Elève des jansénistes dont la vision tragique de l'existence marquera son oeuvre, Jean Racine connaît la gloire pendant une décennie intense.
Dans l'univers racinien règnent cruauté et folie: les couples se déchirent, les parents sacrifient leurs enfants à leurs passions, les frères s'entre-tuent, etc. Les personnages sont mus par le désir et écartelés par une contradiction insoluble, morale et raison d'une part, ardeur et pulsions de l'autre. La seule échappatoire est l'absolue solitude ou le plus souvent la mort. Le héros est entraîné dans une spirale inexorable, même s'il se débat jusqu'au bout contre un sort qu'il sait inéluctable. Racine reprend l'idée antique du "fatum" dans lequel les événements sont incompréhensibles, la justice illusoire et la destinée déjà scellée. Dans ce théâtre à la morale austère l'amour mène au désastre. Contrairement à Corneille qui relate la montée de l'héroïsme, Racine dépeint la chute des protagonistes dans une société où ils mettent leur pouvoir au service de leurs passions.
Ses pièces incarnent à la perfection les règles classiques, elles en sont même l'épure. L'unité de ton met en valeur l'essence tragique du texte et les unités de lieu, de temps et d'action en renforcent l'aspect dramatique: personnages pressés par les événements et condamnés à agir dans un huis-clos asphyxiant.
Une autre force du drame racinien est la beauté du style. Les faits concrets se passant en coulisse, tout est rapporté par le discours. Le "chant racinien" fait appel à la clarté et au lyrisme. L'écriture joue sur la musicalité des phrases, le rythme du texte, la richesse des images. Racine crée un effet de "sourdine" pour atténuer l'horreur décrite en utilisant la périphrase, l'allusion, la métaphore, l'oxymore.