Dieu et par vous-même: voilà la première loi.

La seconde loi: la générosité à accomplir la sainte Volonté de Dieu sur nous par l'abnégation propre, par l'amour du devoir - ce qui revient à l'amour pur - faire les choses pour plaire à Dieu.

Voulez-vous vite êtes transformée intérieurement en Dieu? - et par conséquent extérieurement, car la flamme sort du foyer? Soyez votre maîtresse; commandez avec autorité à la vieille nature, et dominez-la pour vivre de l'esprit de Notre-Seigneur.

Je ne vous parle pas de ce qui vous a tant troublée et inquiétée... Peut-on tant se troubler!

Rappelez-vous pour toujours cette règle: Quand le trouble vient après une action, c'est une tentation; - quand il vient pendant, si l'action est bonne d'elle-même, ou bien si elle a été commencée avec une bonne intention, il faut continuer malgré le trouble; - si l'inquiétude vient avant tout, il faut ou suspendre l'action, ou se former un principe bon, fondé sur le devoir, ou sur l'obéissance, ou sur une vertu, etc..., et aller de l'avant.

Je m'arrête là; le papier va me manquer, et je voulais vous dire combien j'ai eu de consolation de revoir votre bonne mère que je regarde comme ma famille, et sa chère fille.

J'ai fait avec joie la connaissance de la si bonne demoiselle; je vous en remercie.

Je compte avoir bientôt de vos nouvelles. Vos lettres sont détruites: personne ne lit les miennes.

Je vous bénis bien en Notre-Seigneur. Confiance et courage!

EYMARD (I).

(I) Cette lettre XIV, et la suivante, XV, n'ont pas été copiées sur le texte autographe du Père Eymard, mais sur une copie faite par Mme Giraud-Jordan.


Nr.1999

An Frau Gourd

Paris, 27 Août 1867.

Madame et chère fille en N.-S.,

Il faut toujours adorer les desseins de miséricorde et d'amour de notre bon Maître et voir en cette séparation momentanée le bien de sa gloire dans le prochain. L'âme aspirait à vivre aux pieds de Dieu, et voilà qu'il vous donne à chacune une mission. Mais, chère fille, vous savez que la sainte Volonté de Dieu de Providence est la meilleure règle de notre vie et la plus sûre.

Il faudra cependant vous voir souvent avec votre chère fille, car vous êtes deux existences en une.

Occupez-vous de vos affaires temporelles avec la confiance aux lumières et aux forces du moment, mais sans contention d'esprit et surtout sans trop de fatigue, ne voulant faire que ce qui est possible à vos forces et vous paraît mûr en prudence.

Nourrissez bien votre âme de Notre-Seigneur le matin pour la journée.

Souvenez-vous qu'à l'église vous n'êtes que servante adoratrice du Très Saint Sacrement et par conséquent ne vous occupez pas trop d'affaires, ni trop de vous. L'amour pur s'oublie et glorifie la bonté et la tendresse de Dieu en elle-même et dans nous.

Vos lettres me donnent une grande consolation, mais je ne voudrais pas qu'elles vous fatiguent en vous faisant prendre sur votre repos.

Adieu, chère fille et soeur en Notre-Seigneur. Je vous bénis en votre sainte vocation.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S.

P.-S. - Merci du vin. Tout est arrivé à bon port.

Madame Gourd.


Nr.2000

An Frau Camille Jordan

A. R. T.

Paris, 27 Août 1867.

MADAME BIEN CHERE EN N.-S.,

Il y a longtemps que vous ne m'avez donné de vos nouvelles; dans un sens j'en suis content, cela prouve que vous allez bien, que l'âme est bien nourrie, qu'elle marche dans sa vraie voie.

Vous m'avez bien compris; la récapitulation que vous me faites de mes conseils est très exacte, cependant laissez-moi y revenir.

1er Principe:

La fidélité à accomplir sa règle de vie est la première des vertus, il faut toujours y revenir; le régime est la condition de la santé.

Principe:

Il faut mettre avant tout la vertu de fidélité a faire bien les actes extérieurs de sa règle, c'est-à-dire à les faire dans le temps, le lieu et selon les circonstances qui les accompagnent; c'est là le sacrifice de la vertu. De plus, il faut les faire selon les règles naturelles de leur objet, en un mot comme un acte moral avec ses qualités ordinaires: c'est là leur perfection; ainsi, quand vous aurez fait votre méditation selon les règles prescrites, votre lecture sur l'auteur fixé et durant le temps voulu, avec l'attention ordinaire pour vous en nourrir actuellement, vous avez fait une très bonne lecture.

Laissez à Dieu le succès spirituel, les sentiments de grâce à recevoir; pour vous, vous n'êtes tenue qu'à semer, planter et arroser; ou si vous l'aimez mieux, Dieu vous demande le soin, il se réserve le succès.

Principe:

Aspirez dans vos oraisons à vous nourrir plutôt de Dieu, qu'à vous purifier, qu'à vous humilier; et pour cela nourrissez votre âme de la vérité personnifiée en la divine bonté de Dieu envers vous, de sa tendresse, de son amour personnel; voilà le secret de la vraie oraison, c'est de voir l'action et la pensée de Dieu dans son amour pour nous! alors l'âme étonnée, pressée, s'écrie: "Que vous êtes bon, ô mon Dieu! que ferai-je pour vous? qu'est-ce qui pourrait vous faire plaisir?" C'est la flamme du foyer.

Mais pour arriver à cette oraison de vie, il faut travailler beaucoup à s'oublier soi-même, à ne se rechercher en rien dans l'oraison; il faut surtout simplifier le travail de l'esprit par la vue simple et calme des vérités de Dieu. Le secret de cette vue simple c'est de voir de prime abord les choses sous le côté de la bonté de Dieu pour l'homme, la raison de cette grâce, ce qu'elle a coûté à Notre-Seigneur, son actualité, sa permanence pour nous.

Quand l'âme a le bonheur de trouver ce bon côté, l'oraison est plutôt une contemplation délicieuse, où l'heure passe vite. Ah! bonne fille, que je vous souhaite et désire souvent de goûter ainsi Dieu! il y en a pour longtemps; c'est mon rocher de Saint-Romans.

Mais je m'aperçois que je ne suis plus à ma première idée qui était de récapituler votre lettre; je la laisse donc, persuadé que vous aimerez mieux m'entendre que de vous relire.

Croyez-moi, ne faites du zèle que par devoir, mais aspirez à la vie intérieure par attrait d'amour divin.

Nous vieillissons et nous avons encore beaucoup de chemin à faire; il faut prendre le plus court, celui de l'amour qui donne tout sans intérêts.

J'ai bien souvent pensé à ma visite de Lyon; vous m'avez trouvé plus ami que père quelquefois. La joie de vous revoir après si longtemps me ferait croire à ma famille; puis j'avais le coeur si souffrant depuis quelque temps, qu'il s'est épanoui en retrouvant sa vieille fille.

J'ai vu la bonne et excellente demoiselle Gérin, elle est bien tout ce que vous m'en avez dit; il me semblait vous voir puisqu'elle est votre amie.

Adieu, bonne dame, soeur et fille en Notre-Seigneur, vous n'allez pas rester trop longtemps sans me donner de vos nouvelles.

Je voudrais bien savoir où est Mme Nugues.

Je vous bénis bien en N.-S., et suis, en Lui et pour Lui

Tout vôtre.

EYMARD, S.


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