Lettres précédentes / Lettres suivantes

Index Lettres Vol VI / Index allemand / Index général


Nr.2061

An P. Leroyer

Paris, 12 Novembre 1867.

Bien cher Père,

Dimanche prochain, nous ouvrons à Bruxelles une seconde maison d'adoration et qui sera un commencement d'un scolasticat.

L'excellente Demoiselle fondatrice nous donne une très belle maison et un magnifique jardin dans le quartier neuf, dit Léopold, où il n'y a ni couvents, ni églises.

Son Eminence a agréé avec plaisir cette petite fondation, qui deviendra peut-être la principale, car il vaut mieux être chez soi; et si jamais les Dames de l'Adoration de la rue des Sols nous voulaient ailleurs, nous ne serions pas à la rue.

Cette affaire est toute providentielle: nous y allons parce que ces Dames d'Angers n'ont pu y aller.

Je ne puis encore vous préciser, cher Père, l'époque de mon voyage à Marseille: ce sera à mon retour de Bruxelles.

Priez bien pour nous; j'aviserai à vous envoyer quelqu'un, mais cherchez quelqu'un pour la messe Dimanche prochain.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

EYMARD.


Nr.2062

An den Kardinal in Brüssel

Paris, 12 novembre 1867

Monseigneur,

Je ne puis assez bénir Dieu et Votre Eminence de la nouvelle maison d'adoration que nous allons ouvrir à Bruxelles.

J'espère qu'elle portera des fruits de salut dans ces quartiers neufs; on m'écrit que M. le Curé de la paroisse en est tout heureux et que le peuple de ces quartiers voit cette chapelle s'ouvrir avec bonheur.

C'est dimanche prochain /17 nov./, Monseigneur, que nous désirons bénir la maison et commencer l'adoration dans cette nouvelle chapelle; j'y irai moi-même.

En soumettant à l'approbation de Votre Eminence cette petite fondation, nous avons compté sur les faveurs accordées pour la première:

la faculté de l'exposition du T. S. Sacrement.

et la bénédiction quotidienne.

Nous sommes heureux d'être vôtres, Monseigneur; tout notre désir est de nous rendre utiles et de témoigner ainsi à votre bonté pour nous notre grande reconnaissance.

C'est avec la plus profonde vénération et gratitude que j'ose me dire

de Votre Eminence, Monseigneur,

son très humble et tout dévoué serviteur.

Eymard

Sup. Cgnis SSS.


Nr.2063

An Frau Gourd

Paris, 14 Novembre 1867.

Chères filles en N.-S.,

Je n'ai pas fait mon voyage de Belgique. Je n'y vais que samedi; j'y resterai une huitaine de jours. J'y vais pour y élever un trône nouveau à notre bon Maître; priez pour qu'il soit solide et fructueux.

Je ne pourrai donc aller à Marseille [que] dans une douzaine de jours environ; d'ailleurs, je vous l'écrirai, car vous êtes ma vraie famille eucharistique et je me dois à vous avant tous, heureux si je pouvais faire un peu de bien à vos chères âmes.

Maintenant que vous devez avoir le souci de tout, il faut tant ménager le temps, afin que Dieu ait toujours le sien; puis les divers devoirs extérieurs le leur, selon leur ordre et leur importance.

Ménagez aussi votre santé, car il faut pouvoir aller aux devoirs sans fatigue, surtout quand ils sont si nombreux.

Je vous laisse, chères filles, à notre bon et commun Maître en qui je suis toujours heureux d'être

Tout à vous.

EYMARD, S.S.

P.-S. - Je reçois votre lettre et je rouvre la mienne pour vous dire de ne rien changer à votre manière de prier en particulier et avec des intentions particulières.

En bonne règle, priez et agissez intérieurement comme si vous n'aviez pas des distractions et des divagations d'esprit, alors même que cette manière de prier semblerait les nourrir ou les faire naître, parce que c'est mieux. Ne combattez pas directement vos distractions, même pendant les parties essentielles de la sainte Messe. Contentez-vous d'une nouvelle attention actuelle, tout au plus pourrez-vous vous en humilier en passant.


Nr.2064

An Frau Mathilde Giraud-Jordan

Paris, 14 Novembre 1867.

MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,

Je n'irai à Lyon que dans une douzaine de jours, si je m'y arrête en allant, ou dans trois semaines environ, si ce n'est qu'à mon retour du Midi, soyez bien sûre que vous aurez la première place dans mon passage.

J'ai lu avec attention votre petite lettre. Vous prenez la qualité ou le défaut de votre excellente mère: dire beaucoup en peu de mots.

Ne vous troublez pas de votre dissipation d'esprit et de vie en arrivant de Calet; ce n'est pas étonnant. Vous étiez en serre chaude à Saint-Romans, et maintenant il faut être à tous les vents. Cependant il faudra vous acclimater à votre nouvelle et normale position de vie. Il faut trouver Dieu dans l'activité variée de votre vie; mais comment y arriver? Par les oraisons jaculatoires fréquentes et par l'offrande souvent répétée de vos intentions en vos actions. Mais ce qui est essentiel et ce que rien ne peut remplacer, c'est de faire provision de force et de recueillement pour toute la journée, le matin à votre oraison. C'est là la condition première et absolue de votre vie spirituelle et même naturelle, car Dieu a voulu que la vie spirituelle en vous fût le complément et le succès de votre vie extérieure et vos devoirs de maîtresse de maison.

En cela vous n'êtes pas à plaindre puisque, pour être bonne, vous êtes obligée de vivre plus abondamment de Dieu: heureuse nécessité!

Pour vos oraisons, donnez autant que possible les prémisses des facultés, car elles sont en réveil comme sortant de leur récréation en la grâce.

Pour les sujets d'oraison, il serait bon de les varier pour éviter le dégoût d'une nourriture toujours la même.

J'aimerais en vous la variation des temps liturgiques.

En l'Avent, méditez sur la préparation à la fête de Noël, et après la Noël sur ses fêtes successives. En Carême, sur la Passion. Vous avez l'Horloge de la Passion de saint Alphonse de Liguori; les ravissantes Méditations sur la Passion du Père Alleaume, jésuite; Pensées et affections sur la Passion, en trois volumes, chez Vve Rusand, rue Cassette.

Voici un autre plan.

Le dimanche, méditez sur le Ciel: ch. 47, 48, 49 de l'Imitation.

Le lundi, sur la loi de l'amour de Dieu: Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre esprit et de tout votre coeur; par tous vos sens, par toutes vos oeuvres. A la loi! Voir les grâces d'amour que l'on reçoit, les témoignages d'amour de Dieu pour nous, nos promesses d'amour; et puis nos infidélités, nos négligences. Ce sera comme un point de départ pour la semaine.

Le mardi, sur la vie intérieure, qui consiste:

à suivre en soi-même les lumières et les mouvements de la grâce;

à adorer Notre-Seigneur par toutes ses facultés;

à louer, aimer et embrasser la sainte Volonté de Dieu sur vous connue ou à venir.

Le mercredi, vie extérieure sur le modèle de la Sainte Famille de Nazareth dans les devoirs, dans les rapports extérieurs, dans le zèle.

Le jeudi, sur l'Eucharistie.

Le vendredi, sur la Passion.

Le samedi, sur la Très Sainte Vierge.

Avoir soin de rapporter ces sujets à la sainte Communion qui doit suivre, et qui doit être le centre, l'inspiration et la fin de toute la vie spirituelle.

Soyez toujours gracieuse et aimable pour le dedans, sainte et digne pour le dehors, vertueuse pour vous et tendre pour Dieu: voilà vos quatre vertus cardinales.

Je vous laisse et vais célébrer. Je vous bénis, père et mère, et le bon petit Gérard.

Tous à vous en N.-S.

EYMARD, P. S.


Nr.2065

An Fräul. de Meeûs

Bruxelles 21 9bre 67.

Très honorée Mère,

J'espérais aller vous voir, je ne l'ai pu. J'aurais été bien aise de voir le R. Père Bonne, et l'assurer que cette fondation nouvelle est plutôt pour le bien de la 1re que contre. Son silence à ma lettre d'annonce m'aurait peiné si je ne savais ses occupations si multiples. J'aurais désiré un mot aussi de votre amour pour notre petite Société.

Dieu a voulu de moi ce sacrifice. Cependant je ne puis vous taire la satisfaction que j'ai éprouvée quand j'ai appris que vous aviez, Très Révérende Mère, supprimé la quête et la solde des chaises.

Pour l'oeuvre de Madame votre Tante, nous ne pouvons que la bénir, mais non nous en charger. S'il s'agirait pourtant de remplacer quelqu'un nous aimerons toujours à rendre service. Vous pouvez bien faire dire la 1e messe au R.P.Laurent (?), cependant sans promettre cette messe à l'autel de l'exposition; car vous savez la loi, puis je n'aime pas favoriser une dévotion qui dérogerait à un point canonique. J'ai donné des ordres pour que l'on fasse ce qui aurait dû être fait pour les fondations et les messes.

Je pars demain matin.

Agréez les sentiments bien respectueux en Notre Seigneur.

Très Révérende Mère

de votre très humble

Eymard,

sup. Congr. SSS


Nr.2066

An Frau Wwe. Maréchal

Paris 28 novembre 1867

Madame en N.S.

J'ai accompagné lundi frère Paul à St Maurice, je l'ai installé dans sa cellule et l'ai laissé heureux et généreux. En partant je lui ai promis de vous y conduire un jour, vous verrez ce lieu délicieux. Votre cher fils a été bien généreux - il y a dans cette volonté de quoi faire un grand saint. J'ai admiré dans lui l'amour du devoir, la vie de la loi - tout comme les autres - avec ces principes on va loin et on vole haut. Vous n'aurez pas perdu votre cher Paul, bonne Dame, je vous le garde avec le Bon Dieu, et il vous sera encore plus fils et plus utile.

Je désirerais bien aller vous voir et votre excellente mère dimanche. J'arriverai vers le soir du samedi comme autrefois.

Si donc je ne vous écris pas une contre nouvelle, je partirai samedi soir.

Je désirerais vous voir avant mon voyage à Marseille. Je devais partir demain, mais j'ai tant d'affaires que je le renvoie à plus tard.

Voici 3 grosses affaires qui me retiennent: l'achat d'une maison le 11 décembre, la 1e Communion de nos Ouvriers le 15, puis l'ordination le 21. Priez pour tout cela, je vous en prie.

Veuillez me rappeler au souvenir si bon de votre si bonne mère et à celui de vos chers enfants que je sais être près de vous en ce moment, et me croire en N.S., bonne Dame,

tout à vous.

Eymard S.G.


Nr.2067

An P. Leroyer

A. R. T.

Paris, 28 Novembre 1867.

Bien cher Père,

Il m'est impossible d'aller en ce moment à Marseille, malgré mon grand désir: dans seize jours nous avons une nombreuse Ière Communion et peut-être le 21 une ordination; ce qui me retient plus fortement, c'est la proposition de l'achat d'une maison pour nous; cette maison doit se vendre le 11 décembre. Si nous pouvions l'acheter, elle conviendrait très bien, placée rue Grenelle, St-Germain, en face du bon La Fontaine, ayant 1750 mètres de terrain. Nous sommes mal ici et n'y ferons jamais rien de sérieux: notre chapelle est trop petite et ne pouvons l'agrandir. Voilà, cher Père, les trois grandes affaires qui retiennent mon départ: elles sont trop majeures pour m'absenter; mais sitôt février, j'irai avec joie vous voir.

Je vous vois surchargés: aussi, quoiqu'avec cinq on puisse s'en tirer, je tâcherai de vous amener quelqu'un: il faut prier le Bon Maître de se choisir quelques adorateurs sur les lieux; que cette Provence est pauvre en vocations!

J'ai été bien édifié et consolé à Bruxelles: c'est le 17 novembre que nous avons mis Notre-Seigneur sur ce petit trône nouveau, au milieu d'une assistance nombreuse, pieuse et sympathique: ce quartier d'Ixelles est très pieux, et nous a accueillis avec joie.

Le 21, profession des PP. Cardot et Crépon, des ff. François et Vincent. Monsieur le Curé de la Paroisse y a assisté et a dîné avec nous, c'est un saint prêtre.

Cinq religieux sont avec le P. Champion dans la nouvelle maison, savoir: le P. O'Kelly, les ff. François, Théodore et Vincent; dans la maison des XII Apôtres, ce sont: P. Crépon Sup, P. Cardot et trois nouveaux frères du pays.

P. Augonnet nous a quittés pendant mon absence; c'est lui que je voulais envoyer à Marseille à la place du P. O'Kelly, mais il n'a pas cru que sa santé fût assez solide, et il s'est retiré.

Il y a quelques vocations commencées et qui s'éprouvent.

A bientôt, cher Père, car je désire bien vous voir et toute votre maison.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

EYMARD, S.


Nr.2068

An Frater Paul-Maria Maréchal

Paris 29 novembre 1867

Bien cher frère et ami,

Je vous renvoie le livre de Piny, afin que vous le copiiez. - Corrigez en écrivant ce qui est d'un style suranné. - Impossible de le trouver. - Ne vous fatiguez pas trop - mettez-y simplement votre temps libre; je n'irai à Marseille que vers Noël.

J'ai écrit hier soir à votre bonne Mère que j'irai voir samedi soir. - et le dimanche - j'irai lui donner de vos bonnes nouvelles.

Trouvez Dieu, cher ami, dans le calme et la paix de la solitude, il est plus facile de l'y trouver ainsi. Goûtez Dieu en sa bonté sur vous et suivez les sentiers de sa divine Providence qui vous a amené si suavement et si fortement où vous êtes en ce moment.

Etudiez bien N.S. en son divin Sacrement et vous serez aussi heureux qu'on peut l'être en cette voie du Ciel.

Croyez-moi toujours en N.S., cher frère et ami, Tout à vous.

Eymard


Nr.2069

An Gräfin v. Andigné

Paris, Immaculée Conception, 1867.

Madame en N.-S.,

Je viens en ce beau jour vous écrire quelques lignes. J'ai bien lu votre dernière lettre, et je vois que votre âme est un peu triste, et quelquefois stérile devant Notre-Seigneur. C'est là la condition de cette pauvre vie d'exil et de misères. Il faut s'y attendre, le soleil du Paradis n'y luit pas toujours, mais il y a toujours assez de lumière pour en voir et en suivre le sentier étroit et qui va toujours en s'élargissant pour l'âme fidèle.

Et bien plus, vous marchez en la compagnie de Notre-Seigneur, vous restez avec lui, êtes-vous heureuse! - Jésus Sauveur faisant votre salut avec vous; ce Jésus, Juge futur, que vous craignez tant, qui vous fait si peur et qui cependant travaille avec vous et s'associe à votre vie et à vos actions. Il se jugera donc lui-même en vous jugeant, il sera donc bon et toujours bon; ne le faites donc pas méchant, sévère; vous n'oseriez pas le faire d'un coeur ami et fidèle.

Je serais content, si vous vous serviez des épines et des mauvais temps du chemin pour trouver Notre-Seigneur meilleur encore. On aime le feu quand on revient d'un lieu froid; on aime encore plus le bon Maître quand on a passé par un moins bon.

Nous avons besoin que le chemin de la terre promise ne soit pas trop beau et trop aimable, on s'attacherait au désert et au chemin.

Notre-Seigneur vous aime trop pour vous laisser heureuse sans lui et hors de lui.

Votre vie serait trop naturelle, si vous aviez la sympathie de la vie. Laissez faire Notre-Seigneur et suivez-le avec amour et reconnaissance de tout.

C'est dimanche prochain que trente-huit petits ouvriers vont faire leur Première Communion à la Messe de 8 heures. Que n'êtes-vous ici! Pauvres enfants! pauvres de tout et en tout, excepté en la bonté de Dieu. Leurs vêtements sont faits. Dieu les payera, car nous n'avons plus rien.

N'est-ce pas le dimanche de la Septuagésime qu'aura lieu le sermon à Sainte-Clotilde? Nos quêteuses vont me faire défaut en partie; pensez aux vôtres.

Je vous laisse pour aller chanter la sainte Messe et je prierai bien pour vous, pour Monsieur et votre bonne petite Charlotte. Je pense qu'elle n'oublie pas l'étole de son ornement qui me fait toujours plaisir, parce qu'il vient d'elle.

Je vous bénis en Notre-Seigneur.

EYMARD.


Nr.2070

An Frau Gourd

Paris, Immaculée Conception 1867.

Chères filles en N.-S.,

Je suis toujours à Paris au milieu de mille choses à faire. Je ne pense aller à Marseille que vers le commencement de janvier. Je vous en avertirai d'avance.

Je prie bien pour vous et serais bien désireux de vous voir; notre bon Maître me donnera cette satisfaction dans peu.

En attendant je vous vois en Notre-Seigneur en qui vous m'êtes toutes deux toujours présentes.

Vous êtes toutes siennes, comme il est tout vôtre; faites bien ce qu'il dit et lui plaît. Laissez-vous bien conduire par sa douce et sainte Volonté; regardez les nécessités de la position et de la vie comme des lois actuelles de sa divine Volonté; les exigences des devoirs et les convenances de votre position comme des marques de sa sainte Volonté.

Toute la vie d'une âme de Dieu est dans ces deux lois: Dieu le veut ou Dieu ne le veut pas.

Toute la perfection de l'amour consiste à faire chaque chose comme Dieu le veut et dans l'esprit de Dieu.

La meilleure grâce est la grâce de notre état intérieur, qui devient alors notre forme et notre loi d'action.

Consultez-la toujours.

Je vous laisse, chères filles, à Notre-Seigneur que je vais consacrer et offrir à son Père céleste. Vous en aurez la large part.

Je vous bénis bien en N.-S.

EYMARD.


Nr.2071

An Frau v. Grandville

Paris, Immaculée Conception, 1867.

MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,

J'ai bien lu votre lettre de retraite, je viens d'y répondre comme à l'ordinaire en toute simplicité.

Primo: Dieu vous aime d'un amour privilégié et tout miséricordieux; il vous donne beaucoup de grâces, il vous veut toute à lui; mais son amour est contrarié par votre misère trop vue, trop sue, toujours trop présente; ce qui refroidit votre coeur, et l'agite; cela ne peut être autrement. Puisque votre pauvre âme est presque toujours en reproches et en fautes, il faut pourtant changer de chemin: celui que vous suivez est trop épineux, et ne vous avance guère. J'accepte ce que vous dites que vous allez en déclinant; mais ce n'est pas le moyen efficace de s'arrêter dans cette pente, de se désoler, d'y glisser.

Croyez-moi: mettez-vous plus de côté avec Dieu, voyez un peu plus sa bonté en détail, sa divine Providence en action. Partez donc de son amour d'autant plus grand que nous sommes plus indignes; Dieu, nous aimant pauvres et infidèles, mérite encore plus notre reconnaissance: ce serait le moyen de se relever et de prendre courage. C'est ce que vous allez faire de suite, et vous oublier; vous verrez bien mieux vos fautes en la miséricorde de Dieu, qu'en vous-même.

Recueillez-vous non en vous, ni en vos actions, mais en cette divine bonté; au moins vous aurez un ciel plus pur et un soleil plus vivifiant. Vous ne goûtez pas assez Dieu en lui-même.

Gardez donc vos cent paires de draps et vos autres objets mobiliers et personnels. Surtout, ne vous négligez pas dans vos vêtements personnels: il faut aller plutôt vers le plus que vers le moins, parce qu'à votre âge on serait plutôt négligent et négligé. Je vous en prie, ne vous défaites pas de ce que vous avez et entretenez-le. Cependant, il me semble que vous avez assez de linge et qu'il faut s'arrêter là. Quant aux livres, anciens surtout et nouveaux, je vous engage plutôt à vous les procurer qu'à vous en priver: ce sera toujours un bon meuble pour vous et pour les autres.

Je ne suis pas encore allé à Marseille, je pense y aller après les fêtes de Noël. J'aimerais bien aller à Angers et à Nantes, mais le vent du Ciel n'est pas encore de ce côté-là.

Je vous bénis en N.-S., en qui je suis

Tout à vous.

EYMARD, S.


Nr.2072

An Kardinal Barnabò

Nota: Cette lettre ne concerne pas l'affaire du Cénacle. On a jugé bon de la joindre aux 3 autres, étant adressée au même destinataire.

Paris 22 décembre 1867, 112 Boulevard Montparnasse

Monseigneur,

J'ai l'honneur d'envoyer à Votre Eminence, selon l'ordre qu'Elle m'en fait par sa lettre du 14 courant mois, les deux Rescrits émanés de la S. Congrégation de la Propagande. Le premier me fut demandé par un Nonce de Sa Sainteté à qui j'avais rendu quelques services en faveur de sa difficile mission en 1848; ce Rescrit concerne les malades et infirmes.- La difficulté pour eux de réciter 20 Pater, 20 Ave et 20 Gloria Patri, conditions ordinaires, se trouvait mitigée par une plus courte prière que je fixais dans ce cas: je n'ai fait d'ailleurs que suivre ce qu'avait déterminé Mgr Douarne Vicaire Apostolique de la Nouvelle Calédonie qui avait un semblable Rescrit.

Je me suis souvent plaint de certains billets faux qui renferment des conditions erronées et les corrige á toute occurrence.

Je sais que cette faveur du S. Siège a réveillé quelques susceptibilités. Votre Eminence en est le Juge. Elle gardera ou me renverra selon sa sagesse, ces deux Rescrits. Dieu me garde de vouloir faire un bien qui ne serait pas selon l'esprit et la piété du Don qui m'a été fait par Sa Sainteté à votre prière, Monseigneur.

C'est avec le respect le plus profond que je baisse votre Pourpre sacrée et que j'ose me dire en N.S.J.C.

De Votre Eminence, Monseigneur,

Le très humble et très obéissant serviteur.

Pierre Eymard

Sup. Cong.SS.St.


Nr.2073

An Herrn Amadeus Chanuet

Paris 26 décembre 1867

Cher Monsieur Amédée,

Je ne sais encore quand je pourrai aller à Lantignié, écrasé d'ouvrage et à la veille du jour de l'an, il faut que je me résigne à rester encore à Paris. Je vous assure qu'il m'en coûte de ne pouvoir me rendre à votre aimable invitation en ce moment.

Le P. Chanuet m'a dit un mot couvert de vos projets de Bauzon; je n'ai plus grâce pour cette branche adoratrice, elle a sans doute toutes mes sympathies eucharistiques. J'ai pour Sr Benoîte et Sr Philomène une paternité de préférence. Je serais trop heureux de les savoir heureuses en leur grâce eucharistique; mais pour moi les choses sont changées. Je ne puis pas, de par Rome, être cause active, et alors je ne puis que prier et me taire.

Agréez et veuillez faire agréer à Madame Blanche, tous mes voeux de bonne, sainte et heureuse année.

Je vous bénis et toute votre bonne famille que j'aime comme la mienne.

Tout à vous en N.S.

Eymard Sup.


Nr.2074

An Frau Lepage

Paris, 26 Décembre 1867.

BONNE DAME LEPAGE ET CHERE FILLE EN N.-S.,

Me voici un peu stable depuis aujourd'hui, j'accours vers vous, vous m'avez écrit.

Je suis allé en Belgique, je voulais voir nos nouveaux époux. Je les ai vus, tout me paraissait bien et ils se disaient heureux; j'aurais voulu voir la jeune mariée et lui faire la leçon. Elle est heureuse, elle me l'a dit, mais Mr Claudius l'est-il autant? je le crois. Je vais aller les voir au premier jour libre et leur rendre leur visite. C'est une bonne oeuvre que nous avons faite tous, n'en ayez pas du regret; tout va bien et tout ira bien. C'est à Bruxelles que j'ai lu votre lettre! Si j'avais été plus près de vous, je serais vite allé vous dire: N'écoutez pas cette peine, elle est sans fondement, c'est la tentation du bien.

Laissez-moi vous souhaiter ma bonne année. Oh! oui! bonne, sainte et joyeuse au service du Bon Dieu!

Soyez en paix! Dieu vous aime comme son enfant de prédilection!

Soyez en confiance! Dieu ne vous a jamais rien refusé ni ne vous refusera rien.

Soyez patiente sur vous, votre épreuve passera, elle est l'épreuve de la délicatesse et aussi de la croix; mettez-vous bien dans la sainte obéissance pratique, faites tout comme si vous n'aviez pas de peine.

J'en réponds, vous êtes agréable à Dieu. Aimez-le bien ce bon Maître et il vous cachera dans son manteau aux jours de la tempête; et là on n'a rien à craindre, on dort en paix.

Je vous bénis, chère fille, donnez-moi de vos nouvelles.

Après le jour de l'an je partirai pour Marseille et pour une quinzaine de jours. Et vous, quels projets avez-vous?

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.


Nr.2075

An P. Colin

Nota: A la fin de 1867, le P.Colin allait mettre la dernière main à ses Constitutions; il demanda au P. Eymard de prier à cette intention. Le Père lui répondit:

/Paris/ 26 décembre 1867

Je vous ouvre toute la cataracte de grâces et de mérites pour l'intention que vous me marquez et je le fais avec bonheur: car j'en viens de cette belle et aimable Société de Marie. J'y suis et j'y serai de coeur jusqu'à ma mort. Je brûle d'envie de revoir le Père Fondateur.

Eymard


Nr.2076

An Gräfin v. Andigné

Paris, 26 Décembre 1867.

Madame en N.-S.,

Je viens tout d'abord vous remercier de vos 200 francs. C'est toujours vous qui les avez demandés, et par conséquent vous êtes pour beaucoup dans le don et la charité.

Notre Première Communion a été bien édifiante; jamais je n'avais eu des enfants si édifiants et si recueillis. Le bon Maître aura été content de ces petites âmes bien préparées. Dans l'après-midi, Mgr Amanthon est venu les confirmer et en a été touché.

Voilà notre petite oeuvre commune; elle ne fait pas beaucoup de bruit dans Paris: heureux si elle en fait beaucoup devant Dieu! J'ai reçu l'étole de Mlle Charlotte, et je l'en remercie bien, ainsi que de son petit mot. Son ornement fait nos secondes fêtes, et il a servi à l'ordination du frère Jules, samedi 21.

Je désire bien vous voir venir bientôt à Paris; ne faites rien contre, faites pour au contraire, pour la plus grande gloire de Dieu.

Si mon âme m'était chère au point de vue naturel, je demanderais de toutes mes forces à Dieu de vous ôter vous-même à vous-même; mais je ne puis me fâcher contre le bon vent qui enfle la voile vers le port bienheureux de Dieu: le navire va plus vite, quoique plus agité.

Les péchés les plus mauvais et les plus punis sont les péchés de plaisir; on souffre beaucoup en Purgatoire pour les péchés d'affection. Or, vous n'en avez pas, Dieu vous fait une grande grâce de mettre votre coeur comme votre vie au milieu des épines du désert: c'est votre plus grande grâce de salut. Vous ne vaudriez rien dans le bonheur naturel, Dieu le sait. Mais vous avez encore une trop grosse tentation, c'est celle de la paix et du bonheur spirituel au service de Dieu. Vous êtes trop sensible sous ce rapport; aimez et servez Dieu pour Lui-même, en amour de sa sainte Volonté sur vous, en quelque état qu'il vous mette, et vous aurez une paix au-dessus des vicissitudes humaines et mêmes pieuses.

Laissez-moi vous souhaiter à vous toute la première une bonne, une sainte, une eucharistique année pour l'amour et la gloire de Notre-Seigneur et le contentement de son Coeur en votre coeur.

Je vous bénis en ce bon Maître.

EYMARD.


Nr.2077

An Frau v. Grandville

Paris, 26 Décembre 1867.

MADAME BIEN CHERE EN N.-S.,

Je viens vous rendre vos voeux de bonne année. J'allais le faire quand votre lettre m'est arrivée ce matin; et probablement, le jour de l'an et les jours qui suivent, je serai en chemin de fer vers Marseille où je crois rester une dizaine de jours (7, rue Nau). Que Jésus soit votre centre divin: voilà tout mon voeu; mais centre absolu et universel - c'est-à-dire l'inspirateur de vos pensées et de vos désirs, le mobile de vos actions, la loi de votre amour, la mesure de vos sacrifices.

Je voudrais bien vous voir vivre de Dieu!

Mon Dieu, chère fille, que nous vivons donc de nous-mêmes, par nous-mêmes, et pour nous-mêmes! Vie bien négative, car nous ne sommes presque occupés que de nos péchés et de nos fautes, de nos imperfections à guérir et à déplorer! C'est ce qui me crucifie tant pour moi-même.

Quand donc aimerons-nous Dieu pour Lui-même! Quand ses divines perfections seront-elles la douce occupation de nos oraisons! sa divine et infinie bonté, le sentiment habituel de notre affection! son amour en sa vie et ses mystères, l'occupation habituelle de notre piété! Hélas! toujours occupés de nous! et de ce pauvre monde! le feu céleste fume à peine! Ah! qu'il est grandement temps de vivre de Jésus pour ne glorifier que Lui! Tâchez, dans votre retraite du mois, de vous occuper de ces pensées.

Je vous bénis bien paternellement en N.-S., en qui je suis

Tout à vous.

EYMARD, Sup.


Nr.2078

An P. Audibert

Paris, 26 Décembre 1867.

Bien cher Père,

Je vous suis bien reconnaissant de vos bonnes lettres, qui me font toujours tant de bien au coeur; car c'est un coeur ami et vieil ami qui les écrit et un grand amour de la Société qui les inspire, et plus que tout cela, l'amour de notre bon Maître. Merci, cher Père, de vos voeux; je sais combien ils sont vrais et dévoués; que Dieu vous les rende au centuple, il vous les rendra: il faut bien qu'il paye mes dettes toujours si grandes.

Vous avez la première mission dans la Société de bâtir la première église modèle; vous avez livré pour cela de longs et de durs combats, la victoire vous est restée, et vous en serez béni jusqu'à la fin, tant qu'il y aura une pierre debout.

Nos ordinands m'ont occupé, c'est vrai, puis une première communion nombreuse, et surtout l'affaire d'une maison à acheter, rue Grenelle, St-Germain 11 et 13, maison du bureau du journal Le Monde. Nous l'avons manquée à l'enchère de 50 fr., aujourd'hui je n'en suis pas bien fâché, car elle devenait chère, puis nous aurions été bien embarrassés.

Vous savez peut-être la catastrophe qui nous atteint si profondément, la faillite Le Clère; on dit que si on a le 60 %, il faut être content, et nous avons là 67.000 fr., et moi je comptais là-dessus pour une somme pour vous. Je les pressais depuis longtemps; hélas! quelle épreuve! elle a paralysé ma plume comme ma joie, car vous en souffrez, cher Père.

Je vais envoyer le P. Billon à Marseille remplacer le Père O'Kelly, et aussi afin qu'il vende sur les lieux la maison qu'il y possède.

J'aurais bien vendu pour une somme suffisante quelques obligations Pontificales, mais elles sont si basses que nous y perdrions trop; puis elles ne sont pas encore cotées.

Vous voyez, cher Père, que les soucis ne manquent pas; mais le Bon Maître est là, et nous soutient et nous console par le bon esprit et la ferveur de tous les membres de la Société. Le noviciat commence à se garnir un peu, ils y sont en tout dix-sept; trois parisiens y sont entrés et de bonne famille: cela aidera les autres.

Je peux aller à Marseille au commencement de janvier; ils me réclament depuis si longtemps.

Je viens d'écrire à la pauvre Mère Marguerite, j'écrirai pour le jour de l'an à Mgr d'Angers.

Si j'ai un jour, j'irais avec bonheur visiter votre chère famille.

Croyez-moi toujours en Notre-Seigneur, bien cher Père,

Tout vôtre.

EYMARD Sup.


Nr.2079

An Marg. Guillot

Paris, 26 Décembre 1867.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Je viens vous remercier de vos étrennes spirituelles et de vos voeux si bons pour moi. Je vous les rends de toute mon âme, et demande à Notre-Seigneur qu'il vous console de tant de peines, vous soulage de tant de souffrances et vous donne la joie et le bonheur de son saint service.

Vous avez bien souffert cette année, pauvre fille! Il y avait là de quoi faire mourir, si la grâce du bon Dieu n'était plus grande que la croix!

Dieu en a tiré sa gloire, et vous en aurez tiré un bon mérite pour le Ciel. Mais il ne faut pas laisser la croix vous renverser par terre, il faut être plus forte qu'elle, - et surtout la porter comme une semence de la gloire de Dieu. Ainsi relevez-vous, reprenez courage et force: je le demande à Notre-Seigneur pour vous et vos filles.

Je ne vous ai pas écrit parce que je n'ai guère de courage, ayant craint les effets d'un effort que j'avais fait, et ne pouvant trop écrire. Aujourd'hui je suis mieux; j'ai craint une hernie, le médecin m'a rassuré.

Je n'ai pas donné les 600 francs à Mr False, c'est tout ce dont je me souviens. Il faudra donc en finir avec lui; je vous renvoie sa lettre. Il n'y a rien à y objecter; il pourrait vous faire de l'ennui, surtout le réclamant absolument.

Qu'ai-je fait de cette somme? - Je n'en sais rien: dans ce temps de Nemours, tout était absorbé.

Cette affaire n'est pas encore finie, vous ne sauriez croire l'ennui que cela nous donne.

J'ai envoyé à Nemours notre avoué pour tout régler avec le notaire et cette misérable demoiselle. Malgré qu'elle ait été avisée de cela par le notaire, elle n'a pas voulu venir recevoir son argent; mais maintenant nous n'avons qu'à nous tenir tranquilles: le compte est réglé avec son notaire.

Nous avons été obligés de rembourser à Mlle Sterlingue les 25.000 francs placés pour ses messes chez Mr Le Clère. Nous avons été obligés de faire un emprunt pour cela; impossible de reculer, puisque sans cela elle ne voulait pas signer l'acte.

Hélas! pauvre créature, elle nous a bien victimés et enlevé ce qui n'était pas son bien. Que Dieu lui pardonne, comme je lui pardonne et demande à Dieu son salut!

J'ai vu Mr Le Clère. Votre prêt, étant sur la société en commandite de la liturgie, vous n'êtes pas en faillite comme nous. Nous y avons 67.000 francs sur lesquels nous comptions. Que Dieu en soit béni! Il n'y a rien à faire en ce moment, je vous tiendrai au courant.

Je dois toujours aller à Marseille; je pense le faire vers le commencement de janvier.

Envoyez tout ce que vous pouvez de ce que demande soeur Philomène. Je comprends la demande de ses bijoux, mais le reste vraiment n'en vaut pas la peine.

J'ai gardé envers tout le monde le silence. Je sais que soeur B. ne va pas très bien, mais vous savez que c'est son état.

Je les plains bien plus qu'elles ne souffrent peut-être.

Je vous bénis, chère fille, et vous prie de prier pour moi, j'en ai besoin.

EYMARD.

Sup.


Nr.2080

An Fräul. Julia Bost

Paris, 26 Décembre 1867.

CHERE FILLE EN N.-S.,

Je voulais rendre ma visite à nos nouveaux mariés avant de vous répondre. Je ne l'ai pu encore.

J'ai été bien content de la voir: on voit combien votre frère est délicat et combien cette jeune mariée est heureuse! Je n'ai point vu de nuage.

Je les verrai plus personnellement et je vous en dirai mes impressions.

Mais consolez-vous et réjouissez-vous. C'est une grande chose que vous avez faite en les mariant. Grande grâce de salut! J'en suis encore tout heureux, car j'aime ce brave Claudius. Je ne lui croyais pas tant de qualités.

Et vous, bonne et vieille fille, vous êtes l'enclume de la croix; c'est bon cela, car cette enclume n'en devient que meilleure. Le blé bien battu est tout pur, et la flamme la plus active est la plus pure. Il faut bien que chacun de vos parents vous coûte quelques coups de marteau.

Soyez toujours dans le bien de la position et surtout dans le bien de Dieu et du prochain. C'est là le grand secret de la vie spirituelle, et du bonheur de ce monde, vous le savez bien, car je trouve que vos pensées se sont bien mûries sous le soleil de l'épreuve.

Aimez toujours bien Notre-Seigneur comme votre coeur s'est donné à lui et en a besoin.

Tout à vous en Jésus-Christ.

EYMARD.


Lettres précédentes / Lettres suivantes

Index Lettres Vol VI / Index allemand / Index général