G R A V U R E

EN TAILLE-DOUCE, EN MANIERE NOIRE, MANIERE DE CRAYON, &C.


CONTENANT NEUF PLANCHES.

L 'ART de graver considéré du c6té mechanique,
nous a déterminé sur le choix des figures qui com-
posent ces Planches; les explications que nous y joignons
en demontreront l'utilité: avec le secours de ces pre-
mieres notions pratiques, les commençans pouront se
tirer plus aisément dles difficultés de l'exécution dans
les difféns genres de gravure.

Les premiers exercices de ceux qui veulent s'initier
dans cet art, font ordinairement de copier quelques bon
exemples graves dans quelque genre que ce soit ; mais
de quelle utilité sera cette étude, si l'éleve n'est pas
déjà éclairé par une théorie pratique ; s'il ne sait point
analyser ce qu'il copie'? Il acquerra à la vérité une rou-
tine, une habitude de faire , mais q'il ne faura pas
appliquer à un sujet neuf qu'il graveroit immédiatement
après. Quel sera l'embarras d'un commençant tel que
nous le supposons, si lorsqu'en comparant différens mor-
ceaux d'un méme maitre, il s'apperçoit que l'artiste a
traité différemment des objets de méme nature, de méme
espece? il attribuera sans doute ce variétés à un goùt
arbitraire, parce qu'il ignorera le motif qui a déterminé
à faire d'une maniere plutot que d'une autre, & q'ue les
objets de meme nature, mais qui se trouvent dans des
oppositions différentes relativement à d'autres, doiavent
etre rendus en gravure par des travaux différemment va-
riés & opposés. D'ailleurs la meme maniere de graver n'est pas toùjours propre à rendre le g6ùt du pinceau qui cara-
ctérise les différens peintres d'après: lesquels on grave.

Un graveur deviendroit mnonotone & bien peu utile
s'il exécutoit avec le meme travail, les tableaux de Ra-
phael
, du Guerchin, du Dominquin, de Rubens,de Mi-
chel Ange, &c puisqu'il manqueroit par la le but qu'il
doit se proposer de nous faire connoitre, autant qu'il
est possible, les talens & le style de chaque peintre, qui
se caracterise chez les uns par une touche franche, har-
die, & dans un ensemble fait avec liberté & avec feu;
chez les autres par un fini plus moèlleux, pIus sua-
ve, des coutours plus fondus, des touches plus indé-
cises , &c. ces differentes modifications ne sont point in-
compatibles avec la belle gravure, & c'est le moyen de
rendre cet art si agréable & si intéressant par lui-meme,
utile à l'histoire de la peinture. Les plus célebres gra-
veurs dans tous les genres fournissent la preuve de ce que
nous avançons; c'est à leur& production que nous ren-
verrons, suivarit les cas.

Toutes ces propriétés de l'art auroient demandé ici
un nombre considérable d'exemples, mais notre inten-
tion n'est point de preferire une maniere de graver com-
me particuliere à un genre ou à un peintre ; nous ne
pouvons donner que des principes généeraux sur le mé-
chanisme, c'est au graveur à consulter son gout & son
intelligence, suivant le cas , & suivant ce que le tableau
lui inspirera. On doit seulement se mettre en garde con-
tre une maniere habituelle, qui n'étant pas placèe à
propos, n'est propre qu'à enposer aux demi-connois-
seurs, soit par un travail propre, égal, & servilement
arrangé; soit par un travail libertin & par tout sans or-
dre; espece de mérite qui se trouvant destitué de gout
& d'intelligence, ne prouve dans l'un que l'adresse & la
patience, & dans l'autre que le mainque des talens né-
cessaire pour varier ses travaux.

La gravure doit étre précedée par l'étude du dessein,
cet art en est la base: c'est le germe du goùt qui doit
la vivifier. Nul sentiment, nul progrès en gravure sans
une expérience consommée dans la pratique du dessein.
Enfin la seule différence qui soit entre ces deux arts,
s'il est vrai qu'il y en ait une, ne confiste que dans les
moyens d'opérer, la matiere sur laquelle on opere, &

Gravure en Taille, &c.

le chemin plus court ou plus lorig qu'il faut tenir pour
arriver au meme but; tout leur est egal d'ailleurs, prin-
cipes, harmonie, goùt, intelligence, ils ont chacun
la nature pour modele. Voyez les Planches du Dessein.

P L A N C H E   I ere.

La vignette représente un attelier où on a rassemblé
les principales opératioris de la gravure à l'eau-forte &
au burin.

Fig. I. Un graveur qui v'ernit une planche au vernis mou.
a est la planche placée sur un rechaud. Voyez les in-
strumens & la maniere d'operér, Pl. II fig. 1. 3. 4.

I. bis. Représente un homme qui noircit le vernis.
On suppose ici que la planche est trop grande pour
la pouvoir soutenir d'une main , tandis que de l'au-
tre on tient le flambeau: voici comme on s'y prend
en pareil cas. On passe dans un piton attaché au
plancher, quatre cordes d'égale longueur, b, c,
d, e,
chacune de ces cordes a une boucle à son
extrémité; on suspend le cuivre que l'oni veut noir-
cir par ses quatre angles que l'on fait entrer dans
chacune des boucles b, c, d, e, ensorte que a soit
le c6té verni de la planche. L'on conduit le flam-
beau parallélement au coté b e dans toute la lar-
geur b c, & ensuite parallélement au c6té e d dans
toute la longueur b e, c d, & dans d'autres sens,
jusqu'à ce que la superficie soit également noire
par tout; il faut prendre garde que la meche du
flambeau ne touche au vernis , mais seulement la
flamme. Si on appréhendoit que les angles du cui-
vre ne sortissent des boucles, on mettroit un étau
à main à chaque coin de la planche , & les boucles
se prendroient dans les queues de ces étaux. Lors-
que le cuivre est petit , on le tient d'une main par
un étau qui sert de poignée , & on a la facilité de
le retourner comme on le voit ici, c'est-à-dire, que
le c6té verni soit en a.

2. Cette operation est de faire mordre avec l'eau-forte
à couler. A le graveur qui verse l'eau sur une plan-
che posée sur un chevalet; on a représerné ces in-
strumens plus en grand & la maniere d'opérer dans
la PI. V. fig. 1. 2. 3. 4.

3. Est un graveur occupé à graver à la pointe sur le
vernis: cette figure s uffira pour donner une idée de
la position de la main dont il est parlé à l'article
GRAVURE. g le tableau que ce graveur copie; i la
planche vernie sur laquelle il grave; l son chassis.
Voyez ce chassis , Pl.V. fig. 6.

4. Maniere de faire mordre avec l'eau-forte à couler,
en ballottant une boite qui contient la planche &
l'eau-forte; on verra cette boite plus en grand dans
la Pl. VI. fig. 4. La meme Planche représente aussi
une machine, qui par le mouvement qu'elle com-
munique à la boite, produit ce balottement , & di-
spense l'artiste de le faire. Voy.l'art. GRAVURE.

5. Graveur qui fait riiordre avec de l'eau-forte de dé-
part: on le suppose ici dans l'instant où il vuide
l'eau-forte de dessus sa planche; n la table sur la-
quelle il pose la planche lorsqu'elle mord; o le petit
poèlon qui contient la mixtion dont il va couvrir
les endroits que l'eau-forte a assez pénétrés. Yoyez
la fig. Pl. V. des détails sur cette opération.

6. Le graveur au burin; m la table; H le coussinet pla-
cé sous la planche;l le tableau ; k fon chassis. Voyez
la maniere de tenir le burin, Pl. III. fig. 6. 7.

7. Un graveur occupé à repousser. Voyez Pl. suivan-
te, fig. 12. 13. 18. ce que c'est que repousser, &
les outils dont on sert.

A

Extrait de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, 1751-1772, page 1


[Enciclopédie]  [Page 1]  [Page 2
[Planche 1]  [Planche 1 suite]  [Planche 2]  [Planche 5]  [Planche 6
[Imprimerie
[home