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Nr.2101

An P. Heinrich Billon

(à la suite d'une lettre du R.P. Stafford)

Paris 12 février 1868

Cher Père Billon,

J'ai regretté en partant de ne pas vous revoir. J'ai chargé les frères de vous dire tous mes bons adieux.

Veuillez exécuter promptement le retour de cette pièce en règle. - Je suis très peiné d'être obligé d'en venir à une emprunt. Si au moins vous pouviez vendre votre maison, cela nous sortirait d'embarras. Assurément, cher Père, je ne veux nullement influencer votre volonté sur cela: vous nous avez offert si souvent votre concours et de si bon coeur que je ne puis supposer jamais un retrait de ce sentiment si filial pour la Société - votre mère.

Croyez-moi bien, la décision que je vous ai donnée sur vos biens reste telle, seulement, sur votre offre je comptais un peu sur la vente de votre maison pour S. Maurice dont vous êtes copropriétaire. - Il ne s'agit pas seulement de 20.000 mais de 40.000 frs, - que ce malheureux frère Eugène m'a fait dépenser.

Vous avez bien oublié, cher Père, la lettre que vous m'aviez promise le jour même - prenez garde à cette disposition de retarder toujours, elle est bien triste.

Je vous suis en N.S., cher Père, Tout affectueusement uni

Eymard.


Nr.2102

An Marg. Guillot

Paris, 13 Février 1868.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Je viens de voir notre avoué pour nous représenter ainsi que vous, samedi prochain, à l'assemblée du tribunal de commerce, pour statuer sur la faillite Le Clère. Il faut m'envoyer de suite deux feuilles de papier timbré de 50 centimes; au bas de la page vous ferez écrire par la main et le nom de Chabert et de Bourne ces mots: Bon pour pouvoirs de me représenter à la faillite Le Clère.

Ici: signature.

Je n'ai pas le temps de vous écrire plus long. Je le ferai plus tard. Le courrier presse.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.


Nr.2103

An P. Leroyer

Paris, 13 Février 1868.

Bien cher Père,

C'est bien aussi à moi de vous remercier de votre bonne réception et de votre dévouement si constant à la gloire de Notre-Seigneur et au bien de la Société!

Nous avons tant d'affaires sur les bras et les temps sont si mauvais que je préfère attendre pour Marseille; acheter un terrain, c'est peu, mais bâtir doublera la dépense.

Vous faites le bien là où vous êtes, pour le moment; les terrains iront toujours en baissant de valeur, car les affaires vont si mal! Nous n'y perdrons rien pour attendre encore; c'est là ma grande préoccupation du moment.

Je vous envoie la lettre que j'écris à Madame la Supérieure; si elle accepte et paie les intérêts de suite, nous nous en tiendrons là; si elle fait encore des difficultés, alors je laisserai Mr Guérin commencer et faire le procès; Mr Martini attend sans doute l'assignation, et moi j'ai tout fait pour l'arrêter: ils verront que Mr Guérin est plus fort qu'ils ne le pensent.

Veuillez lui porter vous-même cette lettre et en attendre le résultat.

Regnum Coelorum vim patitur.

Regnum Dei pax et gaudium in Spiritu Sancto.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD, Sup.

P.S. J'ai trouvé ici tout le monde à son devoir et bien portant.

Au R. P. Leroyer,

Supérieur des religieux du T. S. Sacrement,

7, rue Nau, Marseille.


Nr.2104

An Fräul. de Meeûs

Paris, 14 février 1868

Très Révérende Mère,

Le Père Champion m'annonce que vous m'avez écrit il y un mois et demi. Cette lettre est sans doute restée à Paris; j'en ignore le contenu, étant parti dès le commencement de janvier pour visiter nos maisons du midi.

Je viens donc vous en faire mes excuses. Je regrette bien ce retard. Je dois aller à Gand donner la neuvaine expiatoire que me demande Madame de Courtebonne, sur l'avis du R. Père Directeur de l'Oeuvre, et s'il est encore temps, vous me direz ou m'écrirez les pensées de votre lettre qui réclamait une réponse peut-être.

J'apprends avec grande peine que le bon Père Crépon est fatigué; je le regrette pour la Chapelle, car on doit l'entendre avec plaisir.

Peut-être se décourage-t-il? Il me dit qu'il ne prêche plus faute d'auditeurs. Vraiment je ne comprends pas cela pour les âmes qui aiment un bon prédicateur, car le P. Crépon assurément a cette qualité. Sans doute c'est une épreuve de Dieu.

Je me recommande bien à vos prières, très révérende Mère. Je le fais bien pour vous et votre pieuse Congrégation.

Agréez les sentiments religieux;

très Révérende Mère,

de votre respectueux et obéissant serviteur.

Eymard

Sup. SSS.


Nr.2105

An Frau Modave

Paris 14 février 1868

Madame en N.Seigneur,

J'ai bien regretté à mon dernier voyage de n'avoir pas pu vous revoir. J'ai bien pris part à votre peine autour de votre cher malade; j'ai bien prié pour Monsieur et pour les deux soeurs.

J'espère bien que N.S. aura allégé les souffrances et que tout est bien en ce moment.

J'espère, bonne Dame, avoir la consolation de vous voir vers le milieu du Carême allant à Bruxelles. - Ménagez vos frêles santés, il y a un long chemin à parcourir pour le service et la gloire du Bon Maître.

Que Dieu vous comble de ses plus paternelles consolations.

C'est en sa divine charité que j'aime à me dire, Bonne Dame,

Votre tout dévoué.

Eymard.


Nr.2106

An Fräul. Thomaz de Bossière

Paris, 14 février 1868.

Mademoiselle en N.-S.,

Comme je suis en retard avec vous! J'avais commencé une lettre pour le premier jour de l'an, et cette lettre restée inachevée est devenue comme un bouquet après la fête. Cependant laissez-moi dire pour ma consolation, Mademoiselle, que je vous ai bien souhaité une bonne année dans mon coeur devant Dieu, mais une de ces années qui valent à elles seules toute une vie.

Elle a été belle, cependant, l'année qui vient de s'écouler, puisque Sainte-Anne (1) est là toute fleurie de jeunesse et d'espérance. Que sera-ce quand les fleurs auront vu le beau soleil du printemps et de l'été!!!

Que vous êtes heureuse, Mademoiselle, d'avoir l'honneur et le bonheur d'être plus que Marthe à Béthanie! plus que Jean Marc l'heureux maître du Cénacle! Vous devez aimer la vie, pour avoir le temps de jouir comme Salomon du temple eucharistique qui doit être le trône de la grâce et de l'amour pour tant d'âmes fidèles.

Que Dieu vous conserve longtemps, Mademoiselle, pour sa gloire et notre consolation!

J'espère avoir l'honneur de vous voir vers la seconde semaine du Carême, et vous dire encore mon regret et mon dévouement.

Veuillez agréer les hommages religieux et bien eucharistiques,

Mademoiselle,

De votre très humble et respectueux serviteur.

EYMARD,

Sup. Cgnis S.S.S.


Nr.2107

An Marg. Guillot

Paris, 15 Février 1868.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Il faut m'envoyer les billets de soeur Félicie et de soeur Louise. Il aurait fallu mettre au bas de la page l'écriture et la signature. Si les feuilles ne sont pas bonnes, je vous l'écrirai.

C'est heureux que soeur Marie ait placé sur la société liturgique, au moins vous ne perdrez rien.

J'ai vu à Marseille Mr Coste, j'ai été content de lui. Il m'a dit qu'il irait à Angers en mai prochain. Je lui ai offert une amicale hospitalité chez nous à Paris.

Je lui ai fait votre commission pour la vente Lieutaud; il m'a dit qu'il ferait tout son possible.

Je ne puis, chère fille, vous préciser le jour de mon voyage à Angers; il faut que je le fasse, ou au commencement du carême, ou vers le dimanche de la Passion: cela va dépendre d'un voyage à Bruxelles.

Je désire et demande votre guérison; la maladie que vous me nommez ne tue pas comme cela. Avec un régime suivi, on peut vivre longtemps; d'ailleurs Notre-Seigneur et la Très Sainte Vierge vous ont déjà guéri de tant d'autres graves maladies!

J'ai vu, en allant à Marseille, soeur Benoîte et soeur Philomène. Soeur Benoîte est dans le même état d'âme et de corps. Soeur Philomène en a un soin bien grand. Elles souffrent, ces pauvres filles, loin de l'Exposition du T. S. Sacrement.

Le bon Maître permet sans doute une telle épreuve pour le plus grand bien; elles ne veulent pas d'Angers où elles trouveraient ce qui leur manque!

Voilà soeur Benoîte sans les rentes Le Clère. Voyez, chère fille, comme le bon Dieu lui a toute ôté...

On ne vous a pas bien dit ma pensée: je ne veux pas faire un ordre mixte, mais je voudrais voir des fraternités eucharistiques s'établir autour de tous les Tabernacles du monde, afin que Notre-Seigneur eût des adorateurs partout; de là à un couvent, il y a bien loin!

Adieu, chère fille; je vous bénis en Notre-Seigneur, et toutes vos filles.

EYMARD.


Nr.2108

An Herrn Amadeus Chanuet

Paris 22 février 1868

Cher Monsieur Amédée,

Je voudrais aller vous donner une réponse à Lantignié sur votre belle idée de la confrérie de la Toussaint, mais impossible, - 15 jours en retard - de grosses affaires qui m'attendaient, - il fallait vous saluer de loin, - et maintenant nous voici fatigués de la grippe, - Dieu en soit béni!

Assurément j'aime bien votre idée de faire un centre (de) dévotion de Tous les Saints dans votre jolie chapelle et je me proposais de vous trouver le plus de reliques possible - Quant à l'établir canoniquement, c'est difficile, - il faut absolument le concours ardent et constant de Son Eminence auprès de Rome.

Si je pouvais y aller bientôt, je tâcherais de vous être utile dans cette réalisation précieuse.

J'ai été heureux des quelques jours passés à Toussaint. Je vous en remercie, on est là en vraie famille.- Veuillez remercier aussi l'excellente bonne Dame Blanche pour moi, lui dire que je ne l'oublie pas, ainsi que ses chers enfants.

J'ai été bien heureux de passer une bonne soirée avec la famille de St.Bonnet! il m'est resté comme un parfum délicieux de sa visite et aussi une admiration toujours croissante de la belle mission de Mr. de St. Bonnet.

Adieu, cher Monsieur Amédée, Toujours tout à vous en N.S.

Eymard S.

Monsieur Amédée Chanuet.


Nr.2109

An Sr. Bénédicte

Nota: Lettre adressée à Sr. Benoîte ou Sr. Philomène, alors à Lantignié, dans la famille Chanuet.

Paris, 22 février 1868

Chère fille en N. S.,

Je viens vous dire mes regrets de n'avoir pu retourner à Lantignié, de grosses affaires d'argent m'appelaient à Paris; j'étais trop resté à Marseille.

+ /ici la feuille a été coupée sur un espace de 28 mm. correspondant à quatre lignes d'écriture/

Dieu veut me faire

j'en ai besoin.-

Je suis toujours dévoré ici, Dieu le veut.

J'ai parlé au P. Chanuet de votre désir; il y trouve tant d'obstacles qu'il faut y renoncer, à cause des mauvaises gens du pays, dit-il, et du fr. Eugène qui y et s'y conduit mal.

J'ai été heureux d'apprendre par Mme de Thièvres que vous étiez ressuscitée.- Dieu en soit béni!

Ma soeur et Nannette m'ont bien dit de vous dire tout leur coeur; je leur avais dit que j'irais vous voir; elles vous aiment bien.

Madame d'Andigné est toujours au Lion d'Angers.

On me demande à Angers, de tous côtés, si je ne suis pas trop fatigué; j'y irai vers le 1er dimanche de Carême.

La mère est toujours bien malade; elle a le diabète sucré, maladie mortelle.

+/ici au verso, même remarque que plus haut/

vous, il paraît qu'elle est aveugle. Je la plains bien.

Priez bien pour moi. Je suis si triste et presque anéanti!

Notre Seigneur me laisse dans un grand désert, sans doute je le mérite.

Je vous bénis, chère fille; quoique mieux, suivez bien votre régime, même en carême.

Tout à vous en N. S.

Eymard.


Nr.2110

An Frau Eulalie Tenaillon

24 Février 1868.

CHERE FILLE EN N.-S.,

Merci de votre lettre. Oui, allez voir votre mère et votre père et ne jeûnez pas, faites gras les jours gras, et soignez un peu votre santé et revenez-nous mieux portante.

Volez Notre-Seigneur quand vous le pourrez; cependant il faudra en faire de temps en temps le sacrifice pour le bien de la paix de famille, parce qu'ils ne peuvent porter ce fardeau qui est si léger pour l'âme qui aime Jésus-Hostie.

Ne vous inquiétez pas de moi. Je vais mieux, mon point de côté diminue, ma toux s'apaise et les douleurs de tête se dissipent dans la journée.

J'ai assisté au dîner d'aujourd'hui.

Adieu, chère fille, je vous bénis et vous donne un bon Guide en qui je suis

Tout à votre âme.

EYMARD.


Nr.2111

An Marg. Guillot

Paris, 25 Février 1868.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Je suis fortement grippé depuis dix jours et consigné dans ma cellule. Cette grippe a dégénéré en fièvre catarrhale.

J'espérais aller vous voir dimanche prochain, mais je ne le crois guère possible. Puis je n'aurais pas le courage de vous donner les exercices de la retraite.

Je remercie Dieu de cette petite retraite pour moi; au moins je suis un peu seul... (Trois lignes et demie effacées).................................................

......................................................

Je prie Dieu de vous guérir, chère fille, et vous bénis en Notre-Seigneur.

Je vais mieux, ne vous inquiétez pas de moi.

EYD.


Nr.2112

An Frau v. Thièvres

Paris 25 février 1868

Bonne Dame,

Merci de votre bouquet, de votre bonne lettre et de tous vos sentiments. Je bénis Dieu de vous savoir en bonne santé, et je le crois, en bon état d'âme, malgré vos absurdes pensées etc., tout cela doit être traité comme la fumée; on ouvre les portes pour la faire fuir; comme la poussière: on la secoue sans la compter, ni l'examiner; comme un mauvais coup de vent, un grain de mer: on s'en gare.

Vous avez communié 4 fois de suite! C'est une victoire. Il faudra tâcher de le faire souvent en ce st.temps de carême; faible vous avez besoin de force.

Ah! si le coeur pouvait goûter Jésus dans son divin Sacrement; comme son service vous serait plus doux!

Je voudrais bien que vous puissiez vous persuader que N.S. a pour vous un tendre et singulier amour! mettez-vous ce miroir devant les yeux à la place de celui de votre conscience troublée, et vous vous sentirez attirée vers lui.

Pour le Carême demandez vos permissions là-bas, parce que c'est local.

J'ai vu Mme de la G. - le sermon aura lieu à N.D. des Victoires et elle quêtera de bonne grâce.

J'ai reçu samedi son magnifique ornement; vraiment celui qui a le plus de bon goût de tous ceux que nous avons!

Vous feriez peut-être bien d'essayer de mettre le bon petit Joseph dans un petit pensionnat comme essai.

Je vous ai retenu M.Lombard, il a déjà une leçon (double) de 100 f. par mois.

J'ai une photographie qu'on m'a donnée à Lyon, je vous l'envoie telle quelle pour vous prouver ma bonne volonté.

Me voici tout malade depuis 10 jours avec une grosse grippe et consigné, j'en profite pour vous écrire, et vous bénir paternellement en N.S.

Eymard.


Nr.2113

An Marianne Eymard

Paris, 25 février 1868.

BIEN CHERES SOEURS,

Je viens vous donner de mes nouvelles. J'ai fait un heureux voyage et suis arrivé sous la conduite toute paternelle de la Providence.

J'ai trouvé affaires sur affaires; tout se fait peu à peu.

Cette vie est un temps de travail, et de travail souvent pénible : "Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front", dit Dieu à Adam et à nous.

Nous sommes des condamnés aux galères de la pénitence par Dieu et nos péchés; mais ces galères finissent par le ciel si nous y faisons bien ce que Dieu veut pour sa gloire. Voici le temps du Carême, l'Eglise veut qu'on prie davantage, qu'on fasse pénitence, qu'on imite ainsi Notre-Seigneur jeûnant dans le désert.

Faites ce que vous pourrez, chères soeurs, mais ne jeûnez pas, vous ne le pouvez pas. Il faut entretenir cette petite lampe de force que Dieu vous a donné afin qu'elle luise encore quelque temps pour sa gloire.

Pour moi, j'ai eu la grippe, ce qui me va bien parce que cela m'a donné un peu de temps libre; mais voilà qu'elle s'en va et il faudra reprendre le cheval de bataille. Que Dieu soit béni de tout!

J'ai été bien heureux, chères soeurs, de vous voir quelques heures; c'est toujours trop court sans doute pour le coeur, mais il faut savoir faire des sacrifices même dans l'affection fraternelle quand Dieu appelle.

Adieu, chères soeurs, priez bien pour moi, et faites-nous des bas.

Votre frère.

EYMARD


Nr.2114

An P. Audibert

Paris, 25 Février 1868.

Bien cher Père,

Je suis grippé fortement depuis dix jours et avec une fièvre catarrhale qui me fait consigner dans ma cellule.

Je voulais aller vous voir dimanche prochain, mais je vois que ce ne sera guère possible, comme aussi je ne sais si j'aurai assez de force pour donner à ces bonnes soeurs les exercices de la retraite.

Cependant je ne partirai pas pour Bruxelles sans aller vous voir avant, car la question de notre église d'Angers passe avant tout.

Arrangez toutes choses religieuses avec la pénitence quadragésimale et la faiblesse humaine: Iustitia et veritas, misericordia et pax.

Que Dieu vous soutienne, cher Père; travaillez, faites travailler: l'esprit de Dieu est un dans le beau comme dans le saint.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD Sup.


Nr.2115

An Frau Lepage

Paris, 25 Février 1868.

CHERE FILLE EN N.-S.,

Je suis tout souffrant, on a craint une fluxion de poitrine, on m'a consigné dans ma cellule et on ne me donne pas encore la faculté de sortir.

Cette grâce de retraite forcée me fait du bien, elle calme mon pauvre intérieur toujours en l'air ou en chemin.

Dieu m'a gardé ma pauvre tête pour penser un peu à Lui.

Vous avez raison de me gronder pour Tarare; figurez-vous que deux fois j'ai manqué le chemin de fer que je devais prendre.

Sur mon chemin, j'ai trouvé des personnes qui m'ont attardé; le faisaient-elles exprès, sachant mon plan? puisque j'avais dit adieu à Mr Carrel devant partir pour Tarare.

Je ne pouvais pas trop retarder mon arrivée à Paris, alors je suis parti triste en me disant: J'irai exprès de Paris et ne m'arrêterai pas à Lyon.

Vous avez donc fait une retraite. C'est bien! mais les retraites des Jésuites sont comme les eaux thermales; elles fatiguent dans le moment, plus tard on en sent les heureux effets. Bénie soit votre résolution d'une heure de silence quotidien; ce sera l'heure du Bon Dieu. Vous avez bien fait d'y rester jusqu'au bout, faire autrement aurait été une infidélité.

Je vous laisse, bonne fille, je vous bénis avec votre bonne amie, ma vieille fille. Nos mariés sont heureux l'un de l'autre. J'ai fait un peu la morale à Madame, mais déjà tout était bien, on se disait heureux. Je vous laisse, chère fille; que Mlle Antonia prenne cette lettre un peu pour elle. Je n'ai pas le courage d'en faire une deuxième.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.


Nr.2116

An Sr. Philomena

Paris 26 février 1868

Chère fille,

Envoyez-moi de suite le billet que vous me dites avoir de Sr. Louise Chabert, on en a besoin de suite pour faire valoir sa créance, à la faillite.

De même si sa mère n'a pas fait de réclamation comme Créancière, c'est le moment de m'envoyer pour notre avoué une feuille de papier marqué de 50 cent. et au bas de la page écrire: bon pour pouvoir - pour défendre mes droits à la faillite Leclerc (et la signature). Comme la mère ne pourra écrire tout cela, conduisez-lui la main et envoyez en même temps son titre, car on n'a que 20 jours de délai pour cela.

Je vous bénis toutes les deux en N. S.

Eymard.

/Rom-Ausgabe: Cette lettre est adressée à Soeur Philomène, mais les salutations

indiquent bien que la lettre est pour Soeur Benoîte aussi/

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Nr.2117

An Mathilde Giraud-Jordan

Notes du Père Eymard faisant suite à une conversation écrite en wagon au commencement de l'année 1868.

A. -Il faut bien connaître les sources de la tiédeur de l'esprit.

La première est la plus mauvaise, c'est la dissipation d'esprit, trop de vie extérieure. Tout glisse alors sur lui. C'est le grain de l'Evangile tombé sur le chemin. Le remède c'est de ramener l'esprit à la réflexion naturelle par quelques lectures ou méditations sérieuses qui frappent et le fixent à quelque chose.

En général, il faut une grande vérité plutôt qu'un sentiment pieux. Le travail de la vérité est pour ramener l'attention, la réflexion et enfin la dévotion.

La deuxième source de la tiédeur de l'esprit, c'est l'ennui de l'esprit pour le sérieux et le positif. Cette maladie ne se guérit que par l'expansion de l'amour divin, puisque c'est le découragement qui en est le fond.

La troisième source, c'est la paresse de l'esprit qui craint de trop voir la vérité.

La quatrième source, c'est de contrarier la grâce, l'attrait du moment. L'esprit est comme fermé et hébété. Il faut suivre le besoin et la lumière du moment.

On se craint impuissant et l'on est hors de sa voie, on n'est ni naturel ni surnaturel. Que faire? Suivre la grâce. Naturaliser en l'esprit la vérité que la grâce de Dieu nous offre. Pour cela il faut huit à quinze jours pour naturaliser une vérité et la rendre habituelle; mais il faut en faire le centre de sa piété et que tout converge vers elle.

Ayez à coeur la vue de Dieu, la science de Jésus-Christ, la pensée fixe de quelque vertu, et vous aurez un centre de force et de consolation.

Notre-Seigneur a dit: "La vie éternelle consiste à vous connaître, vous seul Dieu, et Celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ."

Ainsi, connaître, c'est la vie: Dieu lumière, vérité, puis Dieu charité.

B. - Comme nous allons toujours en perdant et en usant nos forces spirituelles, et que nos exercices pieux ne sont que le soutien du moment, il faut avoir des exercices réparateurs de temps en temps, et des exercices de provision de force pour l'extraordinaire de la vie. Savoir: un retour hebdomadaire, mensuel, afin de savoir en quel état on est.

Ce retour porte sur les grâces,

sur les devoirs,

sur les péchés,

sur les vertus.

C'est l'examen de la position, il faut y tenir.

Par-dessus tout, ayez bonne volonté fondée sur la grâce de Dieu et sur votre volonté bien ferme pour Dieu contre vous, s'il le faut.


Nr.2118

An Marg. Guillot

Paris, 1er Mars 1868.

Chère fille,

Merci de votre lettre et de son contenu, vous vous appauvrissez de cette manière.

Je vais mieux, mais pas assez pour me mettre en chemin de fer: je suis trop faible.

Il faudra m'envoyer le titre de soeur Louise (Chabert) sur Mr Le Clère; car passé quinze jours, on ne pourra pas réclamer à la faillite.

J'ai appris hier que l'argent de soeur Marie n'a rien à craindre et que la société liturgique va continuer. J'avais envoyé le fr. Frédéric à l'assemblée pour vous représenter.

Je croyais que soeur Philomène avait le billet de soeur Louise, elle m'écrit que non.

J'espère bien ne pas aller en Belgique sans aller vous voir et le P. Audibert. Si je le puis, ce sera vers la fin de la semaine.

Adieu, chère fille, Je vous bénis bien en Notre-Seigneur

EYMARD.


Nr.2119

An Frau Jordan

Paris, 2 Mars 1868.

CHERE FILLE EN N.-S.,

C'était une grosse grippe ou fièvre catarrhale qui, depuis dix jours, me garde dans ma cellule, tranquille et un peu à moi; c'est donc une bonne chose.

Je regrette bien de n'avoir pu voir Mlle Belle et voilà que, vers le milieu de la semaine prochaine, je vais en Belgique prêcher pendant neuf jours, si Dieu m'en donne la force.

J'étais fatigué à Lyon de tant de prédications et de courses, et je ne m'en aperçois pas; vous voyez que je suis un bon soldat sur le champ de bataille.

Quelle bonne nouvelle que celle du retour du fils de Mlle Belle! Pauvre fils! m'a-t-il occupé devant Dieu! Enfin, il revient; que Dieu en soit mille fois béni!

J'aurais bien voulu répondre un mot, dans votre lettre, à cette bonne Edmée; mais assurément c'est trop tard! Nous les verrons donc trois mois! 58 ans, chère fille, nous voilà à la 11e heure. Ah! si le cadran de la vie pouvait revenir vers les premières heures de cette vie, comme nous serions plus surnaturels! Mais il faut se contenter des quelques heures qui restent pour arriver au midi de l'Eternité.

Soyons bien surnaturels en tout! Voilà l'aiguille de la vraie vie qui sème pour le Ciel des fruits de vie. Tout est là: Dieu ne récompense que cette vie de Jésus-Christ en nous.

Mais comment être surnaturels? Par la charité divine active. - Qu'est-ce que cette charité divine active? La coopération de notre volonté à la grâce qui nous est donnée. C'est le fiat de nous en Dieu, c'est l'adhésion amoureuse de notre âme à Dieu.

C'est en un mot l'amour de Dieu, loi, centre et fin de notre vie. Que Dieu nous l'accorde bien!

J'ai bien regretté de ne pas être allé jusque chez Mme Mouly. J'étais en chemin et on m'a arrêté.

Vous voilà donc avec votre chère et bonne fille, elle doit être heureuse d'avoir sa bonne mère.

Adieu, chère fille,

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S.


Nr.2120

An P. Audibert

Paris, 12 Mars 1868.

Bien cher Père,

Toute l'affaire qui m'a retenu ici concerne Mlle Sterlingue. Elle est allée à Meaux effrayer ce bon et vieil Evêque, qu'elle allait nous faire un procès des plus scandaleux, à moi et à la Supérieure d'Angers, que le tribunal lui avait rendu ses lettres. Elle a fait la même chose à l'Archevêque de Paris, elle a effrayé Monsieur Lagarde par les menaces contre nous, fait bien des calomnies: que je ne voulais pas lui donner son argent, que je voulais garder ses lettres alors qu'elle voulait les brûler, que je l'avais brouillée avec son père, voulu escamoter toute sa fortune, que j'avais empoisonné son père, l'avais rendu fou, etc. etc. - Devant cette furieuse, Mr Lagarde m'a prié d'aviser, que Mgr l'Archevêque en était peiné, etc.

Je lui ai dit que l'argent était déposé depuis le 23 novembre chez notre avoué Mr Chauveau, que deux fois, le 8 décembre et le 1er mars, Mr Chauveau lui avait porté son argent, que la première fois elle s'était cachée, la seconde elle avait refusé de mettre les lettres sous la garde perpétuelle du notaire, ainsi qu'il était convenu avant le contrat.

Ses hommes d'affaires lui conseillant de faire ce que voulait Mr Chauveau, elle n'a pas voulu; alors il est revenu en disant: Je vous attends à Paris, et l'argent y est à votre disposition et aux conditions requises.

Mlle Sterlingue a voulu nous effrayer comme la première fois, mais c'est fini: je l'attends; elle veut assigner la Mère d'Angers aussi pour un procès, mais la Mère n'a qu'à répondre qu'elle m'a donné l'argent, que c'est à moi qu'il faut s'adresser, qu'elle ne met aucune condition au remboursement, que cela me regarde, qu'elle n'était pour rien dans le contrat. Voilà l'état des choses.

Mlle Sterlingue avait dit à Mr Lagarde, Vicaire Général, que si lundi je ne lui rendais pas justice, elle me ferait donner une assignation; je l'attends et de pied ferme, persuadé que Dieu ne nous laissera pas entre les fureurs de cette pauvre créature.

Si rien d'extraordinaire n'arrive, je vous arriverai certainement samedi soir.

Rassurez, s'il vous plaît, la Mère Marguerite: elle n'a rien à craindre, je serai sur la brèche, notre avoué est très bon.

A bientôt, cher Père.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

P. S. - Je reçois à l'instant l'assignation Sterlingue pour paraître dans trois jours devant le Président du tribunal de la Seine; nous répondons par une offre par huissier; nous verrons l'issue, mais je veux tenir ferme nos droits.

(1) () Fondation de la Maison, Chaussée de Wavre,

Bruxelles.


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